Blake et Mortimer. L’art de la guerre

5 novembre 2023

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Couverture L'Art de la guerre (c) Dargaud

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Blake et Mortimer. L’art de la guerre

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Nouvelles aventures pour le capitaine Blake et le professeur Mortimer, en voyage cette fois-ci à New York. Toujours avec Olrik et ses coups tordus, mais en compagnie d’un nouveau dessinateur, Floc’h.

Un autre regard sur Blake et Mortimer. L’art de la guerre, 2023, 23€.

C’est une interprétation personnelle de l’œuvre Blake et Mortimer à laquelle se livre le dessinateur Floc’h. Si les deux héros sont bien présents, avec leurs caractéristiques, si le méchant est bien tenu par Olrik et s’il s’agit toujours de sauver le monde d’une destruction imminente, Floc’h a imprimé sa marque et son style dans le dessin et la façon de conduire l’album. Il s’est exprimé longuement sur le sujet : les précédents albums ne lui plaisent pas. Trop de textes à son goût, trop de détails, trop de pleins. Il a voulu proposer un album sous le signe de l’épure, avec des bulles et des conversations réduites au minimum et des personnages qui évoluent dans des paysages épurés. Certains pourront être surpris par ce trait, voire être déçu, mais force est de reconnaitre que Floc’h a tenu son parti pris et l’a suivi tout au long de l’album. En y ajoutant des touches personnelles qui sont celles de ses affections, notamment le goût des États-Unis et du pop art. Au gré des cases, on trouve ainsi des références assumées à Andy Wharol, à Edward Hopper, à Roy Lichtenstein. C’est une rupture assumée et voulue, la condition posée par Floc’h pour réaliser l’album.

Blake et Mortimer (c) Dargaud. Extrait de l’album

Rupture et tradition

Pour le reste, en faisant appel à deux scénaristes habitués des Blake et Mortimer, Fromental et Bocquet, on suit un fil beaucoup plus classique. L’intrigue renoue avec le roman policier, en réduisant la science-fiction au minimum. Les caractères sont bien ceux de Blake et Mortimer, chacun jouant sa partition. Il y a un club (le Penn club, pendant du Centaur), il y a du bourbon, du tabac, de belles voitures et de beaux costumes, des perspectives urbaines, de l’intrigue et une action qui a du rythme. Floc’h avait une obsession : créer un page turner. Force est de constater que la chose est pleinement réussie. En mêlant innovation de rupture et tradition jacobsienne, il a créé un album personnel et original qui marque un moment important dans l’histoire des Blake et Mortimer.

Le tout avec une ironie mordante sur le système des relations internationales. Sans dévoiler l’intrigue aux lecteurs, on y retrouve des espions soviétiques, des agents du FBI, des diplomates anglais et une femme médecin plus alerte qu’il n’y semble. Toute l’action tourne dans un huis clos dont le centre est la tour de l’ONU (la matchbox, la boîte d’allumettes) et la scène New York. Blake doit y prononcer un discours sur la paix lors d’une grande conférence organisée par l’Organisation. Le genre de conférence et de discours qui ne servent à rien, mais autour de desquels tout le monde s’affaire pour faire illusion. On palabre, on discute, on échanges des amabilités autour des petits fours et des soirées mondaines. Pendant ce temps, Olrik, bien sûr, trame une nouvelle machination, s’inspirant des principes de Sun Tzu dans son Art de la guerre. Ce n’est pas avec son discours que Blake contribue à sauver la paix mondiale, mais en désarmant Olrik et en contribuant à faire travailler ensemble des personnes qui se déteste. Une application de « l’art de la paix » qui est sa conclusion finale.

L’intrigue est pleine de rebondissements, les personnes secondaires sont plus complexes qu’elles ne pourraient le laisser penser de prime abord et la réflexion sur la diplomatie, la paix et les relations internationales bien vue et bien poussée. C’est le propre des grandes bandes dessinées, comme Tintin, Lefranc ou Astérix, de pouvoir être appréciées tant par les enfants que par les adultes, grâce aux différents niveaux d’interprétation possibles. Côté Floc’h, c’est réussi et c’est une touche originale dans les aventures de Blake et Mortimer. Tout en apportant une esthétique assumée, cet album suit une intrigue palpitante et crédible.

Blake et Mortimer (c) Dargaud. Extrait de l’album

 

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Photo : Couverture L'Art de la guerre (c) Dargaud

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À propos de l’auteur
Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Docteur en histoire économique (Sorbonne-Université), professeur de géopolitique et d'économie politique à l'Institut Albert le Grand. Rédacteur en chef de Conflits.

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