Gaston Erlom commence en 1972 à réunir les récits sur les camps soviétiques parvenus à l’Ouest dès les années 1920. En résulte une véritable immersion dans le fonctionnement des camps de la mort lente en URSS.
La plupart des personnes emploient le terme de Goulag, sans même le savoir, de manière inappropriée, en confondant le camp et l’organisation centrale chargée d’administrer les différents camps répartis sur l’immense territoire de l’URSS. Goulag se réfère donc à l’acronyme apparu en 1930, formé d’après Glavnoïé oupravlénié laguéreï en russe : « Administration principale des camps ». Cette division administrative de la police politique russe a été créée en juillet 1934 lors de la réorganisation de la Guépéou et de son rattachement au NKVD, nouvellement créé, ancêtre du KGB, créé en 1958. Avant la création du Goulag, les camps de travail sont placés sous l’autorité de chaque ministère des Républiques concernées : jusqu’en 1930, le ministère de l’Intérieur, puis de 1930 à 1934 le ministère de la Justice Le dernier camp correctionnel de travail est fermé en 1991. Perm-36, le dernier encore sur pied en Russie, abrite le musée de l’histoire de la répression politique et du totalitarisme en URSS. Considérés comme caractéristiques du régime soviétiques et popularisés par le livre de Soljenitsyne, L’Archipel du goulag paru en 1973, les camps de travail du Goulag ont détenu outre des criminels de droit commun, des dissidents et des opposants (réels ou supposés) de toutes sortes. Le nombre de camps culmine à plusieurs milliers, regroupés en 476 complexes en mars 1953, à la mort de Joseph Staline. Ils se trouvent surtout dans les régions arctiques et subarctiques, comme les camps de l’Oural septentrional : Vorkouta et le réseau du bassin de la Petchora, les îles Solovki en mer Blanche, et un grand nombre en Sibérie (notamment ceux de la Kolyma).
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Universitaire à Genève dans les années 1980 et attaché de presse à Moscou après l’éclatement de l’URSS, Gaston Erlom, a commencé en 1972 à rassembler les récits sur les camps soviétiques parvenus à l’Ouest dès le milieu des années 1920. Son ouvrage est le fruit d’une immersion passionnante dans une époque aujourd’hui amplement documentée, mais qui, pendant des décennies, a été largement occultée par les communistes occidentaux et leurs compagnons de route, comme l’atteste, entre autres, la vive polémique entre Jean-Paul Sartre et Albert Camus dans les années 1950. S’inscrivant dans une perspective jusqu’ici inédite, Au Goulag ! La police politique et les camps sous Lénine et Staline propose une vision renouvelée de l’appareil répressif mis en place par Lénine et ses camarades dont les camps de travaux forcés constituèrent un rouage essentiel. L’auteur s’appuie sur les nombreux témoignages de victimes et les récentes recherches de spécialistes reconnus du Goulag. Sa synthèse originale passe en revue trente-cinq années de déportations individuelles et collectives dans l’Union soviétique du communisme. Au-delà des souffrances et du désespoir de plusieurs générations d’hommes et de femmes asservis aux desseins d’une utopie criminelle, l’auteur nous fait pénétrer au cœur du système qui a sacrifié des millions d’individus, dans l’univers matériel et mental des architectes de la terreur, des concepteurs, des pourvoyeurs et des artisans du Goulag dont il retrace la carrière et dresse des portraits saisissants. Il nous rend compréhensibles l’évolution et le fonctionnement des organes sécuritaires, un univers fait de peurs et d’intrigues, mais aussi d’honneurs, de médailles, de primes et de récompenses. Il défait par ailleurs le mythe de la rentabilité économique du Goulag et le prétexte de déportations massives menées, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, comme une opération préventive contre une hypothétique « cinquième colonne ».
L’idée de ce livre est née de l’intention de présenter les uniformes, marques de grades et insignes des gardiens du Goulag, c’est-à-dire des signes distinctifs des fonctionnaires des services de sécurité chargés durant plus d’un demi-siècle d’organiser les camps de la mort lente et de pourvoir constamment à leur ressource en travailleurs forcés. Les insignes, qu’elles soient de service ou honorifiques, sont les symboles d’appartenance portés sur l’uniforme ou, plus rarement sur la tenue civile des officiers sous-officiers et soldats des administrations centrales et locales des organes de sécurité et des troupes ou unités spéciales qui en dépendent. Ils sont pour la plupart inconnus du grand public et des spécialistes occidentaux car peu ou mal illustrés dans les publications d’avant 1990. Ils étaient, le plus souvent, cachés à la vue des non-initiés, en raison de la réputation sulfureuse des organes de sécurité et de la crainte ou de la déférence qu’inspirait la police politique avant l’effondrement du régime communiste.