Rotation, précision, mécanique des forces, un obus de canon Caesar est un concentré de technologies qui nécessite de nombreuses compétences. Explications sur le fonctionnement des obus
Hervé Le Breton est directeur établissement chez Nexter
Dans le fonctionnement d’un Caesar, il faut tout d’abord déterminer où se trouvent les cibles à traiter. Cela se traduit finalement par des coordonnées GPS.
Ces coordonnées sont entrées dans l’ordinateur du Caesar qui va calculer la hausse du canon et la propulsion nécessaire. Afin d’obtenir la bonne propulsion, l’ordinateur va indiquer le nombre de charges modulaire à introduire après l’obus.
Une charge modulaire, c’est une grosse boite de camembert chargé en poudre propulsive, on peut en placer de 1 à 6 en fonction de la distance à atteindre.
Ces charges modulaires sont initiées par une étoupille qui permet de les allumer toutes simultanément (on parle en ms).
Afin d’augmenter encore un peu la portée de l’obus, on peut y adjoindre un base bleed. Ce n’est pas une propulsion additionnelle type missile, mais un dispositif de réduction de trainée.
Pourquoi : c’est le fameux phénomène d’aspiration qu’utilisent les Formules 1 pour doubler. Étant donné sa vitesse, l’obus génère une dépression derrière lui qui a tendance à le freiner. On va donc contrebalancer cette dépression en générant une pression à l’arrière de l’obus.
Une fois l’obus parti, il tourne très vite grâce à la ceinture qui lui a permis de prendre les rayures du canon. C’est indispensable que l’obus soit gyrostabilisé en rotation pour obtenir la précision finale.
Comme il tourne plus vite qu’une roue de voiture lancée à très grande vitesse, il faut que celui-ci soit très bien équilibré (vous avez déjà roulé avec une roue mal équilibrée, ça vibre).
Lorsque l’obus arrive vers sa cible, la fusée (qui a été préalablement programmée) va donner le signal de commencer le boulot.
La charge d’expulsion, située à l’avant de l’obus, va générer une forte pression et utiliser les cannisters comme piston et cisailler l’arrière de l’obus.
Des ailettes vont alors se déployer et freiner aérodynamiquement la tête militaire en rotation.
Lorsque la vitesse de rotation désirée est atteinte, le module d’attaque est alors à son tour expulsé.
Le module est alors à quelques centaines de mètres de ses cibles. Ce module intègre un capteur infra-rouge et un capteur laser. Ces deux capteurs, couplés à un ordinateur intégré, permettent de discriminer les cibles à détruire et les véhicules à éviter. De plus, le capteur infrarouge permet d’éviter de tirer sur une cible déjà détruite. Lorsque la cible est identifiée, le module d’attaque initie en détonation le pain d’explosif. La forme de l’onde de choc associée à la nature et la forme du revêtement permettent de créer un noyau métallique projeté à très grande vitesse.
C’est ainsi qu’à plus de 100 m, on fait un petit trou dans la carapace d’un char, mais de gros dégâts à l’intérieur.
Notre métier est vraiment trop passionnant.
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Katana
Katana est la nouvelle génération d’obus d’artillerie piloté et guidé, c’est à dire avec un GPS et un park-assist en série.
À partir de coordonnées GPS indiquées à l’obus, celui-ci va être capable de voler, planer, corriger sa trajectoire puis se garer non pas entre deux véhicules, mais pile sur le véhicule.
La première difficulté consiste à ne pas faire tourner l’obus trop vite. Pour cela, on utilise une ceinture dérapante qui garantit l’étanchéité au tir, mais n’entraine pas trop l’obus en rotation (oui, je vous ai dit le contraire juste avant).
L’empennage arrière se déploie immédiatement et stabilise l’obus en rotation. Puis ce sont les canards situés à l’avant qui se déploient à leur tour.
Le pilotage de ces canards va permettre à la munition de corriger sa trajectoire en temps réel. Le guidage sera assuré par une technologie GPS ou interne.
Lorsque l’obus arrive sur sa cible (ou la détecte), les canards vont faire basculer l’obus et le faire fondre dessus.
C’est ainsi qu’il sera bientôt possible d’obtenir une précision métrique à 60 km de distance.
Vous allez me dire que la cible peut être mouvement, oui on le sait ….
Pour arriver à de tels concentrés de technologie, il faut des experts en :
Balistique intérieure (faire partir l’obus à la bonne vitesse sans rien casser) ;
Balistique du vol (aérodynamique) ;
Balistique terminale ;
Détonique ;
Électronique (il faut développer des cartes électroniques qui tiennent aux accélérations) ;
Informatique (ils sont hallucinants) ;
En sureté de fonctionnement (sécurité des servants de pièces et fiabilité de la munition) ;
Et des architectes qui ont le rôle de chef d’orchestre.