Ceuta et Melila sont deux enclaves espagnoles revendiquées par le Maroc. L’Espagne se pose la question de leur intégration et d’un éventuel retrait de sa zone sud.
Par Hugues-Marie Foissey
En août 2023, l’ambassade du Maroc à Madrid publia une carte du royaume marocain sur laquelle Ceuta et Melilla faisaient partie intégrante du royaume marocain. Cette « réunification » était matérialisée par la disparition des frontières (pourtant reconnues par l’ONU) entre ces deux exclaves espagnoles et le reste du territoire marocain. À la suite des protestations diplomatiques espagnoles, la carte fut retirée, d’internet tout du moins. Néanmoins, ces contentieux territoriaux durent depuis la fin des protectorats français et espagnols sur le Royaume du Maroc, en 1956.
Tandis que certains journaux parlent de ces deux territoires espagnols comme d’un « étrange héritage de l’histoire coloniale » (Le Monde), il convient de se pencher succinctement sur les dates clés de Ceuta et Melilla pour se rendre compte que c’est là une tout autre histoire… Seulement et comme l’Histoire ne suffit seule pour nous éclairer face à des problématiques contemporaines, nous questionnerons d’autres aspects de ces frontières (juridique, économique, politique, sociale et géopolitique) afin de mieux en saisir les particularités et de comprendre la relation hispano-marocaine autour de ces enclaves espagnoles. Ainsi, nous essayerons de déceler des éléments de réponses quant à un possible retrait espagnol du continent africain qui n’est assurément pas pour demain. Cependant, nous verrons que le Maroc est à l’initiative et nous révèle une stratégie sciemment pensée pour éviter la confrontation armée et pour éviter la rupture avec le Droit international tout en se donnant les moyens de contester ces frontières.
L’historicité des frontières : une présence espagnole datant du XVe siècle antérieur à l’avènement de l’empire chérifien
Melilla fut conquise par les Espagnols en 1497 et Ceuta le fut par les Portugais en 1415, puis transférés à l’Espagne en 1640 lorsque le Portugal redevint indépendant de la couronne espagnole après une brève union de soixante ans. Si ces conquêtes sont souvent assimilées au mouvement général de la Reconquista, ces prises stratégiques répondaient davantage à un besoin de sécurisation des voies maritimes et des côtes méditerranéennes souvent en proie aux conflits et aux razzias barbaresques des califats arabes esclavagistes. Les Portugais possédaient aussi des ports sur la façade atlantique d’Afrique du Nord (Mazagan, Safi et Agadir) jusqu’en 1769.
Pour l’Espagne, ces deux enclaves sont donc espagnoles depuis le XVe siècle. Or, l’empire chérifien (le chérif est un descendant du prophète) dont se réclame le Royaume du Maroc actuel n’émergea qu’en 1554 avec la prise de Fès par la dynastie arabe des Saadiens. Aujourd’hui, c’est la dynastie arabe des alawites qui règne au Maroc depuis 1666, date à laquelle Moulay Rachid devint sultan. De fait, la dynastie actuellement au pouvoir ne régna jamais sur ces villes de la côte méditerranéenne et aucune dynastie arabe ne régna sur ces villes depuis les Idrissides, du VIIIe au Xe siècle. Entre-temps ce furent des dynasties berbères qui régnèrent sur le Maroc comme les Almoravides, les Almohades, les Mérinides et les Wattassides, lesquels furent définitivement chassés du trône par les Saadiens, en 1554 donc. Aujourd’hui, la Constitution marocaine reconnait la langue amazighe (berbère) comme « patrimoine commun à tous les Marocains » (Article 5) au même titre que l’Arabe permettant au Royaume et à la dynastie alawite au pouvoir de réaffirmer leurs liens avec la riche histoire du Maroc. Néanmoins, cet argument constitutionnel, seulement linguistique et non identitaire, ne suffit pas pour justifier la revendication marocaine de souveraineté sur Melilla et Ceuta face aux siècles de présence espagnole sur la côte.
Autres témoins de la présence espagnole historique le long des côtes marocaines, le royaume d’Espagne possède des « plazas de soberania » que sont l’îlot Perejil, les îles Alhucemas, les îles Zaffarines et le Penon de Vélez de la Gomera (relié aux côtes marocaines par un étroit isthme de 85 mètres de long) conquise pour l’essentiel durant le XVIe siècle. Aujourd’hui, sur certaines de ces possessions espagnoles sont prédisposées des forces militaires et, bien que moins connues du grand public, elles génèrent aussi des frictions entre les deux royaumes comme en témoigne l’incident militaire de l’îlot Perejil en 2002.
Un statut juridique frontalier à trois échelles
Melilla et Ceuta sont inscrites dans la Constitution espagnole de 1978 comme faisant partie intégrante du territoire du royaume. Leur statut de villes autonomes, octroyé en 1995, confirme cette prédisposition constitutionnelle les plaçant presque à statut égal des communautés autonomes (Andalousie, Pays basque, Catalogne, etc.).
L’Union européenne (UE) considère toute dépendance des États-membres (territoires d’outre-mer par exemple) comme dépendance européenne et, depuis l’entrée de l’Espagne dans l’Union en 1986, alloue des fonds structurels européens aux deux municipalités espagnoles ce qui favorise grandement leur développement. Ceuta et Melilla sont à l’origine des ports francs (statut particulier favorisant leur développement économique), mais durent adapter leur régime spécial à certaines règles européennes afin de conserver leur statut. Ainsi, les deux villes espagnoles sont exclues de l’Union douanière et de la Politique agricole commune (PAC ; bien que les surfaces des deux enclaves ne permettent pas de cultures signifiantes) afin de ne pas créer de distorsion de concurrence au sein de l’UE. À la suite de l’adhésion de l’Espagne aux accords de Schengen en 1991, les frontières de Ceuta et Melilla devinrent deux frontières extérieures européennes. Outre les panneaux indiquant « commune d’Europe » à l’entrée des deux territoires, des fonds européens leur sont alloués pour lutter contre l’immigration clandestine. Cependant, une dérogation de visa accordée aux Marocains vivant à Nador (ville limitrophe de Melilla) et à Fnideq ou Tétouan (villes limitrophes de Ceuta) afin de travailler dans ces enclaves rend cette notion de frontière subjective et participe à faire de ces villes espagnoles et marocaines des « doublets urbains », selon Mohammed Berriane, professeur émérite de l’Université Mohammed V de Rabat.
