« Aujourd’hui, il n’y a pas d’horizon politique à la guerre. » Entretien avec Mahfouz Mnawar

16 décembre 2023

Temps de lecture : 14 minutes

Photo : Les Palestiniens au milieu des ruines, sur la bande de Gaza. Credit:Mahmoud AJJOUR/SIPA/2310111622

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« Aujourd’hui, il n’y a pas d’horizon politique à la guerre. » Entretien avec Mahfouz Mnawar

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Entretien avec Mahfouz Mnawar, dit « Abu Wissam », responsable des relations libanaises au sein du Jihad islamique palestinien et membre du département politique du mouvement. Il revient sur l’histoire de son parti politique, détaille ses relations avec le Hamas et aborde la situation à Gaza.

Propos recueillis par Pierre-Yves Baillet

Note de la rédaction : Fidèle à sa méthode d’analyse, Conflits estime qu’il est essentiel de connaitre les positions et les discours de toutes les parties d’un conflit, afin d’en mieux comprendre la complexité et partant de le résoudre. La position du borgne, qui ne regarde le monde qu’avec un seul œil et qu’avec un seul point de vue, empêche d’analyser la complexité du monde. Un entretien avec une personne ne signifie pas une adhésion à ses propos et à ses idées. Telle est donc la raison d’être de l’entretien publié ci-dessous : connaître la position de l’un des cadres du Jihad islamique afin de pouvoir comprendre l’action de ce mouvement. Ce texte est donc à lire comme un document et non comme une analyse de la rédaction.

Pouvez-vous présenter votre mouvement, le Jihad islamique palestinien ?

Tout d’abord, c’est un mouvement qui a émergé du peuple palestinien. Ses membres et ses partisans sont Palestiniens, bien que certains Arabes et musulmans aient rejoint aussi le mouvement. Nous sommes peut-être le seul mouvement islamique dont les statuts permettent l’adhésion de chrétiens, à condition de suivre la religion chrétienne. Le mouvement du Jihad islamique est un mouvement djihadiste, qui appartient au peuple palestinien dont la terre est occupée, et il œuvre pour la rendre à son peuple. Le Jihad islamique est un mouvement musulman, mais sa dimension est nationale pour la Palestine. Il appartient à la nation arabe et fait partie de la lutte palestinienne. C’est aussi un mouvement de libération. Le Jihad islamique s’appelait « Mouvement du Jihad islamique en Palestine » pour se différencier des autres mouvements djihadistes lancés dans de nombreux autres endroits. À l’époque, il y avait le Jihad islamique en Égypte, en Afghanistan, mais pour être spécifique, il a été appelé Jihad islamique en Palestine. Il fait partie du mouvement de libération et soutient les causes justes dans le monde, mais son Jihad se déroule uniquement en Palestine occupée.

Votre mouvement accepte-t-il les des membres non musulmans ?

En général, chaque groupe ou faction établit ses statuts et les impose à tous ses membres, avec des conditions d’adhésion. Les chrétiens sont autorisés à nous rejoindre, mais à deux conditions.  Ils doivent connaitre les mœurs et coutumes des musulmans, car il n’a pas de sens de rejoindre un mouvement islamique sans avoir les manières des musulmans. La seconde condition pour un chrétien de rejoindre le Jihad islamique est de respecter les règles du christianisme. Pratiquer sa religion. Même au Liban, nous sommes en relation avec les chrétiens et nous les considérons comme des partenaires. Nous avons des relations avec des partis chrétiens, des membres chrétiens, et nous les considérons comme nos partenaires dans leur position de soutien à la résistance.

Ce n’est pas une question de porter une arme. Aujourd’hui, Farah Omar et Rabih Maamari ne portaient pas d’armes, ils participaient à la résistance avec leur caméra et les actualités, et c’est pourquoi ils ont été tués par la résistance. La question ici est que vous n’avez pas besoin de porter des armes pour faire partie de la résistance. Vous pouvez être caméraman, écrivain, journaliste, vous pouvez être un citoyen normal, mais vous avez votre propre position de soutien à la résistance par la parole, être du côté de la justice est le sommet de la résistance. La question ne concerne pas seulement les armes. Notre prophète a dit : « Vous devez soutenir votre frère oppresseur ou opprimé. » Les gens ont demandé au prophète s’ils comprenaient de soutenir l’opprimé, mais qu’en est-il de soutenir l’oppresseur ? Il a répondu pour l’empêcher d’opprimer les gens, et lorsque vous faites cela, vous le soutenez. Vous devez être du côté de la justice.

