<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Dans dix ans, il n’y aura plus de baleines

26 août 2024

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Baleine (c) Unsplash

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Dans dix ans, il n’y aura plus de baleines

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Comment l’Homme fait-il face aux annonces toujours plus pressantes de pénuries des ressources naturelles? Retour sur les rapports ambigus entre les Hommes et leur habitat naturel. 

Article paru dans le numéro 50 de mars 2024 – Sahel. Le temps des transitions.

Souvenir de lycée, aux débuts des années 2000. Évoquant le développement de la Chine, le professeur explique que, compte tenu du cuivre nécessaire pour réaliser les câbles téléphoniques et vu l’immensité du territoire chinois, il sera impossible de connecter toute la population au téléphone puisqu’il n’y aura pas assez de cuivre dans le monde pour cela. Raisonnement juste. Sauf qu’entre temps, de nouveaux gisements de cuivre ont été découverts et surtout que cette matière première n’est plus nécessaire car une nouvelle technologie a été développée, celle de la fibre optique. Sans compter le développement du téléphone par satellite. La pénurie annoncée de cuivre n’a donc pas eu lieu. 

Retour dans les années 1840. Comme l’illustre le roman Moby Dick, la baleine est pêchée pour sa graisse, matière première indispensable à une grande partie de l’industrie d’alors. Avec l’augmentation des besoins, le cheptel de baleines diminue. La chose est certaine : dans dix ans, il n’y aura plus de baleines, plongeant le monde dans une pénurie insoluble. Entre-temps, c’est l’invention du pétrole, qui remplace avantageusement la graisse du mammifère marin. On pourrait multiplier les exemples. Toujours au XIXe siècle, les besoins croissants en charbon de bois, pour alimenter les usines métallurgiques en combustible, menacent la survie des forêts. La découverte du charbon « de terre », la houille, rend obsolète l’abattage et la transformation des arbres. D’autant que cette matière première est moins onéreuse à exploiter et plus calorifique. L’Homme a toujours été confronté aux risques des pénuries et des disparitions des éléments indispensables à sa vie en société. Mais si le mammouth a disparu, lui qui apportait pourtant viande, peau, os, l’Homme a évolué et a continué sa marche. Ce n’est pas par manque de silex que l’âge de pierre s’est arrêté, mais parce que l’Homme a développé le fer, puis le bronze. 

La crainte dépassée des pénuries

Tout au long de son histoire, l’Homme a craint les pénuries et à chaque fois, il a inventé de nouvelles ressources pour les contourner. Finis la baleine, le charbon de bois, la tourbe, comme un jour seront finis le pétrole et le gaz parce que d’autres choses, encore inconnues aujourd’hui, auront été mises au point. En 1972, le rapport du Club de Rome sur la croissance annonçait la fin du pétrole pour l’an 2000. En 2024, la consommation est plus importante que jamais et les réserves aussi. De nouveaux gisements ont été découverts, dans le golfe de Guinée et au large de la Guyane, en mer Caspienne et en mer Méditerranée. De même pour le gaz avec des gisements très prometteurs dans le canal du Mozambique et en Méditerranée orientale. Il n’y aura jamais de pénurie de gaz et de pétrole, comme il n’y a pas eu de pénurie de silex, de tourbe et de cuivre, mais il y aura, un jour, nul ne sait quand, une inutilité du gaz et du pétrole, qui seront remplacés par d’autres sources d’énergie. 

Dans un autre domaine, la joaillerie, le diamant de culture prend son essor. Peut-être un jour cultivera-t-on des émeraudes et des rubis, dont les prix alors chuteront ? La peur de manquer est inscrite dans la nature de l’homme, car le manque signifie la mort. Manque de nourriture, manque d’énergie, manque de matière première et ce sont les sociétés humaines qui sont déstabilisées, voire disparaissent. La peur est utile si elle est un aiguillon qui aide à chercher, et à trouver, de nouvelles solutions et des moyens d’éviter les pénuries. Mais si elle paralyse, si elle inhibe, si elle effraie jusqu’à semer le désarroi, alors elle devient l’ennemi des sociétés. Nombreux sont les entrepreneurs de peur qui vivent en exploitant la crainte naturelle de la pénurie, au lieu de mettre leur intelligence au service du progrès humain. Le manque de soleil a certes permis à Tintin de se sauver des Incas qui l’avaient condamné au bûcher, mais c’est par la science que le jeune reporter s’en est tiré, non par la prostration et la crainte. C’est là le trait principal de la civilisation occidentale : savoir que la nature est intelligible et qu’il est donc possible d’y trouver les solutions à nos problèmes.    

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À propos de l’auteur
Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Docteur en histoire économique (Sorbonne-Université), professeur de géopolitique et d'économie politique à l'Institut Albert le Grand. Rédacteur en chef de Conflits.

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