Quant à l’ONU, l’organisation reconnaît ces frontières espagnoles et ne place pas ces deux enclaves sur la liste onusienne des territoires non-autonomes (« dont les populations ne s’administrent pas encore complètement elles-mêmes » et vouées à être « décolonisées ») excluant de fait toute prospective de rétrocession espagnole au regard du Droit international.
Des pratiques économiques induites par l’existence de ces frontières ou quand le tracé frontalier génère une interdépendance
Les frontières sont des espaces susceptibles de développer simultanément des dynamiques de coopération et de conflits, paradoxe qui fait d’elles des espaces de rencontre et de séparation. Ainsi les échanges « légaux et illégaux » accompagnent-ils la construction d’une frontière, se maintiennent parce qu’ils existaient avant le marquage de la ligne frontalière, ou sont induits par son tracé. Des dynamiques transfrontalières sont assurément observables entre Ceuta, Melilla et le reste du territoire marocain. Cependant, si nous prenions la définition de Marie-Christine Fourny et Anne-Laure Amihat-Sazary décrivant ces dynamiques transfrontalières comme « ce qui se passe à la frontière quand la ligne séparatrice ne prétend plus bloquer les pratiques et le sentiment d’appartenance », nous effacerions le fort sentiment hispanique des deux villes espagnoles qui résiste aux intenses relations économiques qu’entretiennent Ceuta et Melilla avec leurs homologues marocaines. Nous y reviendrons plus tard en traitant des dynamiques politiques et sociales.
Économiquement, les villes espagnoles dépendent fortement de Nador, Fnideq et Tétouan et des milliers de Marocains travaillent dans ces enclaves (20 000 Marocains traversent quotidiennement la frontière de Melilla). Outre ces milliers de Marocains dépendant des opportunités économiques de ces territoires espagnols enclavés, une véritable économie transfrontalière est en place et n’aurait pas cette ampleur s’il n’y avait pas de frontière : les importateurs et exportateurs tirent profit des différences de prix, du taux de change entre l’euro et le dirham, ainsi que des opportunités économiques induites par des législations en vigueur qui diffèrent de chaque côté de la frontière. L’installation d’entrepôts de stockage aux lisières des frontières est une illustration parfaite de ces pratiques commerciales. De plus, cette profonde différence (économique et d’opportunités de marché) induite par l’existence de ces frontières favorise, comme à chaque frontière dans le monde, une économie informelle (dont l’activité ne fait ni l’objet d’un regard ni d’une régulation de l’État, mais est vecteur de croissance par la consommation, et est comptabilisée dans la mesure du PIB), aussi appelée économie souterraine.
Les produits alimentaires et de premières nécessités importés depuis la péninsule ibérique étant faiblement taxés à leur entrée dans les enclaves, ces produits espagnols généraient des flux en contrebande irriguant le nord marocain et affectaient le tissu productif du Maroc, selon les autorités marocaines. C’est pourquoi elles décrétèrent la fermeture du poste-frontière « réservé aux porteurs » à l’entrée de Ceuta, fin 2023. L’addition de la crise sanitaire début 2020 et des crises diplomatiques répétées de ces dernières années avaient maintenu les frontières fermées provoquant un temps des manifestations de travailleurs de contrebande marocains comme les « femmes mulets » (mujeres mulas). Leurs va-et-vient étaient pourtant tolérés puisqu’aucune taxe n’était appliquée à leurs produits, d’où ce poste de frontière « réservé aux porteurs », accentuant la compétitivité de ces produits. Naturellement, la fermeture du poste frontalier a un impact considérable sur les prix et donc sur le pouvoir d’achat dans la ville marocaine de Fnideq, ville frontalière de Ceuta, mais aussi à Tétouan distante de 40 km de Ceuta.[1] Côté espagnol, ce sont des produits non vendus qui s’amoncellent faute de débouché. Selon le patron de la douane marocaine, Nabyl Lakhdar, le marché de la contrebande entre Ceuta et Fnideq représentait annuellement entre 6 et 8 milliards de dirhams (570 et 750 millions d’euros). Cette fermeture des frontières pourrait bien faire partie d’une stratégie marocaine d’asphyxie des villes espagnoles ou du moins de réduction des échanges économiques puisqu’en parallèle le royaume marocain crée une zone d’activité économique à Fnideq et construit un important port à Nador. C’est un point que nous développerons plus tard.
Selon Mohammed Berriane, l’existence de ces frontières favorise aussi les échanges économiques conventionnels entre ces villes voisines faisant qu’aujourd’hui « chacun des éléments des deux binômes [peut] difficilement vivre sans l’autre ». Toujours selon le professeur émérite de l’Université Mohammed V de Rabat, le commerce et les activités tertiaires emploient environ 76% de la population active de chacune des deux villes espagnoles et fournissent 85% de leur PIB. La migration marocaine est donc une source de main-d’œuvre centrale pour ce modèle économique. Par leurs économies portuaires, ces deux villes constituent des « maillons dans [des] espace[s] beaucoup plus large[s] » en étant situées entre Barcelone et Amsterdam d’un côté ; Nador et Fnideq de l’autre. Ces deux villes marocaines sont à leurs tours des maillons entre ces deux villes portuaires et les villes marocaines de Casablanca et Agadir. Le professeur marocain parle de « processus d’intégration par le bas » initié par les échanges licites, mais aussi illicites, ces derniers étant tolérés pour des enjeux de « paix sociale ».
Le professeur nous livre ici une analyse très pertinente des dynamiques économiques qui tendent à l’intégration transfrontalière, voire régionale. Cependant les dynamiques politiques et sociales internes nous enseignent une tout autre réalité : des frictions internent certes, mais pas de remise en question de ces frontières profondément marquées.
De ces frontières hispano-marocaines, quels enjeux politiques à l’intérieur des enclaves ?
Bien que la communauté d’origine marocaine et de confession musulmane représente aujourd’hui entre 40% et 50% des populations des deux villes, la communauté d’origine péninsulaire et de confession catholique demeure majoritaire constituant 50% de la population de Melilla et 59% de celle de Ceuta. Cette diversité communautaire est indéniable et tous les partis politiques, quelles que soient leurs tendances, savent que c’est un facteur central à prendre en compte. Cette diversité communautaire est d’ailleurs trompeuse puisqu’en 1977, le Parti communiste espagnol (PCE) fit campagne à Melilla en faveur de la restitution des territoires au Maroc et fut crédité d’un cinglant 5% (des voix), forçant le PCE à changer sa stratégie dès 1979 en reconnaissant l’ « espagnolité » des deux territoires.