À l’instar d’autres mouvements jihadistes, acceptez-vous des combattants étrangers dans vos rangs ?

Vous pouvez trouver quelques étrangers, mais en majorité, ce sont des Palestiniens. Nous nous concentrons sur les jeunes dans les camps pour deux raisons. La première, c’est parce que c’est leur cause. Dans les négociations, le sujet le plus controversé était la cause des réfugiés, donc si la cause des réfugiés était résolue, alors la deuxième étape consiste à mettre fin à ce qui reste de la cause palestinienne, car l’essentiel concerne les réfugiés. Nous parlons ici de 7 à 8 millions de réfugiés palestiniens, répartis dans le monde entier, non seulement au Liban et en Syrie, mais aussi dans certains pays de la région.

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C’est pourquoi la cause des réfugiés doit rester vivante, et chaque réfugié doit sentir qu’il a une responsabilité envers sa cause et son pays, et qu’il doit faire partie de ce projet. La deuxième raison est que lorsque vous avez un tel environnement chez les jeunes Palestiniens au sein de la société palestinienne, lorsque ce sont des membres d’un tel mouvement, cela signifie que vous protégez la société, le camp, les environs, afin de garder le plus grand nombre possible de jeunes Palestiniens loin des mauvais chemins. Un jour il y a eu un incident. On m’a demandé, lorsque j’étais le représentant du mouvement dans le nord du Liban, de remettre deux des commandants du groupe sous l’accusation de complot au Liban. Je les ai remis aux forces de sécurité et j’ai suivi l’affaire du côté libanais. J’ai dit à l’avocat qui suivait le dossier de dire une phrase au juge : « Le Jihad islamique est dans les camps palestiniens, pour organiser les jeunes et les encourager à rejoindre le bon chemin. Nous essayons d’empêcher les jeunes de glisser vers le takfirisme ou la drogue ».

Pouvez-vous expliquer la différence entre le Jihad islamique palestinien et le Hamas ?

Il n’y a pas de différence. Les deux groupes sont connus pour prôner le djihad, tous deux sont islamiques et tous deux suivent le même chemin de résistance contre l’occupation. Au niveau religieux ce sont des sunnites, bien que nous ne fassions pas de distinction entre sunnites et chiites. Les deux luttent contre l’occupation côte à côte, et chacun a son propre public, en lien avec l’école de pensée religieuse du mouvement. Certains leaders du Jihad islamique faisaient partie des Frères musulmans par le passé. Le Jihad islamique a précédé le Hamas dans la voie du Jihad militaire en raison des convictions de certains de ses leaders, dont le Dr. Fathi Al Shokaki. C’est pourquoi nous sommes passés à la confrontation directe, car en tant que musulmans, nous ne pouvons pas attendre les groupes laïques ou ce que nous appelons les partis laïques en Palestine. En tant qu’islamistes, nous devrions faire partie de cette bataille. C’est pourquoi la décision du mouvement du Jihad islamique, était d’être distinct des autres frères des mouvements islamiques, et ensuite, le Hamas nous a rejoints.

Nous ne pensons pas qu’il y ait quelque chose d’unique entre les deux mouvements en termes de religion ou d’objectif. Mais chaque mouvement a ses propres méthodes. Il peut y avoir quelques différences au niveau de la gestion politique. Lorsque le Hamas a publié son document politique en 2016 ou 2017, il a accepté la solution des deux États sans la reconnaissance d’Israël, selon la position du Hamas. Ils ont également rejoint l’Autorité palestinienne en intégrant le Conseil législatif palestinien. Ces choses n’ont pas été faites par le Jihad islamique, car il estime que rejoindre le Conseil législatif palestinien formé après un accord entre l’OLP d’un côté et les Israéliens de l’autre, avec la médiation norvégienne, signifie indirectement reconnaître l’occupation. C’est pourquoi nous avons refusé d’en faire partie, et le mouvement a également refusé le concept de la solution des deux États, car cela équivaudrait à une reconnaissance informelle de l’occupation. Cette différence [entre les deux côtés] est parce que le Jihad islamique estime que la formation d’un État palestinien ou la participation à des institutions palestiniennes devrait se faire sans la participation de l’entité israélienne.

