Donald Trump a débuté les négociations avec Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky. La volonté du président américain de conclure une paix en Ukraine se heurte au souvenir du départ d’Afghanistan, qui a hanté la présidence Biden. Entretien avec James Jay Carafano.
Entretien avec James Jay Carafano. Conseiller principal du président Trump lors de sa première présidence et E.W. Richardson Fellow à la Heritage Foundation. Entretien réalisé par Henrik Werenskiold. Texte paru sur Geopolitika. Traduction de Conflits
Vous avez toujours dit qu’une nouvelle administration Trump continuerait à soutenir l’Ukraine. Est-ce toujours votre perception de ce qui se prépare ?
Je suis encore en train d’étudier la composition de l’équipe. Lorsque sa composition finale sera connue, les choses seront beaucoup plus claires. Mais je reste persuadé que les États-Unis ne quitteront pas l’OTAN et je ne pense pas qu’ils abandonneront l’Ukraine. Je pense qu’il y a deux choses pertinentes à cet égard.
Premièrement, si Trump veut mettre un accord sur la table, il ne peut pas proposer un accord qui dise : « Si vous ne voulez pas de cet accord, nous allons simplement quitter l’Ukraine ». Ce serait insensé, car l’accord échouerait, n’est-ce pas ? Ce n’est donc pas possible. Il ne peut mettre un accord sur la table que s’il a des conséquences très graves pour les Russes et qu’il est prêt à les appliquer si les Russes ne l’acceptent pas.
La deuxième chose est l’Afghanistan. Beaucoup de gens autour de Trump ont dit que la dernière chose qu’il voudrait faire est de se retirer et d’avoir un désastre de politique étrangère en Ukraine, qui empoisonnerait le reste de sa présidence comme l’Afghanistan l’a fait pour Biden. Et les gens peuvent dire : « Pourquoi Trump s’en soucierait-il ? Il ne sera pas réélu ».
Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agissait d’une élection axée sur des questions spécifiques, essentiellement nationales. Les Républicains ont gagné beaucoup d’électeurs qui ne font pas partie de la base traditionnelle de Trump. S’ils veulent conserver ces électeurs, et si Trump veut laisser en héritage la restructuration du centre politique américain, il doit être à la hauteur sur ces questions. Il ne peut donc pas se permettre d’essuyer un échec cuisant en Ukraine.
Enfin, Trump n’a pas été élu pour fuir l’Ukraine. Je veux dire, je sais qu’il y a des gens dans le mouvement qui veulent simplement s’en aller, mais Trump a été élu principalement pour s’occuper des questions intérieures. En ce qui concerne la politique étrangère, les gens s’attendent à ce qu’il fasse mieux que Biden. Trump n’a donc pas de mandat pour abandonner l’Ukraine.
Je suis sûr qu’il y a des gens dans la base électorale de Trump qui veulent que les États-Unis abandonnent l’Ukraine, mais il n’y a pas de mandat pour cela. Le mandat de Trump est de bien gouverner, et les gens ne vont pas l’abandonner parce qu’il ne décide pas d’abandonner l’Ukraine.
L’autre chose, c’est que Trump a déjà parlé à Zelensky et aux Ukrainiens, et je pense que les Ukrainiens sont déjà d’accord avec la direction que nous prenons. Il se peut donc qu’il y ait des négociations et que l’administration veuille que les Européens en fassent beaucoup plus, mais il reste à voir quels seront les détails finaux.
Je pense donc que l’idée que nous allons simplement nous retirer de l’Ukraine ne passe pas le test du bon sens, à mon avis. Mais encore une fois, je ne parle pas au nom du président élu ou de l’administration. Je ne fais pas partie de l’équipe de transition. Je n’ai pas participé à la campagne. Ce n’est donc que mon opinion personnelle.
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En vous fondant sur vos suppositions éclairées en tant qu’ancien conseiller présidentiel de Trump, à quoi ressemblerait un accord avec Trump s’il devait proposer une sorte d’accord à Poutine ?
Je pense qu’il y a des choses qui sont, vous savez, probablement non négociables. Je ne pense pas que quiconque puisse forcer l’Ukraine à renoncer à la souveraineté de son territoire, même s’il est occupé. Je ne pense pas que quiconque puisse vraiment imposer un accord d’une manière ou d’une autre sur la date d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Mais il n’y a pas de consensus sur l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN à l’heure actuelle, donc je ne pense pas que ce soit une question pertinente.
Cela dit, je ne pense pas que les États-Unis aient intérêt à aider l’Ukraine à reconquérir tout son territoire. C’est peut-être un intérêt ukrainien, mais il n’y a aucune chance que les États-Unis y souscrivent. Et il y a des raisons très pratiques à cela. La première est que si l’Ukraine se battait jusqu’à la frontière, celle-ci ne serait pas plus défendable que l’endroit où les Ukrainiens se trouvent actuellement.
En outre, la Crimée n’a plus aucune importance militaire, car tout ce qui s’y trouve est à la portée des armes ukrainiennes. Et les États-Unis s’en moquent, car nous pourrions éliminer tout ce qui se trouve dans la mer Noire depuis la Méditerranée. Il pourrait donc être dans l’intérêt de l’Ukraine de reconquérir l’ensemble de son territoire, mais les États-Unis ne soutiendront pas cette reconquête.
Et je sais que Trump a déjà déclaré officiellement qu’il était prêt à continuer à soutenir l’Ukraine. Mais je ne sais pas où s’arrête la ligne et comment ils traitent les territoires de la Russie. Je n’ai aucune connaissance secrète à ce sujet. À mon avis, la situation ressemblera beaucoup à celle de l’Allemagne de l’Ouest en 1945, à celle de la Corée en 1953 ou à celle d’Israël en 1968.
La ligne de démarcation sera là où elle sera. Mais la question la plus importante n’est pas de savoir à quoi ressemblerait un accord potentiel, mais plutôt à quoi ressemblera le soutien des États-Unis à l’Ukraine à l’avenir. Qu’allons-nous faire par la suite ? Ici, je vois les États-Unis vouloir que les Européens jouent un rôle majeur dans ce domaine, mais je ne vois pas le soutien des États-Unis – militaire, humanitaire et financier – tomber à zéro.
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