Livre – Le Tic-tac de l’horloge climatique

28 février 2020

Temps de lecture : 5 minutes

Photo : Manifestation pour le climat à Cologne, 2019 © Pixabay

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Livre – Le Tic-tac de l’horloge climatique

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A l’occasion de l’ouverture de la COP 25, qui a débuté le 2 décembre et s’est clôturée le 15 décembre, EDF et Ipsos présentaient un état des lieux international des perceptions de l’opinion publique en matière de climat. On y apprend que si certains restent sceptiques quant aux causes anthropiques du changement climatique en cours, de fortes attentes pèsent sur les gouvernements lorsqu’il s’agit de lutter contre le réchauffement.


Début novembre, Donald Trump confirmait le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris qui doit devenir effectif le 6 novembre 2020. Au début décembre, le Parlement européen déclarait, quant à lui, l’urgence climatique et environnementale. Mais quelle est donc l’opinion publique sur le climat ? C’est la question que s’est posée EDF qui s’est associée aux professionnels de l’institut Ipsos. Le mercredi 27 novembre, les résultats de cette étude inédite portant sur la perception du changement climatique dans 30 pays ont été dévoilés par l’Observatoire international climat et opinions publiques. L’étude Ipsos, baptisée Obs’COP 2019, a été menée dans 30 pays et auprès de 25.000 personnes représentant 2/3 de la population mondiale. Premier enseignement : en matière d’environnement, ce n’est pas le changement climatique qui arrive en tête des préoccupations mais plutôt la question des pollutions au sens large ; se trouvent, dans cet ordre, l’accumulation des déchets, la pollution de l’air et le changement climatique. Ce dernier n’arrive qu’en troisième position, préoccupant tout de même 40 % des personnes interrogées. Il apparaît, en revanche, que la réalité du changement climatique n’est plus contestée que par moins de 10 % des personnes interrogées — presque 20 % aux États-Unis, même si 23 % doutent encore de la responsabilité de l’être humain en la matière. Des doutes apparaissent de manière plus marquée dans les pays les plus émetteurs de CO2 comme l’Arabie Saoudite, les États-Unis ou la Chine. La majorité des participants à l’enquête – 61 % – identifient bien les émissions de gaz à effet de serre comme responsables du changement climatique. Mais ils restent tout de même 30 % à croire en un phénomène naturel. S’agissant d’identifier les secteurs les plus émetteurs de CO2, ils pensent avant tout à l’industrie et au transport. Alors que la production d’électricité – citée par seulement 59 % des interrogés – émet un quart des gaz à effet de serre.