Le Hamas n’est-il pas sûr représenté dans les médias internationaux ?

Lorsque les médias choisissent un titre, ils s’y accrochent jusqu’au bout. Aujourd’hui, nous entendons dans les stations de médias, lorsque je parle d’Al-Jazeera et de ses 10 chaînes, c’est une couverture médiatique énorme pour les Brigades Al-Qassam (branche armée du Hamas), également en raison de la relation entre les Qataris et le Hamas au niveau politique. Aujourd’hui, la chaîne Palestine Today, une chaîne de télévision pour le Jihad islamique, lorsqu’elle parle du terrain, elle mentionne les Brigades Al-Qassam et Saraya al-Quds (branche armée du Jihad islamique), mais dans d’autres médias elle emploie le terme « Brigades Al-Qassam et la résistance ».

Il y a une injustice envers Saraya al-Quds, car nos combattants font les mêmes choses que les Brigades Al-Qassam. C’est pourquoi je dis oui, il y a une injustice, mais lorsque vous menez votre lutte et votre Jihad pour Dieu et pour la terre bénie appelée Palestine, de telles choses deviennent mineures. Mais c’est important pour le moral des individus, des combattants. Imaginez que vous êtes membre ou commandant de Saraya al-Quds, et que vous êtes en position de combat sans rien savoir de votre femme et de vos enfants, car vous êtes loin d’eux. Ce facteur psychologique est atténué lorsque l’on parle de vous dans les médias. Cela n’a rien à voir avec ce qui apparaît le plus, c’est une question de relever le moral de Saraya al-Quds, car nos soldats sont très actifs dans cette bataille et dans toutes les autres batailles. L’occupation réalise parfaitement que Saraya al-Quds n’est pas une branche militaire au hasard, et c’est pourquoi ils ont essayé plusieurs fois de l’intimider et de la détruire. Les médias n’en parlent pas, mais 90% des actions militaires qui se déroulent en Cisjordanie sont des opérations du Jihad islamique.

Décrivez-nous les opérations que mène votre branche militaire, Saraya al-Quds, à Gaza.

Ce sont les mêmes opérations que les Brigades Al-Qassam font. La confrontation d’aujourd’hui a deux aspects, l’un consiste à empêcher l’avancée des troupes ennemies israéliennes avec leurs troupes au sol et leurs véhicules blindés. Sur le terrain, nous menons les mêmes actions que le Hamas. Nous sommes connus pour nos unités d’artillerie, Saraya al-Quds est célèbre pour cela, en particulier pour les tirs de mortiers ciblant occasionnellement les rassemblements militaires et les véhicules militaires israéliens, dans tous les secteurs de Gaza et même en dehors de Gaza. Ce que Saraya a, Al-Qassam le possède aussi. Nous avons les mêmes armes, les mêmes équipements, les mêmes tactiques et nos propres réseaux de tunnels. Les deux factions sont des forces d’élite. Ce sont deux mouvements considérés comme la colonne vertébrale de la résistance palestinienne, non seulement à Gaza, mais dans toute la Palestine.

Quels sont les effectifs de Saray al-Quds ?

Habituellement, ces choses ne sont pas pour la presse et le public, mais nous parlions récemment de 15 000 combattants. Et quand nous parlons des combattants de Saraya al-Quds, nous parlons de ceux formés et équipés pour le combat, nous parlons d’un combattant similaire aux forces d’élite dans les armées classiques. Mais il y a aussi de nombreuses personnes qui sont liées à la logistique, à la préparation, à la fabrication d’armes. En ajoutant le soutien, nous estimons avoir 25 000 combattants dans toutes nos formations. Cela signifie que nous avons une grande puissance. Mais lorsque vous regardez également la bande de Gaza, car certains disent que nous exagérons en disant que nous avons 25 000 combattants et qu’Al-Qassam a 30 000 combattants. Non, ce n’est pas une exagération pour une raison simple.

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Aujourd’hui, lorsque vous parlez de la bande de Gaza, il y a 2,3 millions de personnes qui y vivent, et alors ce n’est pas un grand nombre [en ce qui concerne les combattants]. Si vous voulez comparer au Liban [les 2,3 millions] c’est la moitié du nombre de la population libanaise. Nous parlons de 50 à 60 000 combattants pour le Hamas et le Jihad. C’est un nombre réaliste par rapport au nombre de citoyens. Deux jours avant l’opération Tofan al Aqsa, il y a eu une parade militaire pour Saraya al-Quds pour commémorer la 36e année de la formation du mouvement. Pour la commémoration, 5 000 combattants ont participé à la parade, uniquement à Gaza. Nous ne parlons pas ici de la Cisjordanie, de la Syrie, du Liban, nous parlons uniquement de Gaza.

