<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Annuler la dette publique ? Ni possible, ni souhaitable

3 mars 2021

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Annuler la dette publique ? Ni possible, ni souhaitable

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La pandémie de Covid-19 va laisser des stigmates durables dans l’économie et par voie de conséquence dans les comptes publics. Pour amortir le choc d’un confinement prolongé, des mesures de politique économique d’une ampleur inégalée ont été prises par les États et les banques centrales. Dans le feu de l’action, nul ne s’est soucié de leurs conséquences sur les déficits, la dette publique ou encore le risque inflationniste. La sauvegarde des revenus était pour ainsi dire une question de survie. En France, la combinaison de l’étalement du paiement des impôts directs et des cotisations sociales, de l’indemnisation massive du chômage partiel, du soutien non moins massif en trésorerie des entreprises a, en quelques mois seulement, porté le niveau du déficit budgétaire à 9-10 % du PIB et celui de la dette publique à 120 % du PIB. Parallèlement, la Banque centrale européenne (BCE) a, contre la création de nouvelles unités monétaires, lancé un important programme d’achat de titres publics et privés (750 milliards d’actifs financiers).

Le coût stratosphérique pour les finances publiques des mesures anti-Covid-19 et l’affaiblissement subséquent de nos marges de manœuvre sont d’autant plus alarmants que se dessine l’hypothèse d’un virus résistant et d’une campagne de vaccination, étalée pendant de longs mois, laissant du même coup augurer de l’apparition de nouvelles vagues épidémiques. Diverses idées franco-françaises consistant, sinon à restaurer les équilibres, du moins à maîtriser les déséquilibres ont déjà fait surface (ou refait surface, si l’on tient compte de la vieille antienne d’un impôt « exceptionnel » sur la fortune, qui ne ferait qu’accentuer les distorsions de notre système fiscal). Parmi celles-ci figure l’effacement pur et simple de la dette publique spécifiquement contractée pour affronter la pandémie – solution suggérée notamment par le communiste Jean-Luc Mélenchon et le socialiste Arnaud Montebourg.

« une annulation de la dette n’est jamais indolore ni inconditionnelle »

Il peut certes arriver que la situation financière d’un débiteur devienne insupportable au point de conduire à une annulation de dette. C’est au prix toutefois d’une détérioration de la situation financière du créancier qui, voyant ses revenus amputés et son patrimoine diminué de la perte des intérêts, peut dans certains cas être acculé à la faillite. Un tel effacement reviendrait également à favoriser les États peu rigoureux aux dépens de ceux qui auront été soucieux, dans leur gestion publique, de tenir compte des risques qui ne se sont pas concrétisés dans un passé récent – au titre desquels le risque pandémique. Surtout, en effrayant les investisseurs, l’annulation de la dette publique mettrait en danger notre capacité à emprunter dans le futur – ou, à défaut, accroîtrait nos taux d’intérêt (un relèvement de 1 % des taux représenterait un surcroît pour le budget de l’État de 2,5 milliards d’euros la première année et de 15 milliards d’euros la cinquième année). Bref, malgré ce que laissent accroire les tenants de l’« argent magique », une annulation de dette n’est jamais indolore ni inconditionnelle.

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Une annulation des dettes des États détenues dans le bilan de la BCE est aussi envisagée. Il est pourtant indispensable que les agents économiques gardent confiance en l’euro, aujourd’hui concurrencée par une très grande variété de monnaies (concurrence à laquelle pourraient venir s’ajouter demain des monnaies privées) et dont le pouvoir d’achat ne serait alors plus assuré. Pareille annulation est de toute façon impossible, les traités européens interdisant à la BCE de financer directement les États (elle ne peut en effet qu’échanger des billets contre de la dette publique, laquelle doit lui être remboursée). Gardons-nous également de l’idée reprise par Alain Minc visant à remplacer la dette Covid-19 par des obligations perpétuelles, ce qui serait parfaitement équivalent à des obligations à très long terme. Reste enfin l’inflation pour amoindrir l’endettement public. Mais l’histoire montre que ce n’est pas, là encore, une solution sans dégâts…

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À propos de l’auteur
Victor Fouquet

Victor Fouquet

Doctorant en droit fiscal. Chargé d’enseignement à Paris I Panthéon-Sorbonne. Il travaille sur la fiscalité et les politiques fiscales en France et en Europe.

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