Sous la direction de Guillaume Devin, Franck Petitville et Simon Tordjman, L’Assemblée générale des Nations-Unies, Là où se parle le monde depuis 75 ans, veut nous montrer l’utilité de cette organisation supranationale : l’ONU. Souvent méconnue dans son vrai rôle, et dans le partage de ses pouvoirs en termes de décisions, les trois auteurs nous plongent au cœur de cette institution, l’Assemblée générale et des grandes questions qu’elle a traitées.
L’Assemblée, expression de la communauté internationale
Si le Conseil de Sécurité, où seuls les cinq membres permanent, le P5, disposent du droit de veto, constitue l’aristocratie de la communauté internationale, l’Assemblée générale, où siègent les 193 membres de l’ONU, représente le peuple, chaque membre quel que soit sa taille ou sa population dispose de la même voix. L’Assemblée Générale, l’AG, comme on l’appelle dispose de compétences étendues et son activité est foisonnante.
Certes ses résolutions -contrairement à celles du Conseil de Sécurité, n’ont pas de force contraignante, d’où la réputation qu’elle a d’être une simple tribune. Cela se vérifie d’ailleurs chaque année, lorsque s’ouvre, le troisième mardi de septembre la session annuelle, les grands ténors de la scène internationale prononcent leur discours, rencontrent autant de leurs homologues qu’ils peuvent puis s’en retournent dans leur capitale, laissant l’Assemblée ronronner à son rythme jusqu’à la mi-décembre, son travail s’effectuant désormais au sein de ses six commissions spécialisées.
Cette perception, si elle reflète une partie de la réalité est en vérité caricaturale. Car l’ Assemblée générale n’est pas une tribune quelconque. Malgré toutes ses imperfections, elle est la seule enceinte où s’exprime ce que l’on désigne par communauté internationale. C’est l’unique forum où tous les Etats peuvent s’exprimer, formuler leurs doléances, échanger avec leurs pairs, faire avancer aussi leurs intérêts, ou plutôt ceux de leur région ou de leur groupe. Le groupe africain, fort de ses 54 membres, le sait bien, aucune majorité ne pouvant se constituer sans son assentiment. En fait si le public ou la presse ne retient que la salle de l’Assemblée générale et sa tribune verdâtre, on ignore le plus souvent toute l’activité que déploie cette enceinte par le moyen des nombreux organes subsidiaires, conseils- dont le Conseil des droits de l’homme, commissions, groupes de travail, groupes d’experts. Les débats, les discussions, les négociations se déroulent dans divers formats, sans parler des sessions extraordinaires, se réunissant pour traiter d’un problème urgent ou jugé vital (Proche – Orient, Palestine) soit d’une question sur laquelle l’AG veut attirer particulièrement l’attention, comme ce fut pour l’instauration d’un Nouvel ordre économique international (NOEI), en 1974, après le premier choc pétrolier.
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L’Assemblée, lieu de toutes les négociations
Plus en vue encore sont les Conférences spécialisées, dont la plus célèbre a été peut -être celle de Stockholm en 1972, consacrée à l’environnement, dont est sorti tout un programme d’action, ainsi que le PNUE, le Programme des Nations -Unies pour l’environnement. L’Assemblée générale est d’autre part un forum d’intense activité politique, car elle est en campagne électorale permanente, pour l’élection d’un président de commission, d’un vice -président, d’un rapporteur, de juges à la CIJ, des membres non permanents du Conseil de Sécurité, des membres de l’ECOSOC (Conseil économique et social), des membres des organes subsidiaires -tous postes convoités, car source d’influence et de prestige. L’auteur de ces lignes se souvient lorsque la France a été momentanément écartée de son siège à la Commission des droits de l’homme (devenue depuis Conseil) au profit de l’Ouganda d’Idi Amin ! L’Assemblée générale connaît toutes les formes de négociation, bilatérale, (pour la constitution de coalitions), plurilatéral (entre les groupes politiques et géographiques, qui jouent un rôle important dans l’organisation des débats), multilatéral, (dans les grandes commissions ou en sessions plénières). On procède rarement par vote au sein de l’Assemblée, on préfère le consensus, ce qui demande du temps, de la patience, le sens du compromis, ce qui aboutit, il est vrai à des textes édulcorés. Mais cela présente l’avantage de créer un mouvement, une solidarité, une unité aux yeux de l’extérieur. Pour toutes ces raisons l’Assemblée demeure une institution centrale, irremplaçable de la communauté internationale. Elle seule exprime les courants profonds de la vie internationale, s’y exprime le sens du commun à toute l’humanité.
L’Assemblée, un baromètre de multilatéralisme
Du développement aux droits de l’homme en passant par le désarmement, les migrations les opérations de paix ou la justice internationale, les divergences et les ambiguïtés sont nombreuses, mais l’Assemblée constitue le creuset de références communes. Elle les bâtit session après session depuis 75 ans, non sans contradictions. Certains y croient plus que d’autres. Les postures varient selon les contextes. Mais même les plus critiques ne peuvent pas s’en défaire facilement et tous les Etats y sont attentifs. Une proposition d’un jour peut devenir une convention pour toujours : la vigilance est de mise. L’Assemblée demeure value que vaille le fragile filet qui fait tenir ensemble un monde de différences. Les auteurs réunis ici estiment qu’elle mérite plus qu’un coup d’œil sceptique.
Après avoir décrit en profondeur l’anatomie de l’Assemblée générale (usages et effets politiques, composition, conduite de travaux, consensus et clivages, action normative), les auteurs examinent les grandes questions qui ont été examinées au cours des 75 ans de son existence. En matière de sécurité et de maintien de la paix, elle s’est située dans l’ombre du Conseil de Sécurité, mais elle a parfois son mot à, dire en cas de blocage du Conseil et c’est elle qui approuve le budget des opérations de maintien de la paix. En dehors du maintien de la paix et de la sécurité internationale, l’action de l’ONU depuis sa fondation s’est déployée dans trois domaines. Celui du droit des peuples à l’autodétermination, processus pratiquement achevé, l’essentiel des territoires sous « domination coloniale « ayant accédé à l’indépendance, en dehors du cas de la Palestine, le cas du peuple kurde étant loin de faire consensus. Le troisième volet de l’action de l’ONU a trait à la protection de droits de l’homme, dont le contenu s’est constamment enrichi. Enfin il s’est agi plus tardivement de la protection de l’environnement et du changement climatique.
A bien des égards, l’Assemblée demeure un baromètre du multilatéralisme, aujourd’hui bien décrié et des équilibres mondiaux. Dotée à cet égard d’un « agenda potentiellement illimité », elle statue sur les questions de guerre, de paix, de sécurité, de désarmement, de terrorisme, de droits humains, d’humanitaire, de droit international, de développement, d’environnement, de santé, d’éducation et de culture. Sans pouvoir prétendre au statut de parlement mondial (son lien avec les peuples représentés reste indirect et les écarts de représentation entre les états les plus peuplés et les micro-Etats sont gigantesques). Elle remplit des fonctions parlementaires multilatérales sans équivalent dans d’autres organisations internationales.