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C’est pour répondre à ces interrogations et bien d’autres, et surtout apporter des solutions, que Christian de Perthuis, professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine, qui a dirigé la « Mission climat » de la Caisse des Dépôts puis fondé la Chaire Economie du Climat à l’université Paris-Dauphine, a rédigé cet ouvrage concret, tout à fait compréhensible, peu chargé de chiffres ou de schémas. L’énergie solaire qui n’est pas absorbée par l’atmosphère, les sols ou les océans, est réfléchie vers l’espace. En retour, « l’atmosphère et la surface terrestre émettent un rayonnement infrarouge que les nuages et les gaz à effet de serre (GES) absorbent et réémettent vers le sol ». L’énergie est piégée, c’est l’effet de serre. Sans lui, la température moyenne de la terre serait de -19 degrés et non 15 degrés. Au total, on dénombre une quarantaine de gaz à effet de serre (GES) parmi lesquels la vapeur d’eau. Pour contenir le réchauffement en dessous de 2° C, et plus encore de 1,5° C si cela reste encore possible – le niveau moyen des températures du globe s’est déjà élevé depuis 1,1° C depuis 1850 – il faut changer les règles du jeu économique et en vérité l’ensemble de nos modes de vie : transports, alimentation, production d’énergie, bâtiments … Les instruments à utiliser concernent le climat, mais aussi la justice sociale et les autres facettes de la crise environnementale car le changement climatique accélère les changements dans tous les domaines touchant à l’écosphère. Le recours aux énergies fossiles – qui constituent 82% de notre bilan énergétique mondial – a été à la source de la croissance du XXe siècle et de ses impacts sur la planète. La sortie du règne des fossiles sera la grande affaire du XXIe siècle. Sans citer trop de chiffres disons que depuis les débuts de la révolution industrielle, le monde a émis 2 150 milliards de CO2 équivalent, la moitié ayant été émise depuis 1990. Chaque année, le monde émet 36,7 milliards de CO2 équivalent. 2019 s’inscrit dans la décennie 2010-2019 qui est « presque certainement » la plus chaude jamais enregistrée. « Depuis les années 1980, chaque décennie successive a été plus chaude que la précédente », relève l’OMM (Office de la météorologie mondiale). Entre janvier et octobre, la température moyenne mondiale a été plus élevée d’environ 1,1 °C par rapport à la période 1850-1900, indique l’OMM, ce qui ferait de 2019 la deuxième ou troisième année la plus chaude après 2016, marquée par le phénomène El Niño : « les aléas météorologiques et climatiques ont fait de lourds dégâts ». La concentration en dioxyde de carbone n’est pas répartie de façon homogène sur le globe ni dans le temps. Pour l’hémisphère nord, le pic de concentration intervient entre avril et mai et atteint son niveau le plus bas de septembre à octobre. Ce cycle est beaucoup moins marqué dans l’hémisphère sud. Selon la Nasa, ce cycle est régi par les plantes. La masse continentale est plus importante au nord, donc les plantes y sont plus nombreuses, ce qui explique que le cycle y soit plus marqué. Au rythme actuel, la température pourrait grimper jusqu’à 4 ou 5 °C d’ici à la fin du siècle. Comme chaque fin d’année, le Global Carbon Project, un consortium scientifique international, publie son bilan annuel des émissions mondiales de CO2. Celles-ci devraient augmenter de 0,6 % en 2019, table le Global Carbon Project. C’est moins qu’en 2017 (+1,5 %) et en 2018 (+2,1 %), mais ça reste tout de même une hausse des émissions. Elle nous éloigne un peu plus encore de la trajectoire qui permettrait de limiter le réchauffement climatique à +1,5 °C d’ici à 2100. Les performances économiques, moins fortes que prévu, de la Chine et de l’Inde, ainsi qu’un moindre recours au charbon dans le monde, expliqueraient cette progression moins rapide. Aussi, du fait du retard pris, le monde devrait réduire ses émissions globales de 7,6% par an. Depuis 2009, le Programme des Nations-Unies pour l’Environment publie tous les ans une étude quantifiant la différence entre ce que le monde extrait de pétrole, charbon et gaz et la quantité qui serait compatible avec une limitation des températures à 2°C en 2100. Jamais en dix ans, ce fossé entre la réalité minière et les nécessités de l’action climatique ne s’est réduit. Au contraire, il s’élargit chaque année. La livraison 2019 montre que d’ici 2030, les États auront autorisé et planifié un volume d’énergies fossiles de 50% supérieur à ce qu’exigerait un maintien des températures à 2°C et 120% pour les 1,5°C souhaités par l’Accord de Paris.

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La transition énergétique a démarré, mais elle ne met pas nos sociétés à l’abri du risque climatique. En effet, son rythme n’est pas en phase avec le tic-tac de l’horloge climatique et elle ne permet pas de faire face à l’appauvrissement du milieu naturel qui réduit sa capacité d’absorption du CO2. Pour viser la neutralité carbone, il convient d’opérer une double mutation : accélérer la transition énergétique en désinvestissant des actifs liés aux énergies fossiles et protéger les puits de carbone terrestres et océaniques en investissant dans la diversité du vivant. Il faut simultanément se préparer au durcissement des impacts inévitables du réchauffement, compte-tenu du trop-plein de gaz à effet de serre déjà accumulé dans l’atmosphère. Au-delà des constats solidement documentés, la thèse de l’auteur est que le changement climatique va contraindre nos sociétés à remettre en cause leurs modèles de croissance. Pour opérer ces mutations, il convient d’introduire une tarification carbone à grande échelle à au moins 20 euros par tonne, puis élever progressivement ce montant à 30, 40, 50 et même 100 euros en 2050 et des normes contraignantes. Pour mobiliser l’action du plus grand nombre, ces nouvelles régulations devront répondre à des critères rigoureux de justice climatique.

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À propos de l’auteur
Eugène Berg

Eugène Berg

Eugène Berg est diplomate et essayiste. Il a été ambassadeur de France aux îles Fidji et dans le Pacifique et il a occupé de nombreuses représentations diplomatiques.

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