L’Amérique latine, nouvel épicentre du coronavirus

19 juin 2020

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Des clients attendent devant un magasin en respectant les gestes barrières à Sao Paulo, au Brésil, le 10 juin 2020. Photo : Nelson Antoine/REX/SIPA - Shutterstock40771090_000001

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L’Amérique latine, nouvel épicentre du coronavirus

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Si la pandémie de covid-19 est actuellement en net recul en Europe, celle-ci ne cesse de s’intensifier outre-Atlantique. Bien entendu, comme dans de nombreux domaines, il faut imaginer une Amérique plurielle où la situation varie d’une région à l’autre, mais le fait est que la majorité d’entre elles sont en difficulté pour des raisons similaires.


Si la plupart des pays européens disposent d’une économie, ainsi que d’un système de prestations sociales suffisamment solides pour permettre la mise en place d’une quarantaine, ce n’est pas le cas en Amérique latine, où une part importante de la population vit de l’économie informelle. Ainsi, les mesures de confinement ne sont pas toujours respectées, et contrairement à la France, ce n’est pas dû à une volonté de défiance, mais une question de nécessité économique.

La majorité des emplois informels locaux repose sur le commerce : vente de produits dans la rue, dans les transports en commun ou encore, sur des marchés où les classes sociales les plus modestes se réunissent, ce qui exclut donc également le respect d’une quelconque forme de distanciation sociale.

De plus, la bonne volonté des gouvernements s’est parfois avérée être contre-productive. Par exemple, le professeur Eduardo Gotuzzo a souligné combien le fait que les Péruviens les plus modestes se soient rendus massivement dans des agences bancaires afin d’obtenir d’aides de l’État, a contribué localement à la propagation du virus.

 

L’exode des Latino-Américains

Un grand nombre de Latino-Américains vit actuellement à l’étranger, en Europe (Espagne, Portugal et Italie essentiellement) ainsi qu’aux États-Unis, généralement pour y travailler ou y étudier. Toutefois, lorsque la pandémie s’est déclenchée, bon nombre d’entre eux ont souhaité rentrer dans leurs pays d’origine où ils se sentaient, à tort ou à raison, plus en sécurité.

Malheureusement certains étaient d’ores et déjà contaminés, parfois de manière asymptomatique, et ont par conséquent contribué à faire entrer le virus sur un continent qui n’y était absolument pas préparé.

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Un système de santé à la traîne

Si les hôpitaux et le personnel médical ont été mis à rude épreuve en Europe, il va sans dire que leurs homologues latino-américains le sont d’autant plus étant donné les moyens limités dont ils disposent.

Certaines nations ont rapidement compris que l’absence de cas au début de l’épidémie n’était que provisoire et ont tenté d’anticiper, en réservant des hôpitaux pour les futurs patients atteints du coronavirus ou en renforçant les contrôles aux frontières par exemple, mais cela n’a pas été suffisant, le virus ayant été le plus rapide.

D’autre part, l’un des éléments clés de la lutte contre le coronavirus se situe dans la capacité

à détecter les personnes contaminées, mais hélas, presque aucune nation latino-américaine ne semble être en mesure de réaliser des tests à grande échelle, pour des raisons essentiellement financières ou structurelles.

À titre d’exemple, Eduardo Gotuzzo a rappelé qu’à l’époque du H1N1 le Pérou ne disposait que d’un seul laboratoire abritant les échantillons moléculaires nécessaires aux tests, et que malheureusement, rien n’a changé depuis.

De bonnes mesures au mauvais moment

Enfin, si à quelques exceptions près, la majorité des pays latino-américains ont fait le pari du confinement à l’image de l’Europe, sa mise en place s’est avérée extrêmement maladroite, car très tardive ou au contraire, prématurée.

Confiner une population déjà contaminée n’a aucun sens, mais la confiner avant que la pandémie ne débute réellement et la déconfiner avant que celle-ci n’atteigne son pic l’est tout autant, et c’est malheureusement l’erreur que l’Argentine, le Chili ou encore la Colombie pourraient commettre prochainement, car ces trois pays ont choisi d’aligner (approximativement) leur calendrier sur celui des pays européens. Il y a donc à la fois un problème de timing ainsi qu’un manque de lucidité quant au stade actuel de la pandémie.

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À propos de l’auteur
Mathieu Sauvajot

Mathieu Sauvajot

Titulaire d’un Master en relations internationales de la Sorbonne, spécialiste de l’Amérique latine.

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