C’est pourquoi, lorsque vous avez 5 000 combattants faisant partie d’une formation militaire plus importante, cela signifie que c’est 25 % ou moins du nombre total, en plus des gardes, etc. Ici, nous parlons d’un nombre très réaliste, ce qui signifie que si les circonstances le permettent, toutes les personnes de Gaza feront partie de ces mouvements. Une autre chose – et cela n’est plus un secret et nous l’avons annoncé pendant l’agression – il y a des unités féminines, des unités de moudjahidines, et leurs missions sont différentes de celles des combattants, mais elles sont formées comme des combattantes et peuvent défendre leurs quartiers. Elles reçoivent la formation des entraînements masculins, mais aujourd’hui, elles ont plusieurs missions, notamment la surveillance des otages féminines.

L’otage qui a été libérée avec sa fille a déclaré que nous étions sous la supervision des femmes. En tant que musulmans, nous nous préoccupons des sanctuaires, surtout en temps de guerre, les femmes sont en tête pour éviter de révéler les parties intimes, et c’est très important pour nous. Elles les supervisent au niveau médical, de la propreté, du niveau sanitaire et les pourvoient en tous leurs besoins. Elles accomplissent toutes leurs tâches, et c’est la confession des otages israéliens.

Existe-t-il, au Liban, une unité féminine similaire à celle de Gaza ?

Le Liban est un domaine différent. Nous avons des comités de femmes, mais ils ont des missions différentes. Elles travaillent dans la Da’wa (prédication) et la récitation du Coran, œuvrent dans l’assistance sociale et s’occupent des jardins d’enfants. On peut dire que le travail de ces centres est lié à la Da’wa, et non seulement au niveau religieux, mais aussi au niveau éducatif et social. Elles supervisent les jardins d’enfants, pas seulement ceux liés à notre mouvement [le Jihad islamique], car nous avons nos institutions éducatives, mais elles participent également à la formation éducative, sociale et religieuse. Elles ont une présence très spéciale au Liban, et nous les appelons le Comité des femmes du Jihad islamique.

Pour mettre en place et entrainer de telles unités, il faut des moyens financiers importants. Comment votre mouvement se finance-t-il ?

C’est quelque chose que nous ne cachons pas, et nous le disons toujours dans les médias. Notre principal soutien vient d’Iran, car depuis la victoire de sa révolution contre la tyrannie du Shah, les Iraniens sont aux côtés des Palestiniens et prêts à soutenir quiconque est prêt à récupérer ses droits en Palestine. Aujourd’hui, Téhéran est en relation avec le Jihad, le Hamas et même avec des partis laïques.

La question ne concerne pas seulement le soutien aux mouvements islamiques comme le Hamas et le Jihad. Il y a aussi des pays qui autorisent certaines institutions à collecter des fonds et à fournir un soutien, et cela se produit dans de nombreux pays arabes et islamiques. Il y a des États qui ne l’autorisent pas, certains l’acceptent ouvertement et d’autres ferment les yeux. Il y a des pays qui soutiennent, mais ils ne peuvent pas dire qu’ils nous soutiennent. Mais le soutien principal vient d’Iran, et le montant des dons n’est pas faible, mais important, et il y a des institutions productives pour nous qui fournissent nos besoins de base au niveau des provinces et assurent l’autosuffisance.

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Par exemple, en parlant des institutions éducatives, ces institutions ont besoin d’argent pour former, éduquer, et pour les bâtiments, les donateurs aident dans ces domaines, mais vous avez toujours besoin de plus en plus. Aujourd’hui, la chose la plus importante est que le financement vient d’un pays qui ne vous impose pas de conditions. Ils ne nous ont jamais imposé de conditions.  Même parfois, nous avons des positions différentes entre l’Iran et nous. Cela n’affecte pas la relation entre nous et ne pose pas d’obstacles à notre financement. La chose la plus importante (il y a un proverbe chinois : ne me donne pas un poisson, mais apprends-moi à pêcher) est que nous sommes parvenus aujourd’hui à la fabrication d’armes en Syrie, au Liban, en Cisjordanie et à Gaza, en raison de la formation qui a eu lieu en Syrie et en Iran également. Même la Syrie a aidé les mouvements de résistance, en particulier le Hamas et le Jihad islamique.

