Intimidations, pressions sur les fonctionnaires et les policiers, embrigadement des enfants dans les écoles, les indépendantistes catalans ont cherché à imposer la sécession régionale à une population qui n’en voulait pas.
Aux mois de septembre et octobre 2019, l’Espagne commémorait le deuxième « anniversaire » de la tentative de sécession de la Catalogne qui avait alors agité tout le pays. À cette occasion, la discussion sur la qualité de la démocratie espagnole a connu un regain d’intérêt de toutes parts.
Traditionnellement, les indépendantistes catalans expliquent que l’Espagne n’a de démocratique que les apparences puisqu’elle n’accède pas à leurs désirs (et refuse notamment la tenue d’un vote sur la question sécessionniste). Les amalgames faciles parsèment allègrement les considérations de ce type [simple_tooltip content=’Voir, par exemple, Cercas, Javier, « Franco, Franco, Franco », El País, 28 janvier 2018.’](1)[/simple_tooltip]. Bien évidemment, les indépendantistes font l’impasse sur tous les classements internationaux qui, année après année, placent notre voisin ibérique parmi les démocraties les plus abouties au monde [simple_tooltip content=’Voir, entre autres, Freedom in the world – 2019 – Democracy in retreat, Washington : Freedom House, 2019 ; Democracy Index 2018: me too? – Political participation, protest and democracy, Londres : The Economist, 2018.’](2)[/simple_tooltip].
Ils font aussi peu cas des multiples études qui ont été menées sur le caractère à la fois illégal et antidémocratique des décisions prises par la Généralité de Catalogne ces dernières années ainsi que de son discours sécessionniste [simple_tooltip content=’Voir, entre autres, Ruiz Miguel, Carlos, « Sobre la insostenible pretensión de la existencia de un «derecho de autoderminación» para separarse de España al amparo del Pacto Internacional de los Derechos Civiles y Políticos » in Anuario español de derecho internacional, Pampelune .’](3)[/simple_tooltip]. Par ailleurs, lorsque les plus hautes instances de l’Organisation des Nations unies (ONU) ou les divers tribunaux internationaux ont eu à se prononcer sur cette affaire, ils ont toujours donné tort au monde sécessionniste [simple_tooltip content=’Voir, par exemple, Huguet, Pere Lluís, « La darrera paraula », Política & Prosa, 17 septembre 2019 ; ‘](4)[/simple_tooltip].
Les mêmes indépendantistes se font également très discrets concernant leurs propres violations des droits des citoyens catalans. Que ce soit les enfants en général [simple_tooltip content=’Voir « Los separatistas vulneraron 214 veces la Convención de los Derechos del Niño en nombre del procés », Libertad Digital, 19 décembre 2017 ;’](5)[/simple_tooltip], les élèves en particulier [simple_tooltip content=’Voir, par exemple, Cañizares, María Jesús, « El otro informe de la ONU que Torra silencia », Crónica Global, 18 juillet 2019 ; ‘](6)[/simple_tooltip], les fonctionnaires [simple_tooltip content=’Voir, par exemple, Campos, Cristian, « El drama de los funcionarios catalanes: entre la coacción y el miedo a perder el sueldo », El Español, 26 octobre 2017.’](7)[/simple_tooltip], les juges [simple_tooltip content=’Voir, par exemple, González, Germán, « Los jueces de Cataluña denuncian la falta de apoyo del Gobierno frente a los ataques de los separatistas », El Mundo, 14 octobre 2018.’](8)[/simple_tooltip], les artistes [simple_tooltip content=’Voir, par exemple, García, Jesús, « Suspendido un concierto de Marta Sánchez por lanzamiento de huevos », El País, 18 mai 2019.’](9)[/simple_tooltip] ou la population dans sa globalité [simple_tooltip content=’Voir, par exemple, Salvador, Antonio, « Los delitos de odio por motivos ideológicos crecen un 187% en Cataluña el año del 1-O », El Independiente, 16 janvier 2019.’](10)[/simple_tooltip], tous ceux qui ont le malheur de ne pas communier dans la « religion » séparatiste [simple_tooltip content=’Voir Laínz, Jesús, « La religión separatista », Libertad Digital, 13 septembre 2019.’](11)[/simple_tooltip] sont l’objet de harcèlements, de violences diverses et de mesures très éloignées de la conception de la démocratie que disent défendre les séparatistes [simple_tooltip content=’Voir également Déficits de calidad democrática en Cataluña, Barcelone : Société civile catalane, 2015 et 2017 ; « La sistemática vulneración de derechos en Cataluña », blog « Cita Falsa », 2 avril 2019.’](12)[/simple_tooltip].
