Le château d’Aulteribe est le précieux écrin d’une sublime collection de tableaux et d’œuvres d’art des siècles derniers. Un fabuleux réceptacle qui fait de ce domaine l’un des mieux meublés de France.
Il se dévoile en plein cœur des paysages vallonnés des monts d’Auvergne, dans un environnement boisé, en bordure d’un ravin donnant sur la route de Lezoux-Courpière. Cet authentique château fort du Puy de Dôme, implanté sur les premiers contreforts des monts du Livradois, borde une antique voie romaine qui reliait Bordeaux à Lyon, passage stratégique.
De château fort à logis romantique
Les premières traces du château d’Aulteribe sont mentionnées dès la fin du XIIIe siècle, en 1261. La demeure appartient alors à la famille Cholet. En 1467, elle est fortifiée par Charles Mortier de la Fayette, gendre de Pierre Cholet. Il y érige des archères et des canonnières. À force d’alliances, la seigneurie d’Aulteribe réside dans la famille de Montboissier, par le neveu de Charles, puis dans celle de Beaufort-Montboissier, et ce jusqu’en 1662. À cette époque, Anne-Gabrielle de Beaufort-Montboissier de Canillac apporte la seigneurie en dot à la famille de Montagu. Il semble que celle-ci n’ait pas habité le château.
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Un siècle plus tard, en 1775, la propriété est vendue à ses derniers acquéreurs, la famille de Pierre. Jacques de Pierre prend alors le titre de marquis. Le château médiéval dont il est désormais l’heureux détenteur tombe en ruine. Son petit-fils, Joseph de Pierre, épouse alors Marie Pauline Henriette Onslow, fille du compositeur George Onslow. Diplômé d’agronomie, il décide d’appliquer ses principes physiocratiques et modernes au domaine agricole. Aidé financièrement par sa belle-sœur, Caroline Costoz-Onslow, il entreprend de vastes travaux de restauration et rénove la demeure dans un goût romantique. Le parc et les abords sont également embellis. Caroline Costoz et Marie Clauzel, deux femmes de la famille, enrichissent la collection d’objets d’art, de meubles et de tableaux qu’avaient déjà constituée leurs ancêtres. Henry de Pierre, né en 1871, petit-fils de Joseph, et son épouse Antonia de Smet de Naeyer sont les derniers propriétaires d’Aulteribe, avant que celui-ci ne soit remis à l’État.
Le refuge d’un collectionneur
Le château d’Aulteribe est ouvert au public en 1965. Le souhait d’Henry de Pierre, mort sans descendance, est alors de reconstituer l’esprit et l’atmosphère de la demeure d’un collectionneur du début du XXe siècle.
En 1833, sous l’impulsion de Joseph et Henriette de Pierre, le château médiéval, de plan carré cantonné de quatre tours, bénéficie d’importantes modifications. Une nouvelle façade est édifiée, arborée de mâchicoulis et d’une bretèche ouvrant au-dessus d’une porte gothique. À l’est, la courtine est flanquée d’une tour de plan carré. Le logis sud-est agrandi d’une tour d’angle et d’une poivrière en pierres roses. L’ensemble des salles, sur les deux étages, est réaménagé, et la cour intérieure est pourvue d’une galerie couverte. L’élévation de la façade témoigne du goût pour l’architecture néo-Renaissance et pittoresque de la famille de Pierre. Enfin, devant le château, à l’entrée du parc boisé de 80 hectares, se dresse une petite chapelle néo-romane, dont l’architecture s’inspire de l’art roman auvergnat. La brique associée à la pierre allègue à l’ensemble de charmants effets polychromes.
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Les collections de la famille de Pierre et d’Onslow ne cessent de s’enrichir jusqu’à la fin du XIXe siècle. Elles constituent un étonnant voyage du XVe au XIXe siècle, depuis les fastes des salons jusqu’à l’intimité des chambres. La chambre de René de Pierre, explorateur passionné et cavalier émérite, rassemble, dans une ambiance orientaliste, ses souvenirs de voyage, tels que de multiples objets et bibelots rapportés d’Afrique du Nord : un tapis de prière, un porte-Coran, des fusils, des sabres courbes de marine… Le tout aménagé dans une pièce ornée d’une tente berbère.
Entre autres chefs-d’œuvre, Aulteribe conserve dans sa galerie centrale un exceptionnel portrait du cardinal de Richelieu, peint par l’immense Philippe de Champaigne. Le cardinal portant la croix du Saint-Esprit, qui lui fut conférée le 14 mai 1633, on peut alors supposer que cette toile fut produite après cette date. Elle fait partie de la série « à col noué par des lacets courts », peinte entre 1633 et 1634. De nombreuses autres œuvres picturales témoignent du goût raffiné et sensible de la famille de Pierre. Plusieurs écoles sont représentées : l’école italienne, avec une copie presque parfaite de La Belle Jardinière de Raphaël, l’école du nord avec un portrait en pied du roi Henri IV, peint par Franz Pourbus le Jeune, mais aussi l’école française, avec de nombreux portraits de famille. Sans compter des tapisseries des Flandres et d’Aubusson, ainsi que d’innombrables porcelaines. Enfin, les dizaines de meubles provenant des meilleurs ateliers parisiens des XVIIe et XVIIIe siècles attirent en grand nombre les ébénistes, encore aujourd’hui. Le château d’Aulteribe accueille une formation d’ébénisterie, basée sur la restauration de certains meubles de la collection.