L’exécution du Cheikh Al-Nimr par l’Arabie Saoudite, s’explique pour trois raisons essentielles.
En premier lieu, la théâtralisation systématique de la mort de « mécréants » par l’État Islamique a pour effet immédiat de reléguer au second plan les puissances sunnites établies, désormais jugées tièdes par une partie de l’opinion publique musulmane. Celles-ci doivent recourir à la surenchère afin de reconquérir une rue arabe en pleine effervescence.
En second lieu, l’instrumentalisation systématique des différences religieuses par les acteurs de l’État islamique a pour conséquence la multiplication de massacres entre chiites et sunnites sur le sol irakien. Ceux-ci sont en train de se répercuter sur l’ensemble du Moyen-Orient, où ces communautés cohabitaient souvent en paix, et appartenaient parfois aux mêmes tribus.
D’un point de vue géopolitique enfin, les ambiguïtés de la Turquie et de l’Arabie Saoudite vis à vis de Daesh ont placé ces deux pays dans une véritable impasse. Leur tentation est celle de la montée aux extrêmes. De ce point de vue, le fait d’abattre un avion russe ou de supprimer un leader chiite participe d’une seule et même logique. Ces exécutions vont générer à court terme des tensions dans l’ensemble du Moyen-Orient.
Elles auront pour effet immédiat de vivifier les communautés chiites de Syrie, de Bahreïn, d’Irak et naturellement d’Iran dans la mesure où l’Islam chiite repose précisément sur un sacrifice sanglant : celui d’Hossein à Karbala en 680 après J.-C. face aux armées du calife omeyyade Yazid. Dans la religion populaire, Hossein est moins mort pour assurer la victoire terrestre de la religion chiite, que pour gagner à ses fidèles le salut éternel en obtenant de Dieu, en échange de ses souffrances, le pouvoir d’intercession suprême au jour du grand jugement. Pétri de ces récits, le chiisme accorde une place très importante aux rituels de deuil. Dans l’imagination populaire chiite, Al Nimr est devenu le nouvel Hossein. Pour la dynastie des Saoud, les incidences graves à long terme ont semble-t-il moins pesé que la volonté de donner des gages à la population saoudienne et de faire ponctuellement remonter le prix du pétrole afin de constituer quelques réserves financières.
Thomas Flichy de La Neuville
Université de Paris IV – Sorbonne
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