Sur le terrain, dans le Sud Liban et à Gaza, comment se passe la collaboration entre les mouvements palestiniens, le Hezbollah et l’Iran ?

La coordination se fait en temps de paix et de guerre. Au Liban, nous avons des réunions régulières, et ce qui relie les mouvements de résistance est important.

Mais laissez-moi parler de la relation entre le Jihad islamique et le Hezbollah, ce sont les objectifs, malgré le fait que nous sommes tous deux des mouvements islamiques, mais nos objectifs sont de lutter contre l’occupation. Lorsque l’occupation israélienne était au Liban, nous avions également des unités combattant pour expulser l’occupation du Liban, et ce chemin se poursuit jusqu’à aujourd’hui. La résistance islamique au Liban et le Jihad islamique existent pour ces objectifs, et cela nécessite la continuité de la relation et nécessite des réunions de coordination sur tout ce qui se passe. Aussi au niveau de l’agression contre Gaza, il y a une coordination dès le premier moment sur la manière de faire face à cette agression et sur la manière de réduire l’effet de cette agression. Personne ne sait où les choses peuvent aller, mais il y a une coordination et il y a des salles d’opération communes à tous les niveaux, militairement, politiquement, économiquement, administrativement. Nous avons été très loin dans nos relations avec eux.

Quelles sont vos relations avec l’État libanais et les différents partis politiques ?

Nous ne mettons pas plus de pression sur l’État libanais au-dessus des conditions auxquelles il est confronté maintenant, cela concerne l’agression sur Gaza. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est une position de soutien et le rejet de l’agression au niveau libanais. Dans des conditions normales, oui, il y a des relations, nous sommes sur les territoires libanais et nous travaillons en coordination, je veux dire qu’il y a une communication avec le côté libanais.

Aujourd’hui, lorsque nous mettons le drapeau libanais à côté du drapeau palestinien, c’est parce que nous sommes sur les territoires libanais. Nous nous réunissons dans ce bureau avec des factions palestiniennes et libanaises, certaines parties ne se réunissent pas avec vous, car elles ne peuvent pas tolérer de telles réunions, même certains diplomates au Liban, nous les visitons et ils nous visitent, et nous sommes en relation avec eux, pour les tenir au courant des événements au niveau politique. Mais il y a aussi certaines ambassades, y compris certaines ambassades arabes, qui ne peuvent pas nous recevoir, car nous sommes sur la liste des organisations terroristes des États-Unis. Elles craignent l’administration américaine et non pas nous, car nous avons prouvé, tout au long de notre présence au Liban depuis 40 ans, que nous sommes une faction qui n’a pas de problèmes, ses membres respectent les lois et n’ont pas de problèmes.

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Nous travaillons avec quiconque est prêt à coopérer avec nous, même au niveau de la sécurité, nous travaillons avec l’armée libanaise, le renseignement libanais, la sécurité générale, et même dans tout événement, nous les invitons à participer avec nous, et il y a un grand nombre qui participe avec nous dans toutes nos activités.

Aujourd’hui, en raison de la situation actuelle, on demande à certaines parties libanaises de ne pas participer au ciblage des postes israéliens. Nous disons à ce sujet, nous avons tenu une réunion dans ce bureau et on nous a demandé, en particulier sur ce sujet, et nous avons dit malgré le fait que nous participons au combat, mais nous participons depuis l’intérieur des territoires palestiniens et non depuis le côté libanais, c’est-à-dire que nos combattants entrent en Palestine et combattent l’ennemi israélien depuis la Palestine occupée et non depuis le Liban, cela n’est pas pour mettre la pression sur l’État libanais. Comment entrent-ils ? Les frontières libanaises et syriennes sont ouvertes et personne ne peut nous en empêcher, et la FINUL est là et elle devrait empêcher cela, et ce n’est pas la responsabilité de l’armée libanaise.

L’autre aspect pour l’intérêt du Liban est que les armes à l’intérieur du camp soient dirigées contre l’ennemi israélien qui agresse le Liban, plutôt que d’être une arme inutile utilisée ici et là, et qui menace la stabilité au Liban.

