<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Avec Trump II, un changement d’ère pour l’Europe.

10 janvier 2025

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : (Photo by KEN BLEVINS/WILMINGTON STAR-NEWS/USA TODAY NETWORK / USA TODAY NETWORK via Imagn Images/Sipa USA)/8.USATSI_25091466//2412312234

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Avec Trump II, un changement d’ère pour l’Europe.

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Le nouveau mandat de Donald Trump s’ouvre sous le signe des inquiétudes pour l’Europe. Face au retour de l’America first, les Européens vont devoir développer leur sens de la souveraineté. 

Toujours pragmatique, souvent imprévisible, Donald Trump n’a pas de véritable doctrine en politique étrangère. Son fil rouge, identique à celui de sa première présidence (2017-2021) reste « America first », concept populiste résumé en deux mots : protectionnisme, isolationnisme. Quelles que soient ses déclarations de campagne et la nouvelle équipe qui arrivera aux affaires en janvier, la seule préoccupation de Trump sera de défendre les intérêts de l’Amérique, pour la rendre plus forte.

La protection de l’industrie américaine au détriment de l’Europe

L’Europe a du souci à se faire. Sa prospérité et sa sécurité dépendent beaucoup des choix américains, notamment en matière d’économie et de défense. Au nom de la protection de ses fermiers et de ses industriels, Trump a annoncé des hausses significatives des droits de douane, de l’ordre de 10 à 20 %. La pression sur les produits européens va s’aggraver. La remise en cause de certains accords commerciaux et environnementaux devrait fausser le jeu de la concurrence.

Pour les grands exportateurs européens, les secteurs les plus menacés sont l’industrie automobile et chimique, la pharmacie et l’aéronautique (Airbus), les industries innovantes, l’agriculture et l’agro-industrie, les produits de luxe. Même le durcissement de la politique américaine à l’égard de la Chine – Trump parle de 60 % de droits de douane ! – aura un impact direct sur l’Europe. Bloquée aux États-Unis, Pékin voudra écouler ses stocks sur le marché européen. Les négociations s’annoncent âpres. Les conséquences seront pénibles pour les entreprises et l’emploi, notamment dans les pays qui auront tardé à se mettre en ordre de bataille. C’est le cas de la France.

Un surplus des dépenses militaires européennes réclamé par Trump

Un changement d’ère se dessine aussi dans le domaine de la sécurité. Donald Trump reproche aux Européens de ne pas assez contribuer au budget de l’Alliance atlantique. Il réclame « un meilleur partage du fardeau » et attend de ses partenaires une hausse significative de leurs dépenses militaires, jusqu’à 3 % du PIB. Les trois quarts des pays de l’OTAN en sont encore loin. Des choix douloureux s’annoncent, dans une Europe en pleine récession.

Trump pourrait aussi accepter une sorte de compromis, tout à l’avantage de son pays : les États européens aux efforts budgétaires insuffisants seraient absous, mais à condition d’acheter encore plus d’équipements « made in America ». Certains sont déjà pris dans cet engrenage qui broie leur souveraineté industrielle et politique et contribue à enrichir l’industrie militaire américaine. C’est le cas de l’Allemagne et de la Pologne, des pays baltes et nordiques, sagement alignés sous le parapluie américain. Ce chantage à la protection, sous la férule de l’OTAN, ponctionnera encore davantage les budgets militaires de l’UE, au seul profit des marchands d’armes américains, et aux dépens de l’industrie européenne de défense.

La prise de position de Trump concernant l’Ukraine

Le choix de Trump sur l’Ukraine s’annonce lourd de conséquences. En avril, dans une de ses rodomontades de campagne, il s’était dit capable de négocier un accord de paix entre la Russie et l’Ukraine « en vingt-quatre heures ». Il veut aller vite pour tenir sa promesse. Un cessez-le-feu rapide lui permettra de ralentir puis de stopper le soutien militaire américain (90 milliards de dollars depuis février 2022). Trump sait que les contribuables – ses électeurs – s’interrogent sur le bien-fondé de cette générosité à l’égard d’un des pays les plus corrompus de la planète, même si ces fournitures militaires enrichissent aussi l’industrie américaine. Ils attendent que cet argent soit affecté aux nouvelles priorités nationales : l’amélioration du pouvoir d’achat, la baisse des impôts, la lutte contre l’immigration clandestine, le bras de fer avec la Chine.

En se désengageant, Trump se débarrasse du dossier ukrainien. Il le délègue aux Européens, plaçant l’UE devant ses responsabilités, quelle que soit l’issue : si la guerre continue, elle devra assurer le coût du soutien militaire ; si la paix revient, elle devra financer le coût de la reconstruction (700 milliards d’euros). Pourra-t-elle faire face, en pleine stagnation économique, sans marges de manœuvre financières ?

Donald Trump met ainsi les Européens au défi de repenser leurs choix stratégiques de ces dernières années : une ouverture commerciale tous azimuts, la réduction des dépenses militaires, la rupture politique et énergétique avec la Russie, leur soutien à l’Ukraine, « quoi qu’il en coûte ». Plus que jamais, dans l’urgence, l’Europe a besoin d’une « stratégie européenne coordonnée », comme le soulignait dès le 6 novembre le Premier ministre Michel Barnier.

À propos de l’auteur
Frédéric Pons

Frédéric Pons

Journaliste, professeur à l'ESM Saint-Cyr et conférencier.

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