Le Parlement catalan dans l’illégalité
Une illustration éloquente de cette conception du respect des libertés humaines au sein du monde séparatiste catalan a été donnée en septembre 2017. Dans le contexte de l’organisation du référendum illégal du 1er octobre suivant, le Parlement régional (Parlament) a été utilisé à des fins pour le moins douteuses.
Il a en effet été amené à s’exprimer sur un texte nommé Loi de transition juridique et constitutive de la République. Suspendu le 12 septembre 2017 par la Cour constitutionnelle espagnole en raison de ses multiples violations de la Constitution de 1978, ce texte se présentait comme une sorte de loi fondamentale provisoire de la future République catalane indépendante, dans l’attente de la rédaction et de l’adoption d’une nouvelle constitution [simple_tooltip content=’Voir, par exemple, Cordero, Dani, « Una miniconstitución para dos días después del 1-O », El País, 10 octobre 2017.’](13)[/simple_tooltip].
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Notons en premier lieu qu’il est curieux que cette loi ait été approuvée par le Parlament avant le déroulement du référendum du 1er octobre, comme si l’avis concret des citoyens catalans n’avait de toute façon aucune importance pour la Généralité et que seul le « oui » à la sécession était une réponse acceptable [simple_tooltip content=’À ce sujet, voir « El conseller Vila critica que se apruebe la ley de transitoriedad antes del referéndum », La Vanguardia, 4 septembre 2019.’](14)[/simple_tooltip].
Mais il y a bien plus grave. Ce texte a en effet été adopté en bafouant les droits de la minorité parlementaire régionale, notamment par une modification de dernière minute de l’ordre du jour qui a empêché tout débat. C’est ce qu’ont affirmé par la suite la Cour constitutionnelle espagnole [simple_tooltip content=’Voir González, Germán et Marraco, Manuel, « El TC declara que el Parlament vulneró los derechos de Ciudadanos en el pleno de las leyes de ruptura », El Mundo, 2 avril 2019.’](15)[/simple_tooltip] et bien des experts en droit politique [simple_tooltip content=’Voir, par exemple, Nieto Jiménez, José Carlos, « Los derechos de las minorías parlamentarias en el procedimiento legislativo » in Estudios de Deusto, Bilbao : presses de l’Université de Deusto, 2019, volume 67, n° 1, pages 293-314.’](16)[/simple_tooltip].
De nombreux citoyens catalans eux-mêmes auraient pâti de la pleine application de cette loi, voyant leurs droits fondamentaux réduits à néant : les fonctionnaires, menacés de mesures de rétorsion s’ils n’obéissaient pas à des ordres manifestement anticonstitutionnels [simple_tooltip content=’Voir « Llach assegura que els funcionaris que no acatin la llei de transitorietat seran sancionats », Ara, 25 avril 2017.’](17)[/simple_tooltip] ; la justice, totalement subordonnée au bon vouloir de l’exécutif, ce qui aurait annulé le principe de séparation des pouvoirs [simple_tooltip content=’Voir Cañizares, María Jesús, « « La ley de transitoriedad contempla el control político absoluto de jueces y fiscales », Crónica Global, 29 août 2017.’](18)[/simple_tooltip] ; le refus de la citoyenneté catalane aux anciens fonctionnaires d’État ainsi qu’à ceux qui s’étaient engagés dans l’armée ou les forces de l’ordre espagnoles, en faisant ainsi des étrangers dans leur propre pays [simple_tooltip content=’Voir Planas, Pablo, « La «Constitución» catalana negaba la ciudadanía a funcionarios, militares y policías », Libertad Digital, 6 mars 2019.’](19)[/simple_tooltip] ; l’interdiction de tous les partis politiques visant au retour d’une Catalogne indépendante dans le giron de l’Espagne (et donc de tout référendum d’autodétermination, ce qui est un comble) [simple_tooltip content=’Voir, par exemple, « Los independentistas querían prohibir los partidos contra la República catalana », 20 Minutos, 6 mars 2019.’](20)[/simple_tooltip], etc.
En somme, les responsables séparatistes catalans préparaient une république indépendante bien peu démocratique et totalement soumise à leurs desiderata [simple_tooltip content=’Voir, par exemple, « El Estado de derecho amenazado en Cataluña: la ley de transitoriedad jurídica y fundacional de la república », blog « Hay Derecho », Expansión, 3 septembre 2017.’](21)[/simple_tooltip]. Cela ne leur permet guère aujourd’hui de donner des leçons de démocratie à la terre entière – et en particulier à l’État espagnol…