Chili : nouvelle constitution, dangers pour le pays

18 juillet 2022

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Le président chilien Gabriel Boric tient le projet final de la nouvelle constitution du pays aux côtés des membres de la Convention constitutionnelle, à Santiago du Chili, lundi 4 juillet 2022. Crédits : AP Photo/Luis Hidalgo

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Chili : nouvelle constitution, dangers pour le pays

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Le nouveau gouvernement chilien vient de présenter un projet de constitution qui a été approuvé par l’Assemblée constituante. Le texte doit désormais être ratifié par un référendum. Celui-ci, long de près de 400 articles, change complètement la structure sociale et politique du pays, ouvrant la voie à une profonde déstabilisation. Analyse de Pablo Ortuzar.

Article de Pablo Ortuzar paru le 10 juillet dans La Tercera. Traduction de Conflits

La campagne « J’approuve[1] » est, jusqu’à présent, une version apathique et réduite de toutes les campagnes de la gauche de la dernière décennie. Le ton, cependant, est moins joyeux et plus intolérant que par le passé. Les vociférations contre les « pauvres fachos », les appels éclairés à la « lecture » (qui suppose que toute critique de la constitution naît de l’ignorance de celle-ci) et la menace à peine voilée que si le Chili ne se rend pas au projet constitutionnel de gauche, le chaos ou la guerre civile s’ensuivra donnent un air de campagne révolutionnaire et de terreur à ceux qui se sont toujours vantés d’être des équipiers gracieux des forces de l’histoire.

Or, parmi les slogans de la campagne, il en est un qui fait mouche : derrière la croissance du rejet se cache la peur des « puissants » de « perdre leurs privilèges ». Cependant, le texte constitutionnel actuellement en vigueur (celui signé par Lagos en 2005) n’établit aucun privilège légal pour un groupe social particulier. Tous les citoyens chiliens sont déclarés égaux en droits et en devoirs, et aucun de ses articles ne rend cette affirmation insignifiante.

Cette égalité fondamentale devant la loi, en revanche, est directement attaquée par le projet constitutionnel issu de la Convention. En effet, au lieu de voir le pays comme un groupe de citoyens équivalents, elle le voit comme un agrégat de groupes identitaires en concurrence. Et elle cherche à imposer une ingénierie institutionnelle qui correspond à la « participation et à la représentation effective » de ces groupes, laissant au second plan les principes démocratiques de la représentation. En d’autres termes, la proposition constitutionnelle remplace l’égalité démocratique par un égalitarisme corporatiste, et ce, en établissant des privilèges spéciaux pour les groupes identitaires qu’elle considère comme devant être promus.

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Le cas le plus frappant, dans ce sens, est celui des « peuples et nations indigènes » existants et à venir (plus le « peuple tribal afro-descendant chilien », selon l’article 93). Contrairement aux Chiliens ordinaires, ils bénéficient d’une série d’avantages spécifiques dans le projet, à commencer par le fait qu’ils possèdent des droits collectifs fondamentaux (18.2). En d’autres termes, ils habiteraient une sphère juridique distincte, spéciale et protégée. Les droits spéciaux attribués à cette sphère apparaissent à l’article 34 (redondant avec l’article 64) : autonomie, auto-gouvernement, reconnaissance et protection de leurs autorités (« propres ou traditionnelles »), territoires et langue, entre autres. Et le droit de participer pleinement, « s’ils le souhaitent », à « la vie politique, économique, sociale et culturelle de l’État ».

Cette série de privilèges est étendue ailleurs dans le projet. Les prestations de santé des autochtones – même si elles n’ont pas de fondement scientifique – sont garanties par l’État (44.2 et 44.6). Ils jouissent d’une autonomie territoriale particulière (234 et 235), de leurs propres droits sur l’eau (58), du droit à la consultation (65) et au consentement préalable (191) pour toutes les questions qui les concernent, d’une protection spéciale de leurs biens territoriaux (79.2), de la préférence pour s’approprier les terres qu’ils revendiquent comme leur propriété ancestrale (79. 3), de subvention pour développer et préserver leurs connaissances et leur sagesse « ancestrales » (96), droit d’utiliser leur langue dans le contexte qu’ils jugent approprié (100), subvention de l’État pour s’approprier et protéger ce qu’ils considèrent comme leur patrimoine culturel (102), sièges réservés au Congrès (252.3) et à la Chambre des régions (254.3) qui n’exigent aucune représentation, et un système judiciaire parallèle (309, 322.2). Tout un monde de rentiers ethniques.

Bien entendu, la mise en œuvre de tous ces privilèges juridiques nécessite un financement. Et ce financement proviendra des impôts de tous les Chiliens. Non seulement le vote de ceux qui n’appartiennent à aucun de ces groupes aura moins de valeur, mais ils recevront également moins de l’État en échange de leurs impôts, leurs biens seront moins protégés et ils n’auront pas la possibilité de préférer une législation alternative quand cela leur convient. Le Chilien sera un citoyen de seconde zone dans son propre pays.

Reconnaître la discrimination excessive et odieuse établie par le projet de loi n’implique pas de nier l’existence d’une dette historique envers certains peuples autochtones. Mais cela signifie qu’il faut être clair sur le fait qu’une injustice ne peut être réparée par une autre, et que le but de toute réparation doit être de réhabiliter l’égalité et la loyauté réciproque entre tous les citoyens. La paix ne sera pas récoltée en semant du vent.

[1] En faveur de la nouvelle constitution, NDLR.

Le projet de constitution est à retrouver ici.

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Pablo Ortuzar

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