Quelle est la position du Jihad islamique palestinien par rapport à la situation à Gaza ?

Le mouvement du Jihad, avec sa branche militaire Saraya al-Quds, est l’un des principaux participants à cette bataille. Il n’est pas moins important que les Brigades Al-Qassam, que ce soit en termes d’actions, de nombres ou d’armements. Avant la bataille de Toufan al-Aqsa, il y a eu quatre guerres uniquement contre le Jihad islamique, mais il en est sorti plus fort, et son ennemi a été vaincu en acceptant un cessez-le-feu avec les conditions du mouvement du Jihad islamique, malgré toutes les agressions qu’il a subies à Gaza et en Cisjordanie.

C’est pourquoi il est une partie essentielle de la confrontation, même au niveau du lancement de roquettes sur les territoires occupés, aux côtés des Brigades Al-Qassam. Cependant, aujourd’hui, les médias parlent davantage des Al-Qassam, et de nombreuses stations comme Al-Jazeera, avec ses 10 branches, voire plus, nous croyons qu’il y a une injustice envers nos frères de Saraya al-Quds, mais nous en avons l’habitude. Dans tous nos combats contre l’occupation, notre principale préoccupation est de défendre la justice et nous-mêmes ainsi que notre peuple.

Selon vous, comment se terminera le conflit à Gaza ?

Il n’y a pas d’horizon politique, il n’y a pas encore eu d’initiative politique. Les Américains parlaient de l’après-agression et de la gestion de Gaza, mais la résistance est toujours là, et ils ne peuvent pas nous imposer cela, c’est pourquoi l’agression se poursuit et il pourrait n’y avoir aucun cessez-le-feu prochainement.

Netanyahu en particulier, et tout son groupe, seront tenus pour responsables, c’est pourquoi on le considère pour prolonger la guerre. La deuxième chose est que Netanyahu insiste toujours pour entraîner les Américains dans une guerre régionale, et Netanyahu pense aussi que si cela se produit, cela ne durera pas seulement un ou deux mois, mais cela s’étendra sur de longues périodes et pourrait durer des années. C’est pourquoi tout ce qu’il fait aujourd’hui, c’est essayer de prolonger leur temps en dehors de la prison de leur État si elle continue d’exister. C’est pourquoi personne ne peut définir quand cette guerre, ou cette agression prendront fin, et il n’y a pas d’horizon politique pour s’entendre sur quelque chose afin que l’agression puisse s’arrêter.

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Aujourd’hui, la position de Netanyahu est mauvaise parce qu’il a dit que le plafond qu’il a fixé pour arrêter la guerre en mettant fin à la résistance n’a pas eu lieu, et le retour des otages sans condition n’a pas eu lieu. Aujourd’hui, nous sommes le 45e jour de l’agression et il n’a pas réussi à secourir un otage, et ceux qui ont été libérés l’ont été par la volonté de la résistance. Ils essaient de dire qu’ils ont pris le contrôle de plus de 80% du nord [de Gaza], mais hier, des roquettes ont été lancées du nord et ont atteint Tel-Aviv. Les objctifs de cette guerre n’ont pas été atteints, et c’est très difficile à réaliser, l’horizon politique n’est pas là, et il y a un intérêt pour Netanyahu de continuer cette guerre pour se protéger lui-même et sa coalition. Devant toutes ces conditions, personne ne peut définir quand la guerre prendra fin, mais selon nous, celui qui peut arrêter l’agression, ce sont les Américains, ce sont eux qui ont commencé l’agression et ce sont eux qui peuvent l’arrêter, et toutes les tournées que vous voyez du secrétaire d’État Blinken sont les mêmes que les tournées et discours que Condi Rice a faits avec Olmert, que nous sommes devant le travail d’un nouveau Moyen-Orient et que ce travail est difficile et que nous devons le tolérer.

Plus tard, il était clair que celui qui dirigeait la guerre était l’Américain et non l’Israélien. Aujourd’hui, seuls les Américains peuvent dire à Netanyahu que la guerre est terminée et seulement alors la guerre prendra fin et je ne pense pas qu’Israël pourra dire non.

Propos rapporté par Pierre-Yves Baillet, novembre 2023.

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À propos de l’auteur
Pierre-Yves Baillet

Pierre-Yves Baillet

Journaliste indépendant spécialisé sur la géopolitique du Moyen-Orient.

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