Selon Alicia Fernandez Garcia, docteur en Lettres, langues et civilisations étrangères et autrice de plusieurs ouvrages et de travaux d’études sur les deux enclaves espagnoles, ces deux territoires s’affirment espagnols, mais la volonté d’autonomie locale y est forte. Dès les élections municipales de 1987, il fut observé une multiplication des formations politiques locales ; conséquence d’une méfiance grandissante des Ceutiens et Melillense à l’égard des partis politiques nationaux. En effet, malgré son omniprésence dans la vie politique des deux enclaves entre 1977 et 1987, le Parti socialiste espagnol (PSOE) marqua les esprits par ses hésitations et ses revirements quant au statut des deux villes et leur avenir au sein de la Nation espagnole. Lors du congrès de Suresnes en 1974 (réunion du parti socialiste espagnol en exil), le PSOE se prononça en faveur de leur rétrocession avant d’évoluer sur la question, tout en essayant d’attirer à lui les votes des Espagnols d’origine marocaine. Ainsi, lors des élections locales en 1992, le PSOE absorba la liste du parti communautaire du GIHB lequel souhaitait institutionnaliser les conflits intercommunautaires en reconnaissant la minorité marocaine-berbère. De plus, c’est le gouvernement de Felipe Gonzales (PSOE) qui, depuis Madrid, porta la Loi pour les étrangers (Ley de Extranjeria) de 1986 permettant la naturalisation de 6 342 Marocains d’origine à Ceuta et 6 542 à Melilla. À l’époque, la réaction des populations fut mitigée et source de fortes tensions sociales autour de la notion d’ « hispanicité » des habitants. Outre l’amélioration conséquente des conditions de vie pour les bénéficiaires de la loi, ces populations musulmanes constituent depuis un réservoir de vote conséquent rapporté à la population des deux villes (respectivement 83 000 et 84 000). Cette loi fut promulguée quelques mois avant les élections régionales et le PSOE fut finalement évincé des gouvernements de ces deux territoires dès 1987.
Nous le vîmes plus haut, Ceuta et Melilla sont inscrites dans la Constitution espagnole depuis 1978. Cependant, les hésitations du PSOE au niveau fédéral conservèrent un flou juridique jusqu’à l’octroi de leur statut officiel de « villes autonomes », en 1995, suscitant des années durant des débats sur leur souveraineté. D’abord exclues de la carte des communautés autonomes puis rattachées, de manière « mi-officielle mi-officieuse », à la communauté autonome d’Andalousie, ce n’est qu’en 1985 qu’un avant-projet du gouvernement central socialiste leur attribua une autonomie « limitée » dépourvue de pouvoir législatif. Cependant, ce statut incomplet et loin des attentes des populations locales marquaient davantage les différences des territoires avec le reste des régions espagnoles. Face à la crainte d’un abandon espagnol, l’on observa dans la foulée l’émergence d’initiatives locales comme la création d’une Plateforme autonomique par tous les partis politiques locaux à Ceuta, à l’exception du PSOE, ainsi que des syndicats et des organisations sociales, à l’exception des associations musulmanes.
Nous comprenons donc pourquoi l’histoire politique des deux enclaves est marquée par l’instabilité. Ainsi, jusqu’aux élections de 2003, l’alternance politique fut à l’œuvre, que ce fût avec des partis nationaux ou des partis locaux à l’exception du PSOE qui, comme nous l’écrivîmes plus haut, ne fit plus partie d’un gouvernement local dès 1987 malgré sa domination à l’échelle nationale. National comme local, aucun parti politique ne remit en question l’appartenance des deux villes à la nation espagnole après l’échec du discours communiste en 1977. Depuis lors, partis locaux comme partis nationaux militent pour davantage d’autonomie des gouvernements locaux sur le modèle des « communautés autonomes » de la péninsule ibérique. L’objectif étant d’obtenir le pouvoir législatif, celui-ci étant demeuré à Madrid malgré la création du statut de « villes autonomes » en 1995.
Depuis 2003, le Parti populaire (PP) domine la vie politique ceutienne et melillienne ayant réussi à mobiliser des discours nationalistes et souverains, coupant l’herbe sous le pied des partis nationalistes locaux, et ayant réussi à se positionner à contre-courant de l’abandon relatif de l’État central globalement dominé par le PSOE depuis 1983 (26 années au pouvoir depuis 1983 contre 14 années pour le PP). Cette adaptation locale du PP et son ancrage pérenne en dépit des changements politiques à l’échelle nationale pousse Alicia Fernández García à parler de « succursalisme » du parti conservateur. D’ailleurs, aux élections régionales anticipées de 2023, le PP remporta la majorité des voix à Ceuta et fit chuter la coalition de gauche à Melilla, parenthèse de quatre ans dans l’écrasante hégémonie du PP depuis 2003. Ainsi, le député Juan José Imbroda du PP se hisse de nouveau à la tête de Melilla après une absence d’un mandat qui avait mis fin à 18 années à la présidence de la ville. À Ceuta, Juan Jesus Vivas (PP) confirme son hégémonie présidentielle sans interruption depuis son élection en 2001.
Des frontières ethnique et religieuse marquées dans les enclaves
Comme nous l’évoquâmes plus haut les communautés musulmanes des deux entités espagnoles croissent, mais que veulent-elles ?
Nous vîmes à l’instant que les populations ceutiennes et melilliennes semblent exprimer en majorité un attachement à l’Espagne. Or, depuis la loi de naturalisation « Ley de Extranjeria » de 1986, non seulement la condition sociale et économique des habitants musulmans s’améliora, mais ils disposèrent dès lors d’une existence politique. Si nous eûmes pu penser qu’ils se tourneraient vers des partis indépendantistes, il en fut finalement tout autre. En effet, les partis politiques de gauche Ceuta ya ! et Coalición por Melilla (CpM), lequel bénéficie du soutien de la Commission islamique et utilisa la devise politique « Inschallah » en 2011, recueillant la majorité du vote musulman réclament davantage d’autonomie (obtenir le pouvoir législatif), s’accordant sur ce sujet avec les autres partis dominants, sans pour autant porter des revendications séparatistes ou un rattachement au Maroc.
