Benoît XVI, regard sur une vie

31 décembre 2022

Temps de lecture : 4 minutes

Photo : Pope Benedict XVI greets the faithful to deliver his "Urbi et Orbi" message, 2007 (AP Photo/Alessandra Tarantino)/APTOPIX_VATICAN_CHRISTMAS_POPE_ALT101/0712251352

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Benoît XVI, regard sur une vie

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Homme à la vie riche et multiple, Benoît XVI a joué un rôle fondamental dans la vie contemporaine de l’Église. Retour sur une vie qui fit de lui un proche collaborateur de Jean-Paul II puis son successeur.

Entretien avec le Père Clément Imbert, traducteur de la biographie de Benoît XVI écrite par Peter Seewald. Entretiens parus à l’été 2022.

Témoignage du Père Clément Imbert sur ses rencontres avec Benoît XVI et le contexte de la traduction de la biographie.

Fidèle au don reçu

Ma première année de séminaire a été d’une intensité peu commune : en l’espace de quelques mois, je suis témoin de l’agonie du grand Jean Paul II, puis de ses obsèques si bouleversantes sur la place Saint-Pierre, présidées par celui que je connaissais encore bien peu et qui parvint en quelques minutes à offrir au monde l’essentiel de ce que fut son prédécesseur, en méditant sur l’appel de Jésus à son disciple Pierre « Viens et suis-moi ». Quelques jours plus tard, cet homme humble et discret devenu pape apparait radieux sur la place Saint-Pierre et une fois encore se glisse tel un disciple dans le sillage de son prédécesseur, en reprenant son invitation « N’ayez pas peur, ouvrez les portes au Christ ». Il y ajoute cette formule qui s’inscrit profondément dans mon esprit, car elle correspond parfaitement à ce que je vis : « Le Christ n’enlève rien, il donne tout ».

Très vite, les journées mondiales de la jeunesse à Cologne lui donnent l’occasion de se présenter au monde et particulièrement aux jeunes, qu’il parvient à toucher profondément malgré la comparaison constante avec son prédécesseur si charismatique. Ses catéchèses, son sourire, sa fragilité, son recueillement font sentir aux milliers de jeunes dont je fais partie que le pape les aime et les prend au sérieux.

Puis quelques mois plus tard, lors de la parution de sa première encyclique Deus caritas est, je découvre avec un émerveillement toujours plus grand que ses propos parlent de moi, décrivent mon expérience avec des mots que je n’aurais su trouver : « À l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive. » Je sens à ce moment qu’une sorte d’alliance s’établit entre nous, et durant les huit années qui suivent, je m’efforce de saisir toutes les occasions d’aller à sa rencontre, le lire et suivre ses invitations.

La découverte des quatre ouvrages de Peter Seewald rédigés en collaboration avec Joseph Ratzinger devenu Benoit XVI (Sel de la terre, Lumière du monde, Voici quel est notre Dieu, Dernières conversations) m’a aidé à prendre un peu plus la mesure de l’homme, son parcours, ses intuitions fondamentales. Cela explique en partie l’insouciance avec laquelle je me suis lancé dans la traduction de la biographie monumentale Benoit XVI, une vie (Chora, 2022) écrite par le journaliste bavarois, après avoir constaté que l’éditeur allemand n’avait toujours pas trouvé de candidat pour coordonner la traduction en français.

« Voilà un israélite sans détour » s’exclame Jésus lorsqu’il rencontre Nathanael. Cette phrase m’a souvent habitée durant le travail de traduction, car il m’a semblé percevoir une grande unité dans la vie de Joseph Ratzinger. Alors que certains s’appliquent à chercher des contradictions, des revirements, des zones d’ombres dans cette vie de près d’un siècle, j’ai vu au contraire, malgré ses défauts, faiblesses ou échecs, un homme « sans détour ». Il a, pour ainsi dire, été fidèle à la mission reçue de Dieu. Celle-ci s’est révélée à lui à travers de nombreux évènements dont les premiers remontent à sa plus tendre enfance, en passant par son adolescence sous le joug nazi, l’expérience éprouvante de la guerre et l’entrée au séminaire dans une Allemagne détruite matériellement et spirituellement.

Disciple de Saint Augustin

Très tôt il découvre un goût et une prédisposition pour l’étude et l’enseignement, et c’est d’une certaine façon ce qui le conduit à embrasser le sacerdoce, conscient qu’il ne s’agit pas tant d’un métier (en allemand Beruf) que d’une vocation (en allemand Berufung). Il se place ainsi dans la lignée de Saint Augustin, l’un de ses plus fidèles compagnons intellectuel et spirituel, qui est en même temps philosophe, théologien, pasteur, enseignant, évêque, liturge, mystique. Et si comme professeur de théologie ou auteur, il doit circonscrire son sujet ou sa matière, il parvient tout de même à ne jamais sortir de cette unité fondamentale entre la foi et la vie, la théologie et la prière, l’instant présent et l’éternité, l’enseignement et le souci des âmes, le dogme et l’expérience, l’ouverture au monde avec les questions du moment et l’enracinement profond dans la tradition. Il est aidé pour cela par une intelligence prodigieuse, une mémoire phénoménale et une capacité à poser les problèmes avec la sérénité d’un homme tourné vers Dieu, adoré quotidiennement dans le sacrifice de la messe.

De Munich à Rome

C’est certainement ce qui pousse un jour le pape Paul VI à le nommer archevêque de Munich, ministère pour lequel il ne se pense pas fait, mais dont il s’acquitte avec un tel dévouement que, quand il est appelé par Jean Paul II à Rome, seulement quatre ans après son entrée en fonction à Munich, son diocèse pleurera unanimement son départ. Il avait posé une condition au pape pour prendre la tête de la congrégation pour la doctrine de la foi, celle de pouvoir continuer à publier. Ce qu’il fera généreusement durant ses années comme préfet et poursuivra une fois pape, puisque son ouvrage en trois volumes sur Jésus de Nazareth, signé simplement Joseph Ratzinger, est publié durant son pontificat. Cela ne nous fera pas oublier pour autant les innombrables enseignements donnés durant en tant que pape, notamment des encycliques qui eurent chaque fois l’effet d’un baume. La première sur l’amour, reprend le sujet si cher à son maître et ami Jean Paul II, en méditant notamment sur ses différentes facettes : Eros (désir), philia (amitié), agape (oblation).

Comment ne pas mentionner aussi celle sur l’espérance qui lui permet de revenir sur son sujet de prédilection, les fins dernières, avec une pédagogie lumineuse, mais aussi d’évoquer la quête fondamentale de l’homme contemporain, celle d’une présence. « La parole latine con-solatio, consolation, l’exprime de manière très belle, suggérant un être-avec dans la solitude, qui alors n’est plus solitude. […] Dieu ne peut pas souffrir, mais il peut compatir. L’homme a pour Dieu une valeur si grande que Lui-même s’est fait homme pour pouvoir compatir avec l’homme de manière très réelle, dans la chair et le sang, comme cela nous est montré dans le récit de la Passion de Jésus. De là, dans toute souffrance humaine est entré quelqu’un qui partage la souffrance et la patience ; de là se répand dans toute souffrance la con-solatio ; la consolation de l’amour qui vient de Dieu et ainsi surgit l’étoile de l’espérance. »

Merci Saint-Père d’avoir dirigé notre regard vers cette étoile.

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