Article paru dans la Revue Conflits n°53, dont le dossier est consacré au Moyen-Orient.
La carte que nous présentons ici couvre la période 1970-2022, et concerne l’ensemble des manifestations de violence politique répertoriées dans la Global Terrorism Database. On y a distingué les actes de terrorisme et de guérilla en fonction des cibles choisies. Cette distinction, qui se fonde sur les avancées récentes de la recherche sur le terrorisme, identifie comme actes de guérilla ceux qui s’attaquent principalement à des cibles à l’identité fonctionnelle comme des membres des forces armées, de la police, les divers fonctionnaires qui assurent la présence étatique dans un territoire disputé, etc. Le terrorisme, en revanche, en tant que mode de communication violente, vise avant tout des personnes, des objets et des lieux à l’identité vectorielle, car aptes à transmettre au mieux par leur victimation et/ou destruction les messages que les terroristes veulent transmettre à diverses audiences.
Cette représentation permet notamment de servir d’ancrage empirique à l’élaboration d’hypothèses relatives aux choix que font des acteurs rationnels entre diverses options dans le registre de l’action violente. En particulier, la distribution inégale des actes de guérilla peut servir d’indicateur indirect pour la présence de milices, réalité sans doute destinée à connaître un développement remarquable dans un avenir proche.
L’enseignement majeur de cette carte est toutefois l’importance à accorder aux nuances. On perçoit clairement que le terrorisme ou la guérilla prédominent dans certains pays et/ou régions. Toutefois, le choix stratégique et tactique de chaque groupe, ainsi que la situation géopolitique locale, déterminent conjoncturellement les modalités de la violence qui seront privilégiées.
Le tableau ci-dessous le confirme : parmi les dix pays qui ont connu le plus grand nombre d’actes recensés dans la base, si l’Irak l’emporte par le nombre total d’actes et celui des actes de terrorisme, c’est l’Afghanistan qui vient en tête pour le nombre et le pourcentage d’actes de guérilla ainsi que par leur nombre par million d’habitants : ce sont eux qui ont mené aux deux reconquêtes du pays par les talibans. À l’opposé, leur nombre et leur proportion sont faibles au Nigeria, et plus encore en Inde quand on prend en compte la masse de sa population.
Nom | Total | Actes de | Actes de | Total par | % d’actes | Guérilla par |
guérilla | terrorisme | M habitants | de guérilla | M habitants | ||
Irak | 28 068 | 11 851 | 16 217 | 736 | 42 | 311 |
Afghanistan | 20 373 | 13 183 | 7 190 | 595 | 65 | 385 |
Pakistan | 15 654 | 5 903 | 9 751 | 74 | 38 | 28 |
Inde | 14 164 | 6 152 | 8 012 | 10 | 43 | 4 |
Colombie | 8 991 | 3 723 | 5 268 | 174 | 41 | 72 |
Philippines | 8 375 | 4 561 | 3 814 | 76 | 54 | 41 |
Yémen | 6 325 | 3 143 | 3 182 | 185 | 50 | 92 |
Pérou | 6 116 | 2 429 | 3 687 | 180 | 40 | 72 |
Nigeria | 5 998 | 1 745 | 4 253 | 26 | 29 | 8 |
Royaume-Uni | 5 553 | 2 246 | 3 307 | 83 | 40 | 33 |
Plutôt que penser en termes d’opposition, c’est donc à un continuum entre terrorisme et guérilla que l’on a affaire, ce que cette carte a le mérite de rappeler.