Si tout le monde s’accorde sur l’attachement de Ceuta et Melilla à la nation espagnole, le clivage politique entre les différentes franges des populations réside plutôt dans la question de l’hispanicité (« españolidad ») des villes défendues par certains et rejetées par d’autres, en majorité musulmans, qui clament un héritage hispano-berbère. Sachant que l’évolution de la part des musulmans dans les populations ceutienne et melillienne est considérable depuis 1987 (22,5% à Ceuta et 32,5% à Melilla en 1987[2] contre 40% à 50% aujourd’hui), il est normal que des problématiques liées à l’identité surgissent et se matérialisent politiquement. Selon Alicia Fernandez Garcia, les préoccupations des musulmans tournent autour d’une meilleure intégration sociale, de revendications en termes de logement, ainsi que d’accès au travail et de lutte contre la pauvreté « très élevé[e] par rapport aux indicateurs locaux et nationaux ». Tandis que 15 000 Marocains résident légalement à Melilla sur une population totale de 84 000 personnes, une loi espagnole interdit l’accès à la propriété aux personnes étrangères. Ces inégalités et le fort taux de chômage fait de certains quartiers « des noyaux durs du recrutement djihadiste » selon al chercheuse (taux de chômage de 27% à Melilla et de 25,8% à Ceuta selon Eurostat, soit parmi les plus élevés de l’Union européenne).
Ainsi, le conflit territorial opposant les royaumes espagnols et marocains ne peut se résumer à un différend fondé sur un « étrange héritage de l’histoire coloniale ». Cette approche biaisée ignore les particularités de ces deux territoires induits par plus de cinq siècles de présence espagnole. Ces discours anticoloniaux se fondent généralement sur la notion du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, notion volontiers bafouée dans le cas de Melilla et Ceuta. Cette prise de position pourrait résulter d’une précipitation dans le traitement du sujet, symptôme en somme tout classique des discours idéologiques qui portent des idées au-delà des préoccupations des populations concernées.
Cependant et comme les intérêts, des États ne sont pas forcément ceux des populations, le royaume marocain entend bien dépasser le stade des revendications diplomatiques et pousser l’Espagne au retrait par tous les moyens permis.
Que nous disent les tensions frontalières de la stratégie de chacun des deux États ?
Au travers de cette brève histoire politique de Ceuta et Melilla nous pouvons avoir un aperçu de la stratégie espagnole depuis l’avènement de la monarchie parlementaire. Entre hésitations, court-termisme et un abandon généralisé de l’État central, outre quelques sursauts comme lors de la crise de l’îlot Persil en 2002 durant laquelle le gouvernement espagnol (alors dirigé par le PP) fit preuve de fermeté à l’égard du Maroc, le royaume espagnol semble miser sur une position d’attentisme qui force à une coopération et à une politique fondée sur la réaction. Nicolas Klein parle de l’« irénisme traditionnel » espagnol lequel montre ses limites face à l’activisme marocain. De son côté, le royaume marocain est à l’initiative et déploie une stratégie multidimensionnelle qui déstabilise l’Espagne et le gouvernement socialiste.
Commençons par l’aspect le plus médiatisé des sujets de discorde :
Les crises migratoires aux frontières espagnoles ou le pan d’une stratégie marocaine globale
Des évènements tragiques se multiplient aux frontières (en 2018, 7 000 personnes étaient parvenues à franchir la frontière et en 2022 un important afflux de migrants à Melilla avait provoqué 23 morts dans des affrontements avec les gardes-frontières) et semblent être corrélés avec l’avènement de désaccords ou de crises diplomatiques entre les deux pays. L’exemple le plus frappant est la crise du 30 mai 2021. Ce jour-ci, près de 9 000 personnes (dont 1 200 mineurs non accompagnés) traversèrent illégalement la frontière pour rejoindre la ville de Ceuta, soit près l’équivalent de 10% de sa population totale.
Cette immigration massive que subissent par à-coup Ceuta et Melilla diffère des pratiques transnationales économiques et sociales des milliers de travailleurs que nous avons décrites plus haut. Cette immigration massive et soudaine du 31 mai 2021 concerne des milliers de clandestins qui saisissent l’opportunité d’une frontière inhabituellement dégarnie de ses gardes-frontières marocains afin de se rendre en territoire espagnol, et donc européen, afin de déposer une demande d’asile. Le fait que ces personnes risquent leur vie pour accéder à ces territoires relève de deux choses l’une : l’attrait malheureux de leurs statuts de frontières extérieures européennes localisées sur le continent africain, puis de la filière migratoire entretenue par les « associations militantes »[3] à l’échelle européenne qui accroît l’attrait de ces frontières.
L’avocat Philippe Fontana, auteur de La vérité sur le droit d’asile (Éditions de l’Observatoire, 2023) décrit le rôle politique, idéologique et contestataire de nombreuses associations. Elles interviennent dans la demande d’asile comme la Cimade, le Gisti, France terre d’asile (Françaises) ou Solidarity Wheels (basée à Melilla et qui entend « défier les politiques frontalières de l’UE »[4]) ou dans le parcours migratoire comme Sea-Eye (Allemande), Médecins sans frontières (Française) ou SOS Méditerranée (statuts européens, bien qu’originellement français) qui assistent régulièrement des migrants au large de la Libye et parfois dans les eaux libyennes selon les dires du porte-parole de la marine libyenne, le général Ayoub Kacem. D’ailleurs, ces associations sont régulièrement dénoncées comme « complices » [5] des passeurs dans le « trafic de migrants [lequel] a lieu dans toutes les régions du monde et a généré un revenu de 7 milliards de dollars pour les trafiquants », selon l’étude de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), publiée en 2016.
Les cas de Melilla et Ceuta cristallisent aussi les débats tant les ONG internationales mobilisent régulièrement leurs réseaux d’influence à l’UE, auprès de l’ONU et dans la presse pour « dénoncer » des frontières « hermétiques » et « sans aucune sorte d’accès à l’asile » (ONG Solidary Wheels). L’association française Gisti parle de « guerre aux migrants » tandis que sa compatriote La Cimade, avec l’Asociacion pro derechos Humanos de Andalusia (APDHA), participe à l’élaboration de rapports tel que « Ceuta et Melilla : centre de tri à ciel ouvert aux portes de l’Afrique ? ». Human Watch porta une grave accusation selon laquelle l’Espagne et le Maroc auraient mené des enquêtes « imparfaites » et insuffisantes » à la suite du drame de 2022, tandis qu’Amnesty international demandait le déploiement d’observateurs internationaux dans les enclaves. Cet activisme international nie la notion même de souveraineté des États et de la notion de responsabilité étatique dans la gestion des missions régaliennes sur leurs territoires dont les frontières sont reconnues par l’ONU. Il s’agit bien ici d’un « rôle idéologique » que l’avocat Philippe Fotana dit être le « plus grave en refusant les frontières ». Alicia Fernandez Garcia évoque aussi le rôle actif d’associations ceutiennes et melilliennes politisées dans le processus de naturalisation des milliers d’étrangers d’origines marocaines dans les deux enclaves espagnoles durant les années 1980.
