Chili : une solution politique en 2023 ?

4 février 2023

Temps de lecture : 3 minutes

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Chili : une solution politique en 2023 ?

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La réforme de la constitution chilienne, ouverte à la suite des émeutes de 2019, trouvera-t-elle une issue en 2023 ? Rien n’est moins sûr tant les tensions sont majeures dans un pays qui peine à retrouver son unité. 

Depuis octobre 2019, le Chili est témoin de la plus grave crise sociale et politique de son histoire récente. Juridiquement, cette crise s’est focalisée sur la question de la légitimité de la Constitution du pays, adoptée en 1980 sous le régime du général Pinochet. En effet, afin de « canaliser » la contestation populaire et d’« éviter une révolution », la classe politique a convoqué un référendum dans le but de savoir si la population voulait une nouvelle constitution. Le Chili est entré ainsi dans un long processus électoral. Ce référendum a eu lieu le 25 octobre 2020 et le résultat a été à 78 % en faveur d’une nouvelle constitution, rédigée par un organe spécialement mandaté pour cela : la convention constituante. Cette dernière a été principalement formée par des candidats indépendants et de gauche et composée d’un nombre égal de femmes et d’hommes. Elle disposait de places réservées pour les peuples autochtones. À la fin du processus, ce nouveau texte constitutionnel a été soumis à un référendum. Le vote était obligatoire.  Le 4 septembre 2022, le peuple chilien a rejeté à 62 % le texte proposé. Que s’est-il passé et que va-t-il se passer maintenant ?

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Quelles suites pour la réforme ? 

La crise  constitutionnelle chilienne s’inscrit dans un contexte plus global de rupture entre la classe dirigeante et la population. Le fait que le Chili ait été ces dernières décennies essentiellement gouverné par la gauche, avec une forte croissance économique et un bon développement, montre qu’il en faut plus pour construire un projet de société partagé par la majorité de la population. En décembre 2021, le jeune député de gauche Gabriel Boric, 36 ans, remportait les élections présidentielles et assumait ses fonctions en mars 2022. 

Ainsi, le défi du nouveau Président était immense : il devait donner une réponse aux causes profondes de la crise politique d’octobre 2019 et formuler une politique à la hauteur de l’espoir que les Chiliens avaient mis en lui. Pour Gabriel Boric, une grande partie de sa mission passait par l’adoption, sous son gouvernement, de la nouvelle constitution. Il faut dire que, au moment de la crise, celui qui était alors le député Boric avait été l’un des promoteurs de l’accord politique permettant le changement de constitution et, une fois devenu Président, il a été l’un des principaux soutiens de la constitution proposée par la convention constituante. Les analystes soutenaient que l’approbation de ce texte était l’un des éléments clés de la réussite de Gabriel Boric. Or ce texte a été finalement rejeté par le référendum du 4 septembre. 

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Trois grandes raisons sont mises en avant pour expliquer un tel résultat. La première, et sans doute la principale, était le contenu du texte constitutionnel lui-même. Les normes proposées par la convention constituante ont été jugées par la plupart des Chiliens comme étant trop radicales et décalées avec la réalité historique et politique du pays. Ainsi, le texte rejeté le 4 septembre entendait rompre définitivement avec le passé en déclarant que le Chili était un État plurinational ; il supprimait le Sénat, créait un système de justice parallèle pour les populations autochtones, etc. 

Deuxièmement, outre le contenu et la qualité du texte, le travail et l’attitude de certains membres de la convention constituante ont beaucoup déçu la population. En effet, certaines images et actions choquantes au sein de la convention ont rapidement circulé sur les réseaux sociaux et ont provoqué une baisse de popularité (et de confiance) dans l’opinion publique à l’égard de cette assemblée. 

Enfin, certains spécialistes considèrent que le vote du 4 septembre constitue également un vote de rejet du nouveau gouvernement de Gabriel Boric qui avait exprimé que l’adoption de la nouvelle constitution était nécessaire pour mettre en œuvre ses promesses de campagne. 

Nouveau texte ? 

Après le référendum du 4 septembre, et plus de trois ans après la crise d’octobre 2019, le Chili était à nouveau en état de choc constitutionnel. Du point de vue juridique la Constitution de 1980 continuait à être en vigueur. Cependant, d’un point de vue politique, ce texte était, pour beaucoup, jugé comme étant complètement dépassé par les évènements. D’âpres négociations ont alors commencé au sein de la classe politique pour trouver une nouvelle voie constitutionnelle. C’est au bout de trois mois que la plupart de partis politiques ont signé un accord, le 12 décembre 2022, pour rédiger une nouvelle constitution : un « conseil constitutionnel » démocratiquement élu, accompagné d’un groupe d’éminents juristes chiliens, sera en charge de rédiger, dans le respect de quelques fondements juridiques, la nouvelle constitution chilienne, qui sera soumise à un référendum (dont le vote sera obligatoire) fin 2023. Gageons que cette nouvelle proposition aboutisse à un texte constitutionnel fédérateur pour une société chilienne fracturée. 

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À propos de l’auteur
Bernard Larrain

Bernard Larrain

Bernard Garcia Larrain, juriste franco-chilien, docteur en droit.
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