Bartabas offre au public amateur de spectacles équestres et de musique classique une nouvelle édition de son « Requiem ». La rédaction de Conflits s’est rendue à l’une des représentations.
Après les triomphes du Requiem de Mozart en 2017 et du Sacre de Stravinsky en 2018, Bartabas réalise une nouvelle collaboration, la troisième en l’occurrence, avec La Seine Musicale, associant l’Académie Équestre Nationale du Domaine de Versailles pour revisiter le fameux Requiem de Mozart. Cette création marie l’harmonie sacrée de Mozart et l’élégance de l’art équestre, dans un spectacle exceptionnel sur la Grande Seine, métamorphosée en arène équestre. La pesanteur de la mort et de la grâce s’y unissent dans des variations puissantes.
60 choristes, accompagnés de 12 musiciens du Chœur de Radio France, ainsi que 13 chevaux et 9 écuyers de l’Académie Équestre Nationale du Domaine de Versailles, réalisent une chorégraphie sur l’œuvre composée par Mozart dans ses derniers jours.
20h30, le bruissement excité des spectateurs s’éteint avec la lumière. Les premières notes des cordes mêlées aux bois provoquent immédiatement le tressaillement attendu. La scène est sombre, pesante, contrastant avec l’agilité étonnante de l’Introït. Puis, un cercle de lumière vient éclairer une cavalière au centre. Dans un mouvement parfaitement maîtrisé, elle fait tourner son cheval sur lui-même tout en effectuant des gestes artistiques.
Au spectateur qui se sent invincible dans toute son orgueilleuse humanité, s’oppose la cavalière physiquement liée à son animal que l’on sait mortel. Le cheval concrétise la mort, la chair qui périra, quand la cavalière incarne l’âme destinée à l’éblouissante Rédemption.
Mise en scène intense où est représenté le dénuement du corps défunt. Étonnement, le silence de la douloureuse musique laisse entendre les pas feutrés de l’animal sur le sable. Les sens apprécient spécialement le solo de la soprano Marie Perbost sur le Te decet hymnus.
Tout s’enchaîne ensuite avec une maîtrise et une justesse remarquable. La maîtrise. Sans aucun doute, c’est le mot qui définit le mieux ce spectacle.
Les musiciens ont une maîtrise parfaite de leur instrument, les chanteurs de leur voix vibrante, et les cavalières de leur animal. L’harmonie est parfaite parce que tout est dans la mesure, tout est ordonné par un esprit créateur. Un esprit qui maîtrise sa créativité, des artistes qui maîtrisent leur instrument vivant, l’art ne saurait pas naître d’autre part.
Ce Requiem offre un spectacle européen dans sa plus pure essence, qui allie tradition et transitoire sans avantager l’un ou l’autre. « L’éternel dans le transitoire », c’est ce que le critique d’art Baudelaire appelle la modernité dans son Peintre de la vie moderne. La mise en scène en est pleinement imprégnée. Mieux, la recherche d’équilibre permanent de cette représentation est typiquement française, car que serait l’art français sans l’harmonieux équilibre ?