C’est sur cet attrait des frontières européennes et sur les tensions générées par l’activisme associatif européen que s’appuie le Maroc lorsqu’il souhaite mettre la pression politique sur l’Espagne.
En ce sens, la résolution du Parlement européen 2022/C 67/11 votée le 9 juin 2021 nous renseignent sur la crise du 30 mai 2021. Cette résolution statue « que la crise a été déclenchée par le Maroc en raison d’une crise politique et diplomatique » entre le Maroc et l’Espagne et que selon les propres vœux du ministre marocain des affaires étrangères ainsi que « les déclarations officielles du Maroc du 31 mai 2021, la crise bilatérale ne serait pas liée à la question migratoire […] (mais) découlait directement du fait que le chef du Front Polisario avait été accueilli en Espagne » et serait une conséquence de « la position jugée ambiguë de l’Espagne sur le Sahara occidental ». Les accusations sont graves et humiliantes, car la résolution dénonce « l’instrumentalisation des mineurs par les autorités marocaines dans la crise migratoire à Ceuta » en cela que « la plupart des enfants ont cru qu’ils participaient à une simple sortie scolaire à Ceuta et qu’ils pourraient assister gratuitement à un match de football avec des joueurs célèbres ».
La résolution du parlement européen tait volontiers le fait que des centaines de Marocains fuyaient des conditions de vie difficiles dans le nord du Maroc (la région de l’Oriental et celle de Tanger-Tétouan-Hoceïma), région historiquement plus pauvre et moins développée avec un taux de chômage près de deux fois plus élevé que dans le reste du pays, conséquences d’une relation historiquement conflictuelle avec le Makhzen. Sous le règne du roi Hassan II, le Rif fut sciemment conservé dans un état de sous-développement et sous haute surveillance afin de conjurer toute velléité de révolte (comme la Guerre du Rif de 1921-1926 et le soulèvement de 1958-1959). Aujourd’hui, le roi Mohammed VI et les autorités centrales marocaines déploient des investissements dans la région : développement des ports de Tanger et Nador, d’infrastructures à Fnideq, décriminalisation de la culture du cannabis, mise en avant de la langue et des arts berbères… Cependant, la fermeture des frontières avec les enclaves espagnoles impacte les revenus de la région et pourrait bien réveiller les ressentiments qui avaient déclenché l’ « Hirak du Rif » en octobre 2016, parti de la ville d’Al Hoceïma.
Une fois la crise passée, la très grande majorité de ces « migrants » étaient rentrés au Maroc. En fait, une loi espagnole spécifique à Ceuta et à Melilla permet des refoulements de migrants sans formalités ni délai. L’efficacité de cette spécificité juridique réside dans la signature d’un « accord de réadmission provisoire » signé en 1992 entre l’Espagne et le Maroc. Bien qu’il ne fût mis en application qu’en 2004, la signature d’un « accord de réadmission » en 2007 confirma la possibilité pour l’Espagne de rapatrier sans délai ni procédure des migrants marocains, ainsi que des migrants de pays tiers. Concernant les mineurs marocains, un accord fut signé en 2004 afin d’autoriser leur rapatriement au Maroc et assorti d’un accord de partenariat sur la jeunesse afin de financer leur réintégration ainsi que leur formation, et d’un accord de coopération pour la prévention de l’émigration des mineurs non-accompagnés. Ces accords apparaissent d’ailleurs comme contradictoires face aux revendications territoriales marocaines.
En effet, la position marocaine consistant à clamer sa souveraineté sur ces villes est paradoxalement affaiblie par sa collaboration avec l’Espagne (les polices aux frontières collaborent) et l’Union européenne (aides financières européennes au Maroc) pour réguler l’immigration aux frontières. En plus de leur « accord de réadmission » et du « partenariat sur la jeunesse », un traité de voisinage fut ratifié en 1993, favorisant la reconnaissance d’enjeux communs et la coopération entre les deux pays. Néanmoins, cette imbrication d’intérêts économiques et politiques peut représenter pour le Maroc un moyen de pression efficace à l’égard de l’Espagne et de L’Union européenne pour négocier un rapprochement économique toujours plus avantageux en dépit de l’accord d’association UE-Maroc déjà signé en 2000.
Autre exemple significatif de la stratégie marocaine : l’asphyxie économique des enclaves espagnoles, lesquelles ne comptent pas se laisser faire.
Le Maroc ferme les frontières, Ceuta et Melilla les ouvrent vers d’autres horizons
Le royaume marocain semble disposé à user d’autres moyens de pression sur la couronne espagnole. Outre l’utilisation du levier migratoire, pratique qui peut relever de la « guerre hybride », le royaume marocain souhaite asphyxier progressivement l’économie de ces deux enclaves espagnoles en coupant les flux de contrebandes et en misant sur le développement de ports marocains concurrents dans la région comme le port Nador West Med , lequel compte s’inspirer de la réussite de Tanger Med (19e au classement mondial des ports à conteneurs). Sans les débouchés économiques marocains, les pratiques commerciales historiques des deux enclaves espagnoles pourraient être sérieusement menacées. Cependant, cette stratégie marocaine est à double-tranchant. Comme nous l’écrivîmes plus haut, le Nord marocain pourrait être sérieusement impacté par les mesures de fermeture des frontières.
La cessation de l’économie contrebandière aux frontières espagnoles, cumulée au développement de deux pôles d’attractivité économique aux deux extrémités de la côte méditerranéenne du Maroc (Tanger et Nador), impacte considérablement les autres villes du pourtour méditerranéen (Fnideq, Tétouan, Al Hoceïma et Nador elle-même en attendant la mise en activité du nouveau complexe portuaire). Rappelons que, selon le FMI, l’économie informelle représentait en moyenne 34% du PIB marocain entre 1991-2015. La question de la migration interne se pose pour les travailleurs, mais gêne dans une société nordique traditionnelle et enracinée.[6] De plus, l’impact des échanges économiques entre Ceuta, Melilla et le nord marocain était considérable. Rappelons que les seuls échanges contrebandiers de Ceuta et Fnideq représentaient annuellement entre 6 et 8 milliards de dirhams (570 et 750 millions d’euros), soit près de 0,62% du PIB marocain (133 Md de dollars en 2022, selon la Banque mondiale). Selon une étude menée en 2009 par la « Fundación para el Desarrollo Socioeconómico Hispano-Marroquí » (FHIMADES), « Si le taux d’accroissement des importations à Melilla augmente de 1%, le taux de croissance du PIB marocain augmente de 0,20% environ. Cela signifie que les achats effectués par Melilla à l’extérieur favorisent la croissance économique du Maroc ».[7] C’était considérable étant donnée, la petite population melillienne (80 000 en 2009) face aux 32 millions de Marocains à cette époque. L’étude économique souligne que la différence de niveau économique entre les villes espagnoles et leurs entourages marocains est un facteur favorisant leurs échanges commerciaux où les bénéfices sont mutuels. Et l’étude de conclure que, grâce à certains projets de développement économique impulsés dans les années 1970 et favorisés par sa proximité avec Melilla, la ville de Nador accrut son dynamisme et se convertit en un pôle de développement régional. C’est donc sur cette dynamique régionale existante que compte s’appuyer le port de Nador pour se développer et s’émanciper de Melilla.
