L’archipel de Mayotte n’avait pas été touché par un cyclone d’une telle intensité depuis 90 ans. Chido, qui s’est abattu sur l’archipel le 14 décembre, a dévasté les principales localités : Koungou, Mjicavo Koropa, Mamoudzou, chef-lieu de Mayotte, et l’île de Petite-Terre.
Le bilan humain déjà lourd (120 morts et plus de 1400 blessés) est amené à s’aggraver à mesure que les décombres sont nettoyés. 100 000 personnes sont portées disparues. Car ce sont surtout les bidonvilles qui ont été détruits par le cyclone. Kawéni, plus grand bidonville de France où vivaient environ 20 000 personnes essentiellement arrivées en situation irrégulière des Comores, a été rayé de la carte. Le drame du cyclone est accentué par l’inefficacité de l’opération Wuambushu. Lancée en avril 2023, elle devait lutter contre l’insécurité et l’insalubrité galopantes dans les bidonvilles de Mayotte, en détruisant les bangas (habitations précaires) et en expulsant les clandestins.
Alors que l’archipel est déjà le territoire le plus pauvre de France, les infrastructures stratégiques comme les routes et les ports ont été gravement endommagés. Le port de plaisance de Dzaoudzi (Petite-Terre) et celui de Mamoudzou ont été ravagés. Par chance, le port de commerce de Longoni a été épargné. La zone industrielle de Mamoudzou et des exploitations agricoles ont également été partiellement détruites, menaçant la sécurité alimentaire de l’archipel. Les services de secours manquent déjà d’eau et de matériel.
Le cyclone aggrave aussi le contexte sécuritaire. Depuis des années, les Mahorais se plaignent déjà de la hausse constante de l’insécurité, en grande partie provoquée par les clandestins comoriens. Un couvre-feu et un déploiement de 1 600 policiers et gendarmes veulent endiguer le risque immédiat des pillages et diverses violences. Un renfort de 800 forces de l’ordre est prévu pour les prochains jours.
Enfin, le problème sanitaire est surveillé de près, car le choléra inquiète les autorités. Mayotte avait été touchée par une épidémie qui avait commencé au printemps dernier jusqu’à l’été. L’épidémie peut repartir avec le manque d’eau et les dizaines de milliers de personnes se retrouvant sans-abri. Pastilles de chlores, médicaments et messages de prévention sont distribués autant que possible à la population.
Le cyclone Chido est un test pour la France vis-à-vis de ses outre-mer. Critiquée voire contestée dans l’ensemble de ses possessions, elle doit montrer que ses territoires séparés par les mers mais en communion nationale ne sont pas oubliés. Dans ce but, Emmanuel Macron a annoncé qu’il déclarerait un deuil national, une première depuis 2020, et qu’il se rendrait jeudi dans l’archipel. Les ministres démissionnaires Bruno Retailleau (Intérieur), François-Noël Buffet (Outre-mer) Thani Mohamed Soilihi (secrétariat d’État à la Francophonie) ont rejoint le préfet (la présence de François Bayrou aurait compliqué le dispositif et l’urgence est à la composition d’un gouvernement). Surtout, un gigantesque pont aérien a été installé entre Mayotte et la Réunion, de l’eau, des denrées alimentaires, des médicaments sont massivement envoyés pour répondre le mieux possible aux besoins. Une déduction d’impôts à 75% s’appliquera aussi aux dons destinés à l’archipel ne dépassant pas les 1 000 euros.
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