Dès 1956 la Corée du Nord a signé un accord de coopération nucléaire avec l’URSS (son ex-colonisateur japonais l’a fait avec l’ennemi américain en 1955). En 1965, est mis en service un réacteur (le Sud l’a fait dès 1962). Suivent deux autres réacteurs et une usine de retraitement produisant du plutonium. Officiellement, ce programme est civil : d’ailleurs en 1985, Pyongyang ratifie le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP).
La disparition de l’URSS, qui soutenait à bout de bras l’économie nord-coréenne, met progressivement le régime aux abois. Il cherche à négocier son programme nucléaire contre une aide économique. Il s’ouvre aux inspecteurs de l’AIEA (1992) et promet d’arrêter la production de plutonium en échange de réacteurs civils américains (1994). Mais de plus en plus sous pression, il voit dans l’arme atomique une assurance tous risques contre les menaces de déstabilisation. Il se retire du TNP en 2003. En 2006, il teste sa première bombe A, ainsi que des missiles balistiques. Son arsenal ne cesse de se perfectionner. En 2016, Pyongyang a testé ce qu’il affirme être une bombe H, ainsi que des missiles SLBM (1).
Aujourd’hui, la Corée du Nord posséderait une petite dizaine de bombes. Elle produit chaque année assez de plutonium pour en fabriquer une autre (6 kilos : le Japon, lui, en stocke 47 tonnes). Miniaturisées, ces bombes pourraient équiper deux types de missiles. Les Musudan, d’une portée théorique de 4 000 km, et dont la version SLBM permet un effet de surprise. Les Taepodong, ICBM (2) portant à 6 000 km (?), pourraient frapper l’Alaska, à condition de maîtriser la technologie de rentrée de leur ogive dans l’atmosphère.
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Agir ou ne rien faire ?
On voit généralement dans les gesticulations nucléaires de Pyongyang un exercice de dissuasion « du fou au fort », dont le seul but est d’assurer la survie de la clique dirigeante. La meilleure réponse serait donc de la laisser gesticuler et dépérir dans son bunker, en tâchant d’accélérer ce processus à coup de sanctions économiques.
Ce faisant, on abandonne la population à ses bourreaux. Il est vrai que, en Libye ou ailleurs, celles que l’Occident a voulu récemment délivrer de leurs tyrans par la force s’en sont parfois trouvées bien mal… En outre, une telle tentative serait périlleuse. Si les États-Unis tentent une frappe-surprise sur la tête du régime, ou ses capacités nucléaires, et la manquent, comment exclure que Kim Jong-un, ainsi acculé, veuille disparaître dans une apocalypse qui lui vaudra une renommée éternelle dans l’histoire, plutôt que de finir dans ses poubelles comme le colonel Kadhafi ? Lequel n’y serait pas tombé s’il avait eu le doigt sur la gâchette nucléaire.
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Faut-il alors espérer une implosion comme celle qui a jeté bas le bloc communiste européen ? À supposer que le système totalitaire lui laisse la moindre chance, un tel processus laisserait, lui, tout le temps au « Cher Leader » de s’offrir un suicide cataclysmique. Il serait plus vulnérable à une révolution de palais, dont Pékin, Séoul et Washington béniraient les auteurs, quels qu’ils soient. Toutefois, la spectaculaire brutalité du jeune Kim a de quoi dissuader les putschistes en herbe, sauf à être certains que l’armée les suivra.
Avec 20 % de la population, en y comprenant la réserve, l’armée est le pilier du régime. Sa fidélité repose sur le sort princier qui lui est fait au regard de celui de la population. Si les sanctions étranglent vraiment l’économie nord-coréenne, il n’en aura plus les moyens. Mais un effondrement complet du Nord, qui jetterait le pays dans le chaos, avec famine générale et foules de réfugiés incontrôlables, serait pour ses voisins un scénario presque aussi noir, et peut-être plus meurtrier, que la détonation d’une bombe atomique.
- Submarine-Launched Balistic Missile
- Inter Continental Ballistic Missile.