Consciences de leur vulnérabilité, les villes de Ceuta et Melilla pourraient elles aussi multiplier les initiatives économiques. Début 2024, les deux villes et la région autonomie d’Andalousie ont créé une « Zona Economica Especial » (ZEE – Zone économique spéciale) similaire à celle en vigueur aux îles Canaries. Selon l’Observatoire de Ceuta et Melilla, cette ZEE commune permettra l’instauration d’un « régime fiscal attractif pour l’investissement et la création d’[au moins 1 000] emplois dans les deux villes autonomes, avec un impact de 100 millions d’euros ». Cette ZEE fera donc face à la nouvelle Zone franche marocaine du port de Nador. Or, les ports de Melilla et Nador étant situés dans la même rade (preuve supplémentaire de l’interconnexion des deux villes), le complexe Nador West Med est en construction sur un nouvel emplacement, sur la baie de Betoya. Ce nouveau port marocain sera en eau profonde et sera doté d’« importantes capacités pour le transbordement des conteneurs [doté] d’un pôle énergétique (traitement, conditionnement, stockage des hydrocarbures et produits dérivés) et le traitement des produits en vrac notamment le charbon ».[8] Le port de Melilla ne pourra pas concurrencer son nouvel homologue marocain et c’est pourquoi les autorités locales façonnent une tout autre stratégie. Miguel Marin Cobos, le vice-président de Melilla détaille dans les colonnes du journal Ceuta Actualidad un changement de modèle économique en 3 étapes : le développement universitaire, avec l’objectif d’attirer 5 000 nouveaux étudiants, le développement touristique (en promouvant un tourisme responsable et de qualité, en améliorant le potentiel des croisières et le tourisme de plongée) et le développement de l’industrie technologique. L’analyste Sanchez de la Cruz, rédacteur du rapport « Redéfinir l’économie du sud : opportunités et défis pour l’avenir à Ceuta et Melilla », confie au journal La Razon que le potentiel technologique des deux enclaves est prometteur en cela que « 30 importantes entreprises technologiques [y] ont débarqué ces dernières années ». L’attractivité fiscale des villes espagnoles due à cette nouvelle ZEE devrait favoriser l’installation d’autres entreprises axées sur les nouvelles technologies. Le modèle canarien inspire cette initiative, car 270 entreprises actives s’y sont installées depuis la création de sa ZEE, générant 1,1 milliard d’euros par an et 4 500 emplois.
Cependant, les initiatives seules des villes autonomes de Ceuta et Melilla face au royaume du Maroc ne sauraient suffire. D’ailleurs, le gouvernement fédéral espagnol approuva fin 2022 les « plans intégrales de développement socio-économiques des villes de Ceuta et Melilla » et la mobilisation de 711 millions d’euros d’investissements entre 2023 et 2026. Si le gouvernement espagnol déclare que « Ceuta et Melilla [sont] plus présentes que jamais dans l’agenda politique et économique » et se targue d’ « un appui clair […] en faveur du développement économique et de la cohésion sociale et territoriale »,[9] cette initiative gouvernementale n’est réellement que le prolongement du Plan de relance de l’Union européenne post-covid, dit localement le Plan de récupération, de transformation et de résilience (Plan de Récuperacion, Transformacion y Resiliencia) lequel concerne toutes les régions espagnoles. Au Sud rien de nouveau donc, si ce n’est que des promesses de financements furent faites et que dorénavant il s’agit d’obtenir leur décaissement, ce qui est une tout autre histoire.
Enfin, la stratégie marocaine étant multidimensionnelle, l’aspect militaire n’est assurément pas négligé par le royaume du Maroc.
Un accroissement de la capacité militaire marocaine particulièrement surveillé à Madrid
En 2002 les tensions militaires furent à leur comble lors du différend concernant l’îlot Persil. Le royaume d’Espagne montra l’étendue de sa puissance militaire face à un Maroc obligé de s’incliner (28 unités de commandos furent déployées, ainsi que 6 hélicoptères de l’armée de l’air et de la marine). En 2012, des avions espagnols F18 furent stationnés sur les îles Canaries dans un contexte d’accroissement des tensions hispano-marocaines quant à la délimitation de leur ZEE respective dans une zone maritime possiblement riche en hydrocarbures.
Depuis la crise de l’îlot Persil des troupes régulières y sont disposées, « une trentaine » de soldats de l’armée de terre le sont d’ailleurs sur chaque « Plaza de Soberania » selon le journal La Razon. Deux patrouilleurs de la marine espagnole opèrent depuis Ceuta et Melilla pour la surveillance maritime, la lutte contre les trafics, contre l’immigration illégale et comme soutien aux unités déployées sur les « plazas de soberania ». En réalité, ce sont des petits bâtiments, l’un de 62 tonnes et l’autre de 44 tonnes embarquant chacun un équipage de 10 hommes. C’est pourquoi des bâtiments de plus grande envergure sont régulièrement déployés dans le cadre de missions maritimes. Attachés à des bases en Espagne continentale, ils travaillent de concert avec les autorités militaires ceutiennes et melilliennes. Parmi eux, le patrouilleur de haute mer « Atalaya » P-74 (un bâtiment polyvalent de 1100 tonnes qui fait des missions de surveillance, de défense maritime du territoire et de police des pêches), mais aussi le bateau d’action maritime «Rayo » P-42, le bâtiment amphibie « Galicia » (14 000 tonnes et embarquant jusqu’à 6 hélicoptères et des embarcations de débarquement) ou les frégates « Reina Sofia » F-84, « Navarra » F-85 et « Canarias » F-86 spécialisées dans la guerre antiaérienne, mais dotées de capacités de lutte anti-sous-marine et antisurface (4 017 tonnes à pleine charge, équipées de lance-missiles monobras Mk 13 tirant des missiles surface-air SM-1MR et anti-navire longue-portée Harpoon, de torpilles et de mitrailleuses de 12,7 mm entres autres). Cette présence maritime permet au royaume ibérique d’affirmer sa souveraineté sur ses possessions méditerranéennes et de dissuader le Maroc de toute initiative similaire à celle qui provoqua la crise de l’îlot Persil.
