<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Baltique, l’OTAN aux portes de Saint-Pétersbourg

16 août 2020

Temps de lecture : 4 minutes

Photo : Le Palais d'Hiver à Saint-Pétersbourg, donnant sur la mer Baltique (c) Pixabay

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Baltique, l’OTAN aux portes de Saint-Pétersbourg

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La constance russe dans la recherche de débouchés sur le grand large dénote un tropisme maritime, remarquable pour un pays que l’on veut souvent considérer comme l’archétype de la puissance continentale. De fait, l’établissement d’un dominium maris dans l’espace baltique a été opiniâtrement recherché et ceci très tôt.

Ivan le Terrible échoua dans cette entreprise et dut rendre en 1583 ses conquêtes baltes à la Suède. Pierre le Grand réussit et régla en 1721 la question de l’hégémonie en mer Baltique au profit de la Russie. En 1809, Alexandre Ier s’empara de la Finlande suédoise. Cette fois la sécurité de Saint-Pétersbourg était assurée. Le recul de la Russie dans la Baltique ne fut occasionné que par la révolution de 1917 et par ses conséquences, l’indépendance des trois provinces baltes et de la Finlande. Il fut cependant effacé par la victoire soviétique de 1945.

Le recul stratégique de la Russie

En 1949, le Danemark et la Norvège choisirent de prendre part à la fondation de l’OTAN ce qui conduisit Moscou à ménager la Suède et la Finlande. Au cours de la guerre froide, la région fut une zone frontière très surveillée entre le monde socialiste et l’ennemi capitaliste tout en demeurant un espace de communication possible avec ces deux derniers États nordiques. L’objectif soviétique fut toujours de favoriser leur neutralité.

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L’effondrement de l’URSS et l’indépendance des républiques baltes souleva trois nouveaux problèmes : 56 % de la capacité portuaire soviétique résidait dans ces pays baltes ; la Russie se voyait confinée au fond du golfe de Finlande ; sa base militaire de Kaliningrad se trouvait enclavée entre la Lituanie et la Pologne. La Finlande et l’Estonie acceptèrent cependant en 1993 de maintenir une zone de haute mer de 3 milles nautiques au large de leurs mers territoriales. Les navires russes purent ainsi rejoindre sans transit la haute mer.

 

Saint-Pétersbourg, premier port marchand de la Baltique

50 000 navires marchands croisent aujourd’hui en mer Baltique et 40 % du commerce extérieur russe y transite. L’Union européenne qui partage plus de 2 200 km de frontières communes avec l’Union européenne depuis l’adhésion de la Finlande (1995) et des États baltes (2004) constitue le principal partenaire commercial de la Russie. La Russie a nécessairement besoin de la Baltique pour exporter ses matières premières, notamment ses hydrocarbures et ses minerais. Son accès aux eaux internationales est d’autant plus complexe qu’elle a souffert de la spécialisation portuaire de l’époque soviétique, qui l’a obligée à utiliser les ports baltes (Klaïpeda, Riga, Tallin, Ventspils) ou ukrainiens (Odessa, Kherson, Sébastopol) jusqu’au début des années 2000.

 

La Russie de Vladimir Poutine – né en 1952 à Léningrad – a cherché à renforcer son indépendance nationale et l’espace baltique a constitué une priorité à l’heure où différents acteurs politiques tentaient de promouvoir l’idée d’une Russie « pont » entre l’Europe et l’Asie. L’embouchure de la Neva, un des plus imposants fleuves d’Europe, est ainsi devenue en une décennie le « Rotterdam de la Patrie ». Les capacités de Saint-Pétersbourg ont été modernisées et dédoublées par cinq nouveaux ports dont Primorsk (2001), Ust-Luga (2001) et Vysotsk (2004). Cet ensemble forme désormais le premier complexe portuaire de la région baltique.

