Bellini : de l’opéra au cocktail

2 mai 2022

Temps de lecture : 5 minutes

Photo : L'éléphant de Catane (c) JBN

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Bellini : de l’opéra au cocktail

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Mort à Puteaux et enterré à Catane, Vincenzo Bellini est notamment célèbre pour son opéra Norma dans lequel s’est illustré la Callas. D’un quartier de La Défense à un bar de Venise, le nom de Bellini est également inscrit dans les lieux.

Vincenzo Bellini est une comète de la musique. Né en 1801 à Catane, dans le royaume de Sicile, il est décédé à Puteaux en 1835, dans le royaume de France. 33 ans d’une vie courte qui donna notamment Norma en 1831, passé à la postérité grâce à l’interprétation magistrale de Maria Callas. Formé à Naples, l’autre capitale de l’opéra et de la musique, il a été au croisement du classicisme et du romantisme naissant. Ses succès le conduisent à Venise et à Milan puis à Paris, à la demande de son ami Rossini. Vivant chez lui, à Puteaux, dans la banlieue parisienne, il décède de la dysenterie et est alors enterré au Père-Lachaise. Quarante ans plus tard, ses restes sont transportés à Catane, sa ville natale, pour être déposés dans la cathédrale de la ville. Sa médaille de la Légion d’honneur, obtenue quelques jours avant sa mort à la demande du roi Louis-Philippe, est déposée sur la statue de sainte Agathe, la sainte patronne de la ville. Vincenzo Bellini a laissé son nom à la musique et aux lieux puisqu’un quartier de La Défense le porte désormais.

Quartier Bellini : la modernité des années 1960

Petite ville de la banlieue parisienne, dortoir pour les ouvriers et réceptacles de quelques usines, Puteaux est devenue l’une des villes phares de l’Île-de-France grâce à l’implantation du centre d’affaires de La Défense, dont le quartier Bellini fut l’une des vitrines modèles. Aujourd’hui profondément remanié, le quartier Bellini est un modèle de l’architecture des années 1960, faite de tours, de matières nouvelles, de modernité, de vitesse et de hauteur. La résidence Bellini, avec ses 600 logements, ses commerces de proximité et son parvis ont été réalisés en 1957 par l’architecte Jean de Mailly. Dix ans plus tard, c’est la construction de la première tour, la tour Nobel, rénovée en 2003. Haute de 109 mètres et représentant plus de 34 000 m² de surface, elle est un archétype des gratte-ciel français des années 1960. On y trouvait également la tour Norma, construite en 1969 et détruite depuis. L’opéra était ainsi porté aux sommets architecturaux. Aujourd’hui, le quartier comprend de nouvelles tours, édifiées notamment par Christian de Portzamparc, telle la tour Eria. Situé entre la Seine et le circulaire, le quartier Bellini est un concentré des cent dernières années de l’histoire urbaine et architecturale de la France.

Catane : le baroque sicilien

Mais Bellini s’ancre également dans la géographie de Catane, sa ville natale. La cathédrale est un joyau du baroque sicilien, qui associe classicisme, esprit normand et méditerranéen. Elle est édifiée sur d’anciens thermes romains, ce qui lui permet d’amalgamer de nombreux styles. C’est le normand Roger de Hauteville, qui a libéré la Sicile des Arabes, qui a ensuite fait édifier la cathédrale à cet emplacement. Dédiée à sainte Agathe, la patronne de la ville, elle a associé de nombreux styles différents, dont un immense portail de style baroque édifié en 1736. Visiter cette cathédrale, c’est traverser toute l’histoire de la Sicile et sa superposition de couches historiques. En un seul lieu s’exprime ainsi la sédimentation des siècles.

Le dôme de la cathédrale (c) Conflits

Non loin de la cathédrale, habitants et visiteurs de Catane peuvent traverser le si typique marché aux poissons. Étals additionnés où les vendeurs apportent la pêche du jour, poissons frais, vivants et morts, qui rappellent ces tableaux du Louvre où les peintres additionnent dans leur nature morte tous les poissons imaginables. Ici, tout se voit en vrai, accumulation de textures, de couleurs, de tailles, de têtes arrachées de la mer. Alevins, espadons au long nez, maquereaux, sardines, cigales de mer, dorades, thons, conservés dans l’eau fraiche ou sur la glace, vendus à l’unité ou au kilo. Les cris parviennent à étouffer les odeurs et dans un tohu-bohu de joie et de ferveur règne un ordre spontané qui organise ce marché depuis des décennies. C’est un autre opéra qui se joue, fait de bruits, de couleurs, d’odeurs, avec des ténors et des barytons qui jouent chacun leur partition et leur rôle. Au pied des immeubles, dans les méandres des rues pavées, s’écoulent l’eau des bacs, le jus des poissons et les peines des pêcheurs venus jusqu’à Catane pour écouler leurs produits.

Marché de Catane (c) Conflits

Marché de Catane (c) Conflits

De la Sicile à Venise

Autre ville portuaire, autre ville d’Italie, Venise est liée elle aussi à Bellini ; là où fut inventé dans les années 1940 le cocktail Bellini, nom donné non en référence au compositeur sicilien, mais au peintre vénitien Giovanni Bellini (1425-1516). C’est au Harry’s Bar, fondé en 1931 par Giovanni Cipriani, que le cocktail est né, réalisé à partir de purée de pêche et de prosecco. L’histoire du Harry’s Bar est elle aussi emblématique de l’Italie, le lieu étant désormais classé comme patrimoine national. L’histoire est belle et a été racontée par son fondateur. Cipriani était barman dans un établissement de la ville quand il croisa la route d’un jeune étudiant américain, Harry Pickering, venu à Venise pour se soigner. Manquant d’argent pour rentrer aux États-Unis, Cipriani lui prêta la somme du billet du retour. Revenu aux États-Unis, Pickering revint quelques années plus tard à Venise, retrouva la trace de Cipriani, le remboursa et lui versa une somme complémentaire afin qu’il puisse ouvrir son propre établissement. Ce fut chose faite en 1931, et le bar pris le nom du mécène américain. L’établissement d’aujourd’hui, agrandi depuis les temps primitifs, est toujours situé à proximité de la place Saint-Marc et du grand canal. Les grands artistes de l’Europe d’alors passèrent par le bar de Cipriani : Toscanini, Braque, Chaplin, Orson Welles, ce dont témoigne encore le livre d’or. Repris par le fils de Giovanni, le bar continue de perpétuer cette tradition festive et littéraire et d’être l’un des points de repère des artistes de passage à Venise. Du Bellini de Catane au Bellini de Venise, il y a plus que le nom en commun ; également une certaine idée de l’Europe, de la vie, des lettres et de l’esprit.

Cocktail Bellini (c) Wikipédia

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Photo : L'éléphant de Catane (c) JBN

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À propos de l’auteur
Mathilde Legris

Mathilde Legris

Journaliste. Terroirs, histoires, voyages.
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