Les armées marocaine et espagnole sont incomparables tant celle du roi Felipe VI est bien mieux équipée et plus puissante. Au classement 2024 du Global Fire power, l’Espagne est la 20e armée la plus puissante du monde tandis que le royaume du Maroc est 61e. Par exemple, la marine royale espagnole est composée aujourd’hui de 11 frégates (classes F100 et F80, avec 5 F110 en construction), deux sous-marins (dont un S80 et trois autres en construction), de deux navires de transport de chalands de débarquement, d’un navire amiral mixte amphibie de classe Juan Carlos I (porte-hélicoptères et porte-aéronefs) et de 13 avions d’attaque au sol EAV-8B Harrier II embarqués, en plus de drones, hélicoptères et divers patrouilleurs. La marine royale marocaine ne dispose que de 6 frégates, dont 2 considérées comme des patrouilleurs de haute mer, d’une vingtaine de patrouilleurs, mais d’aucun sous-marin, ni aéronefs d’attaque embarqués.
Néanmoins, les évolutions de l’armée marocaine, comme algérienne d’ailleurs, font l’objet de toutes les attentions en Espagne, car, selon le général de brigade Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la Revue Défense Nationale, « la compétition stratégique avec le Maghreb dimensionne également la politique navale de l’Espagne avec une relation ambiguë avec ses voisins du Sud ».[10] Tout en veillant à se prémunir d’une montée en puissance des marines algériennes et marocaines, la marine espagnole organise des exercices avec le Maroc d’un côté et avec l’Algérie de l’autre. Tandis que la crise économique de 2008 eut pour conséquence la réduction importante des moyens alloués à la Défense par l’Espagne au cours des dix dernières années, du côté marocain, la tendance est à la modernisation et au développement de ses capacités militaires. Entre 2013 et 2018, la marine royale marocaine acquit quatre frégates dont la frégate multi-missions Mohammed VI et trois frégates SIGMA. Néanmoins, et selon le Groupe d’études en sécurité internationale (GESI), ces bâtiments de haute mer pourraient être mieux armés encore pour faire face notamment à des attaques de saturation aériennes ou de simples vagues d’attaques successives. La construction des hélicoptères devant y être embarqués est lente, limitant le potentiel de lutte antinavire et anti-sous-marine des vaisseaux. D’ailleurs, cette problématique du sous-armement pour assurer la défense anti-aérienne du vaisseau concerne aussi la marine française comme le démontra le récent engagement des frégates FREMM Languedoc et Alsace de la classe Aquitaine en mer rouge face aux Houthis. Toutes les marines militaires font face aux mêmes défis posés par l’intensification de l’usage de drones armés et de leur développement qualitatif (augmentation de l’autonomie, de la capacité d’emport de charge utile, etc.) à des coûts toujours dérisoires eu égard du coût de construction des navires de guerre, de leur armement et de leur entretien.
C’est d’ailleurs sur les drones que mise le Maroc pour renforcer son arsenal militaire en se fournissant auprès d’Israël, son nouveau partenaire industriel et militaire. Selon le média El Espanol, les autorités marocaines construiraient une base militaire sur le mont Gourougou surplombant Melilla dans le but d’y disposer des drones et des missiles (Sea breaker) fournis par Israël. De plus, dans le cadre de l’accord de coopération sécuritaire signé le 24 novembre 2021, le royaume du Maroc construirait des drones kamikazes sous licence israélienne sur son propre territoire selon le média britannique Shepard. Ces drones, en plus des systèmes de lance-missiles de fabrication israélienne (PULS) et américaine (HIMARS) pouvant frapper des cibles à 300 kilomètres de distance, permettraient au Maroc de frapper des navires espagnols, mais aussi des cibles en Espagne. L’utilisation que font les Ukrainiens des missiles à longue portée et des drones pour lutter contre la marine militaire russe depuis leurs côtes, similaire à celle des Houthis pour viser bateaux commerciaux et militaires en mer rouge, illustre l’importance de ces armements et rend la menace marocaine crédible pour l’armée espagnole. La coopération israélo-marocaine pourrait également permettre d’améliorer l’armement embarqué des nouvelles frégates et de pallier les faiblesses liées à la défense anti-aérienne que nous évoquions plus haut.
Si le budget militaire du Maroc est à la hausse (12,1 Md$ pour 2024-2025), celui de l’Espagne aussi (de 10,1 Md EUR en 2022 à 12,8 Md EUR en 2023) dont le gouvernement ambitionne de porter les dépenses militaires à 2% du PIB d’ici 2029, soit une augmentation de 26 Md EUR selon le site de défense Opex360. Ainsi, le dénouement du différend frontalier ne devrait pas passer par les armes. La capacité du Royaume d’Espagne à défendre ses possessions en Afrique dépendra néanmoins de sa doctrine d’engagement dans la zone, de sa prise en considération du potentiel militaire marocain dans la définition de sa doctrine et de la volonté politique des gouvernements espagnols. Aussi, Madrid essaie en vain d’obtenir des garanties de la part de l’OTAN afin de protéger Ceuta et Melilla en cas d’attaques visant ces deux villes. Il est vrai que le Traité de l’Atlantique Nord n’évoque pas ces possessions espagnoles comme il évoquait spécifiquement le département français d’Algérie avant sa sécession en 1962. L’Article 6 du traité demeure flou évoquant « les îles placées sous la juridiction de l’une des parties dans la région de l’Atlantique Nord au nord du Tropique du Cancer »,[11] incluant donc les îles Canaries, mais pas les possessions françaises en Océan indien, et évoquant « toute autre région de l’Europe dans laquelle les forces d’occupation de l’une des parties étaient stationnée […] ou se trouvant sur la mer Méditerranée ». Cependant, la présence espagnole à Ceuta et Melilla n’a rien à voir avec le déploiement des alliés en Europe et ailleurs dans le contexte post-1945 immédiat. Ces deux villes étant considérées comme faisant partie intégrante de la Nation espagnole et situées au-dessus du Tropique du Cancer, Madrid réclame des garanties à l’Alliance que refusent les États-Unis.
Que conclure ?
