Au-delà des élections : Les défis stratégiques du Tchad sous le Président Déby

23 mai 2024

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Photo : Le Tchad et ses voisins. (c) Conflits

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Au-delà des élections : Les défis stratégiques du Tchad sous le Président Déby

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Jeudi 16 mai 2024, le Conseil constitutionnel du Tchad a proclamé les résultats définitifs de l’élection présidentielle qui s’est tenue les 5 et 6 mai. Mahamat Idriss Déby Itno, actuel chef de la junte au pouvoir depuis la mort du maréchal Déby et fils de ce dernier, se succède donc à lui-même et enterre l’idée d’une alternance à la tête du Tchad. Dans ce pays d’Afrique centrale qui n’a pas connu d’élections depuis près de 30 ans, c’est donc un changement sans en être vraiment un. Maintenant que la question de la gouvernance est close, quels sont les défis auxquels va devoir faire face Mahamat Idriss Déby ?

Avec l’annonce des résultats définitifs de l’élection présidentielle survenue le 5 et le 6 mai, le Tchad vient d’élire son président pour la première fois depuis près de 30 ans. Mahamat Idriss Déby Itno, fils du maréchal Idriss Déby tué au combat trois ans auparavant et chef de la junte au pouvoir depuis, se succède donc à lui-même à la tête du Tchad en se faisant élire au premier tour avec plus de 60% des voix. Mais malgré les apparences d’une nouvelle ère politique, Mahamat Idriss Déby fait toujours face à de nombreux défis qu’il va devoir s’atteler à régler. Outre la consolidation de la légitimé de son pouvoir, il doit composer avec l’insécurité qui menace la région, revitaliser une économie fragile et choisir avec soin ses partenariats internationaux pour conforter la place du Tchad comme un acteur politique majeur en Afrique centrale.

Une légitimité contestée

Succédant à son père qui a dirigé d’une main de fer pendant près de trois décennies, la continuité dynastique soulève des questions quant à une véritable transition démocratique. Malgré des élections qui se sont déroulées sans incident majeur, la légitimité du président Déby est remise en question par l’opposition, qui dénonce des irrégularités électorales. Plusieurs de ses concurrents ont en effet déposé des recours auprès du Conseil constitutionnel demandant l’annulation totale ou partielle du scrutin, tandis que l’annonce précoce des résultats provisoires, seulement trois jours après le scrutin, laisse planer le doute sur la fiabilité de ceux-ci.

Certains accusent ces élections d’avoir été une façade pour perpétuer le statu quo, et l’affirmation du chef de la junte comme président élu déçoit forcément les Tchadiens qui espéraient un changement à la tête du pays.

Les risques de contestation et de tensions politiques sont élevés, et Mahamat Idriss Déby devra s’attacher à assurer une gouvernance efficace pour éviter le risque de fragmentation de la société tchadienne. 

Un développement économique à stimuler

Devenu un pays producteur de pétrole en 2003, après plus de 30 ans de prospection par différentes compagnies pétrolières, le Tchad est l’un des pays les plus pauvres du monde, malgré ses importantes ressources naturelles. L’exploitation du gisement de Doba, dans le sud du pays, a généré des revenus ayant permis au pays de connaître une croissance économique. Cependant, le secteur pétrolier représente près de 80% des exportations et 40% des recettes publiques du Tchad, ce qui rend l’économie très dépendante des cours du brut. La baisse des prix du pétrole, comme celle provoquée par la pandémie de Covid-19 en 2020, a ainsi sévèrement touché le pays. La diversification économique est donc une priorité, car elle permettrait de réduire la dépendance au pétrole et de créer des emplois pour la jeunesse tchadienne. Les secteurs économiques porteurs, tels que l’agriculture et le tourisme, doivent être développés pour stimuler la croissance économique. Les investissements dans les infrastructures et l’éducation sont également nécessaires pour améliorer la compétitivité du pays. 