 

La mer Baltique a également été le cadre d’un choix décisif des autorités russes. Le gazoduc sous-marin North Stream, réalisé entre 2007 et 2011, visait explicitement à exporter du gaz dans toute l’Europe sans passer par des partenaires jugés mal disposés (les pays baltes, mais aussi l’Ukraine et la Pologne). Il impliquait de faire de l’Allemagne la tête de pont des exportations russes. Longs de 1 200 km, les tubes de North Stream passent pour un tiers du parcours sur le plateau continental suédois et relient les anciennes cités hanséatiques de Vyborg et de Greifswald. Kiev et Varsovie perdaient ainsi des milliards de dollars. Deux nouvelles conduites doivent être mises en service d’ici 2019, date d’expiration de l’accord russo-ukrainien sur le transit de gaz vers l’Europe. Elles permettraient de réduire de 50 % les coûts de transport de gaz russe par rapport aux coûts de son acheminement via l’Ukraine. Cette entreprise réunit le russe Gazprom, les allemands EON et BAS, la Royal Dutch Shell, l’autrichien OMV, ainsi que le français Engie (ex-GDF Suez).

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La confrontation avec l’OTAN

La progression de l’OTAN a fait de la région un sujet particulièrement sensible pour Moscou, ce qui se traduit par des relations difficiles avec les États baltes entrés dans l’Alliance atlantique en 2004. La Russie rappelle volontiers qu’elle avait pourtant obtenu de l’Alliance en 1997 que ses troupes n’y stationnent pas et de l’Union européenne qu’elle impose aux Baltes de reconnaître la pleine citoyenneté de leurs minorités. Il y a en effet 20 à 25 % de Russes en Estonie et en Lettonie traités en résidents de second rang.

 

La crise en Ukraine a amené les Baltes et les Polonais mais aussi les Finlandais et les Suédois à considérer qu’ils devaient désormais affronter un environnement imprévisible. Leur crainte est renforcée par les confrontations avec l’aviation russe. Après l’avertissement que la Russie répondra par des mesures militaires si la Suède décide de rejoindre l’Alliance, la Finlande vient de rejeter l’idée d’intégrer l’OTAN.

Les Russes observent que depuis deux ans l’Alliance prépositionne du matériel de guerre en Pologne et dans les pays baltes. Des brigades blindées y sont déployées, à 130 km de Saint-Pétersbourg ! En juin 2016, 30 000 hommes dont 14 000 Américains ont été réunis en Pologne dans le cadre des manœuvres « Anaconda ». D’autres exercices ont intégré les pays baltes. Ces opérations préfiguraient sans doute les décisions prises au sommet de l’Alliance, début juillet à Varsovie : renforcement des capacités de l’Alliance et validation du principe consistant à déployer par rotation quatre bataillons en Europe orientale.

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Pour l’opinion russe, ce renforcement militaire agressif de Washington conduit la région au bord de la guerre. Moscou souligne que le gouvernement américain s’est emparé de la crise ukrainienne, provoquée par un coup d’État parrainé par l’Occident, pour amplifier sa présence militaire afin d’isoler, d’encercler et de refouler la Russie dans un espace allant de l’océan Arctique à la mer Noire. Dès lors, en juillet 2015, la nouvelle doctrine navale russe a accordé la priorité au renforcement de la flotte en Baltique avant la mer Noire ou la Méditerranée.

En tout état de cause, la Russie se voit contrainte d’intégrer dans sa réflexion stratégique la présence d’un redoutable fer de lance de l’OTAN aux portes même de Saint-Pétersbourg.

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À propos de l’auteur
Éric Mousson-Lestang

Éric Mousson-Lestang

Ancien directeur de l’Institut français de Kiel sur la mer Baltique, professeur d’histoire-géographie, journaliste indépendant, membre associé de l’IHEDN, Éric Mousson-Lestang travaille sur l’Allemagne et les pays nordiques où il a vécu de longues années.

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