Nous sommes ici dans l’étude d’un conflit territorial entre deux États reconnus par l’ONU, mais dont l’un conteste les frontières sanctuarisées par le Droit international et le système mondial post-1945, dont l’ONU se veut justement la garante. Ici les deux États sont partenaires et membres d’institutions internationales communes et l’État revendicatif ne semble pas prêt à changer le statuquo par la force ; les risques pour son économie en voie d’intégration mondiale sont trop grands. Néanmoins, l’option militaire demeure un facteur de pression et un élément important dans toute stratégie d’État, donnant du crédit dans le cadre de négociations diplomatiques.
Ainsi, le Royaume du Maroc accentue la pression et, face à son attitude volontariste, le royaume espagnol devra sortir de son « irénisme traditionnel ». Néanmoins, la compromission du parti PSOE espagnol avec les partis indépendantistes et les terroristes écroués pour conserver le pouvoir en Espagne ne semble pas porter ce gouvernement vers une politique d’affirmation souveraine sur les territoires de la Nation espagnole. La passivité du gouvernement espagnol se matérialise entre autres par l’installation illégale de fermes piscicoles d’une société marocaine dans la ZEE de l’île Zaffarine (une des « plazas de soberania ») depuis 2021 et toujours pas délogées malgré les protestations officielles du ministère espagnol des Affaires étrangères. C’est d’ailleurs un député du PP qui déposa plainte auprès du Parquet général de l’État espagnol pour exiger le retrait des fermes, témoignant de l’activisme du parti conservateur. La ferme piscicole semble toujours en place malgré les protestations espagnoles lesquelles devraient être suivies d’une démonstration de force avec une saisie ou un démantèlement par les autorités espagnoles. Pourtant, ces deux exclaves espagnoles jouissent d’un emplacement stratégique pour l’Espagne le long des routes maritimes commerciales et permettraient un déploiement militaire rapide sur le continent africain en cas de crise. C’est d’ailleurs de ces deux possessions que partit la pénétration militaire espagnole afin d’appliquer son protectorat sur le Rif. Ces territoires devraient faire l’objet de toute l’attention espagnole.
Il est néanmoins dans l’intérêt du Maroc de mettre la main sur ces territoires, car ils gênent son déploiement en méditerranée et imputent sa ZEE. En parallèle, les deux pays sont déjà en conflit diplomatique sur le tracé de leurs ZEE respectives sur la façade atlantique où l’Espagne possède les îles Canaries. La délimitation des ZEE est importante pour ces deux pays, l’un premier pêcheur d’Europe, l’autre d’Afrique. Malgré des dynamiques transfrontalières observables, économiques tout du moins, force est de constater que les populations ceutiennes et melilliennes se revendiquent espagnoles au-delà des conflits identitaires et communautaires qui les traversent. Ici, « la ligne séparatrice » qu’est la frontière marque bel et bien le « sentiment d’appartenance » des villes espagnoles et l’irrédentisme marocain pourrait paradoxalement le renforcer. Si le Maroc réussit à fédérer des soutiens internationaux sur sa revendication de souveraineté sur le Sahara occidental, aucun pays ne semble l’appuyer dans sa position concernant Ceuta et Melilla.
Enfin, le discours marocain visant à dénoncer des reliquats de la colonisation paraît peu crédible sans une dénonciation similaire de ses frontières héritées de la colonisation française lui ayant amputé des territoires au profit de l’Algérie et de la Mauritanie, deux pays créés par la France. Le Maroc reconnut ses frontières avec l’Algérie suite à la guerre des sables et fit de même avec la Mauritanie en 1969 dans un remarquable exercice de « réalisme politique »[12] afin de concentrer ses efforts sur le recouvrement de sa souveraineté sur le Sahara occidental, territoire occupé par l’Espagne jusqu’en 1973. Nous avons ici un élément indicatif dont l’Espagne devrait s’inspirer : négocier un traité bilatéral scellant la reconnaissance mutuelle de leurs frontières : Sahara occidental contre Ceuta et Melilla. Cependant et à la suite de la crise diplomatique de 2022 entre les deux pays, l’Espagne acta la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental sans pour autant réclamer de garantie sur le respect de l’intégrité territoriale espagnole par le Maroc (i.e. sa souveraineté sur ses territoires en Afrique) constituant un flou politique qui promet l’irruption de nouvelles crises et tensions diplomatiques, (si ce n’est militaires).
Ainsi, le statut de ces frontières que l’on eût pensé irrévocable dans un monde post-1945 fondé sur le Droit international pourrait bien changer dans les vingt prochaines années si l’Espagne ne questionne pas (son absence de) stratégie.
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[1] Lors de mon séjour à Tétouan, c’est un sujet qui revient régulièrement dans nos conversations lorsque je questionne les conditions économiques de la ville et de la région. Les opportunités économiques se sont considérablement réduites et la hausse des prix impactent des milliers de personnes qui vivaient d’échanges informels. Selon le FMI, l’économie informelle représentait en moyenne 34% du PIB marocain entre 1991-2015.
[2] Source : Estudio estatistico de las comunidades musulmanes de Ceuta y Melilla, I.N.E., Madrid 1987
[3] Entretien de Philippe Fontana avec la revue Conflits, avocat au barreau de Paris et auteur de La Vérité sur le droit d’asile (Éditions de l’Observatoire, 2023)
[4] Dans la rubrique « à propos de nous » sur leur site internet (https://en.solidarywheels.org/nosotras)
[5] Selon les propres mots du ministre français de l’Intérieur, Christophe Castaner, en avril 2019 lors d’une réunion du G7
[6] Selon plusieurs témoignages recueillis lors de mon séjour à Tétouan.
[7] “Si la tasa de incremento de las importaciones en Melilla aumenta un 1%, la tasa de crecimiento del PIB de Marruecos aumenta aproximadamente un 0,20%. Es decir, las compras que Melilla hace al exterior favorecen el crecimiento económico de Marruecos.”
Intercambios socioeconómicos entre la ciudad autónoma de Melilla y Marruecos. Descripción, cuantificación y análisis de los flujos de bienes y servicios, factor trabajo y servicios públicos. Universidad Francisco de Vitoria; Departamento de Postgrado y Consultoría. Septiemrbe, 2008. www.fhimades.org, pagina 64.
[8] Selon le site officiel du complexe portuaire Nador West Med
[9] Selon le site officiel du Gouvernement d’Espagne intitulé Plan de Recuperacion, Transformation y Resiliencia
[10] Jérôme Pellistrandi, « Quelle stratégie navale pour l’Espagne ?, Fondation méditerranéenne d’études stratégiques », 10 décembre 2020
[11] Le Traité de l’Atlantique Nord
[12] Histoire du Maroc, Bernard Lugan