Enfin, la gestion transparente des revenus pétroliers est un défi majeur, car elle conditionne le développement économique et social du pays. L’attractivité du Tchad pour les investissements étrangers dépendra de la stabilité politique et de la transparence dans la gestion des ressources. 

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Le défi de l’insécurité en Afrique sub-saharienne

La sécurité est un défi majeur pour le Tchad, qui fait face à des menaces protéiformes et multifactorielles. Au nord, les territoires sahariens et la Libye sont des zones refuges pour les rebelles du FACT (Front pour l’alternance et la concorde au Tchad) qui combattent le gouvernement tchadien. A l’est, les affrontements au Soudan entre rebelles et forces loyalistes déstabilisent la région frontalière et causent des flux de réfugiés en territoire tchadien. Dans le bassin du lac Tchad, la menace Boko Haram persiste et les affrontements avec les forces tchadiennes sont monnaie courante. Le Tchad est ainsi un des membres de la Force multinationale Mixte (FMM) aux côtés du Nigéria, du Niger, du Cameroun et du Bénin. Toutefois, depuis le coup d’État de juillet 2023, le Niger pourrait contribuer de manière moins active à la lutte contre le terrorisme, obligeant le Tchad à prendre une partie de son « secteur de tir » dans le lac Tchad. De même, la dissolution de la force du G5-Sahel  survenue fin 2023 laisse le Tchad isolé et enlève un cadre de coopération régionale qui favorisait ses actions.

Plus que jamais, le poids de la lutte contre le terrorisme repose sur les épaules des Tchadiens, dont la combativité de l’armée est reconnue, et a qui les partenariats militaires encore subsistants sont profitables.

De nouvelles opportunités diplomatiques

Le Tchad se trouve ainsi face à des enjeux diplomatiques cruciaux, marqués par des changements significatifs dans la géopolitique régionale. Historiquement, le Tchad a été un partenaire de longue date de l’Occident, en particulier de la France, qui a maintenu une présence militaire significative dans la région. Cependant, le départ contraint et récent des troupes américaines du Tchad a ouvert la voie à de nouvelles dynamiques diplomatiques, et le Tchad semble montrer qu’il est prêt à remettre en question ces partenariats de longue date.

La montée en puissance de la Russie comme partenaire potentiel pour le Tchad soulève des questions sur l’alignement international du pays.

Le président Déby se retrouve donc en position centrale, courtisé par plusieurs puissances internationales et doit manœuvrer avec finesse pour choisir des partenariats internationaux qui lui seront profitables sur le long terme. 

Le Tchad et ses voisins. (c) Conflits

Perspectives 

En somme, l’avenir du Tchad repose sur des choix cruciaux qui définiront sa trajectoire politique, économique et sécuritaire. La récente élection présidentielle, bien que controversée, offre au nouveau président une opportunité décisive : persévérer dans la consolidation autoritaire du pouvoir ou offrir des concessions en tendant la main à l’opposition pour achever une véritable transition démocratique et assurer la concorde nationale. Sur le plan économique, le Tchad dispose de ressources considérables qui, bien gérées et réparties équitablement, pourraient transformer la vie de ses citoyens. Une politique d’investissement judicieuse permettant de réduire la dépendance aux exportations pétrolières pourrait stimuler la croissance et réduire la pauvreté.

La position stratégique du Tchad en tant qu’acteur majeur de la lutte antiterroriste régionale est indéniable. En continuant à jouer ce rôle crucial, le pays peut garantir la sécurité de ses frontières et maintenir sa stabilité modèle en Afrique centrale. Mais face aux sollicitations de diverses puissances étrangères, le Tchad doit demeurer vigilant pour préserver son indépendance et son autonomie. En favorisant des partenariats équilibrés et respectueux de ses intérêts, le pays peut bénéficier d’un soutien international tout en préservant sa souveraineté.

Plus que jamais, le Tchad est à un carrefour d’opportunités, que le nouveau président élu doit s’employer à saisir dès à présent.

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Bastien Soler

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