<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Bangladesh : un géant en ébullition

19 août 2024

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Bangladesh : un géant en ébullition

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Les manifestations qui ont parcouru le pays ont conduit à la démission et à l’exil du Premier ministre Sheikh Hasina. Son remplacement provisoire par le prix Nobel de la Paix Muhammad Yunus ne règle pas les problèmes. Loin d’être un printemps bangladais, ces manifestations ont été organisées par des groupes islamistes avec le soutien de pays extérieurs.

Avec 170 millions d’habitants, le Bangladesh est l’un des géants démographiques de l’Asie du Sud-Est, même s’il est situé entre deux voisins plus grands que lui, à savoir l’Inde et la Chine. Sa pauvreté et sa situation géographique en font une arrière-cour économique de la Chine et un point de vigilance de l’Inde. Les manifestations qui ont traversé le pays sont dues autant à des problèmes intérieurs qu’extérieurs.

Des manifestations pas très spontanées

Tout part d’étudiants qui protestent contre un système politique bloqué dans lequel des emplois dans l’administration publique sont réservés aux descendants de ceux qui ont participé à la guerre d’indépendance contre le Pakistan (1971). Les étudiants demandent la fin de ces quotas et l’ouverture des emplois publics. Le Premier ministre a alors envoyé la police, qui a tiré sur la foule, causant la mort de centaines de personnes. À la suite de quoi, un coup d’État militaire a permis de renverser le Premier ministre, de le remplacer par une figure médiatique mondiale, Muhammad Yunus, dont personne ne sait ce qu’il a fait, mais qui bénéficie d’un élan de sympathie dans les médias occidentaux (il a lutté contre la pauvreté). Les exactions contre les hindous ont été passées sous silence, sauf en Inde où cela a fortement indisposé le gouvernement de Delhi. L’arrivée de Yunus semble avoir résolu tous les problèmes et le chapitre médiatique va pouvoir se refermer sur le Bangladesh, comme il s’est refermé sur les Rohingyas.

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Le gouvernement fait des concessions : il accorde aux étudiants ce qu’ils demandaient. Pourtant, les manifestations ne cessent pas. Entre-temps, la nature des manifestants a changé. Ce ne sont plus de simples étudiants qui protestent, mais des étudiants membres de deux mouvements, le Bangladesh Nationalist Party (Bnp), principal parti d’opposition qui ne cache pas ses penchants djihadistes, et les mouvements de jeunesse du Jamaat-e-Islami, branche bangladaise d’un parti islamique basé au Pakistan. Autrement dit, aux revendications économiques et sociales d’origine succèdent des motivations politiques plus profondes et une prise de contrôle du mouvement étudiant par des partis islamiques.

La main islamiste

Le visage des manifestations change. Des bâtiments officiels sont attaqués : des gares, des postes de police, des ministères ainsi que la résidence du Premier ministre, qui démission et quitte le pays pour assurer sa sécurité. Parmi les manifestants, des drapeaux du jihad international apparaissent.

Les protestations vont plus loin encore. Des statues de celui qui est considéré comme le père de la nation, Mujibur Rahman, sont abattues. Au Pakistan, les médias saluent ces événements, puisque Mujibur Rahman a combattu ce qui était alors le Pakistan occidental pour permettre l’indépendance du Pakistan oriental, devenu Bangladesh (1971). Une lutte pour l’indépendance qui a été menée avec le soutien de l’armée indienne. Les manifestations au Bangladesh ravivent donc l’antagonisme entre l’Inde et le Pakistan.

D’autant que les islamistes prennent le contrôle des manifestations, détournant la violence contre des maisons et des édifices religieux hindous. De nombreux bâtiments sont incendiés, des personnes sont tuées. Aucun chiffre officiel n’a été communiqué sur le nombre de morts, mais cela serait plusieurs centaines de personnes. La révolte sociale devient un conflit religieux et ethnique.

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Les militaires proposent que Yunus devienne Premier ministre intérimaire, ce qu’il accepte à plus de 80 ans. Les partis islamiques obtiennent de siéger au gouvernement.

L’ancienne Premier ministre, Sheikh Hasina, en exil à Delhi, a accusé les services secrets pakistanais d’être à la manœuvre dans ce changement de gouvernement. Elle estime également que les Américains seraient intervenus parce qu’elle a refusé de leur céder l’île de Saint-Martin, qui permet de contrôler le golfe du Bengale. Un golfe dans lequel la Chine a jeté son dévolu tant il est crucial pour l’accès à l’océan Indien.

Yunus est vu comme l’homme des Américains. Déjà en 2007, lors de précédentes manifestations et d’un précédent coup d’État, Hillary Clinton, alors Secrétaire d’État, avait pesé pour que Yunus devienne chef du gouvernement.

L’Inde est particulièrement inquiète par ce changement de gouvernement qui voit des islamistes arriver au pouvoir. Elle tient à ce que le gouvernement demeure laïc, alors que le Bangladesh accueille des dirigeants de mouvements islamistes qui opèrent sur le sol indien. Sans compter l’intervention des services secrets pakistanais (ISI). Les relations entre Delhi et Washington sont ainsi refroidies.

La tectonique des plaques des mouvements démographiques inquiète les pays. Des milliers de personnes, hindous et minorités religieuses, se pressent à la frontière indienne afin de fuir le Bangladesh et les persécutions. En Birmanie, le gouvernement militaire reprend les attaques contre les Rohingyas, en les poussant vers le Bangladesh. Chacun sait ce que ces mouvements de population peuvent donner. Le risque de morts est grand et bien qu’il ait un nouveau gouvernement, le Bangladesh n’a pas résolu ses problèmes politiques.

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À propos de l’auteur
Helena Voulkovski

Helena Voulkovski

Helena Voulkovski travaille sur les risques pays pour un cabinet international d’assurances.
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