<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Un moteur franco-allemand à gaz pauvre…

26 novembre 2020

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Photo : Emmanuel Macron et Angela Merkel en 2018 à l'occasion du prix Charlemagne © Babiradpicture/120/SIPA Numéro de reportage : 00858519_000016

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Un moteur franco-allemand à gaz pauvre…

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La réconciliation franco-allemande constituait un préalable à la construction européenne. Ensuite, le moteur franco-allemand a contribué à la dynamiser, avant que le déséquilibre croissant entre les deux pays fragilise ce moteur. Emmanuel Macron souhaite le relancer, tel est le sens du traité d’Aix-la-Chapelle qu’il a voulu en imitation du traité de l’Élysée de 1963. Mais Angela Merkel n’est pas Konrad Adenauer et Emmanuel Macron n’est pas le général de Gaulle.

La continuité des relations post-Seconde guerre mondiale

Le traité signé par le président Emmanuel Macron et la chancelière Angela Merkel à Aix-la-Chapelle le 23 janvier a suscité en France, avant même la cérémonie, beaucoup de soupçons : il établirait une sorte de lien de vassalité de Paris envers Berlin. Ces soupçons sont surtout la preuve que la relation franco-allemande, censée constituer le moteur de l’Union européenne, ne va pas bien.

Le traité d’Aix-la-Chapelle est-il susceptible de relancer ce moteur ? En fait, il prend appui sur le traité de l’Élysée du 22 janvier 1963, il le précise, mais il ne crée pas vraiment un nouveau cadre pour la relation franco-allemande. En particulier il ne modifie pas le dispositif institutionnel des rencontres gouvernementales régulières. Et beaucoup de clauses rappellent en fait ce qui existe déjà.

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Sur le plan de la politique extérieure, les deux États « approfondissent leur coopération en matière de politique étrangère, de défense, de sécurité extérieure et intérieure et de développement tout en s’efforçant de renforcer la capacité d’action autonome de l’Europe. Ils se consultent afin de définir des positions communes sur toute décision importante touchant leurs intérêts communs et d’agir conjointement dans tous les cas où ce sera possible ». Cela n’ajoute rien d’essentiel par rapport au texte de 1962, qui déjà mentionnait l’Europe (rappelons qu’il était comme un succédané, à deux, du projet d’Union politique à six – plan Fouchet – qui avait échoué l’année précédente) : « Les deux Gouvernements se consulteront, avant toute décision, sur toutes les questions importantes de politique étrangère, et en premier lieu sur les questions d’intérêt commun, en vue de parvenir, autant que possible, à une position analogue. »

L’importance du domaine militaire

Sur le plan de la défense, le traité d’Aix-la-Chapelle stipule qu’« ils se prêtent aide et assistance par tous les moyens dont ils disposent, y compris la force armée, en cas d’agression armée contre leurs territoires ». Mais ce n’est que la conséquence des traités de l’Atlantique Nord et de Lisbonne, et le préambule de 1963 constatait déjà « la solidarité qui unit leurs deux peuples […] au point de vue de leur sécurité ».

Poursuivons : après s’être promis de « développer […] l’Europe dans le domaine militaire », les deux États « s’engagent à renforcer encore la coopération entre leurs forces armées en vue d’instaurer une culture commune… ». Mais le texte de 1963 était en fait plus précis et exigeant : « Sur le plan de la stratégie et de la tactique, les autorités compétentes des deux pays s’attacheront à rapprocher leurs doctrines en vue d’aboutir à des conceptions communes. Des instituts franco-allemands de recherche opérationnelle seront créés », ce qui est beaucoup plus précis que « culture ».

En ce qui concerne les armements, même vague dans les affirmations du texte de 2019 : « Ils intensifient l’élaboration de programmes de défense communs et leur élargissement à des partenaires. Ce faisant, ils entendent favoriser la compétitivité et la consolidation de la base industrielle et technologique de défense européenne. Ils sont en faveur de la coopération la plus étroite possible entre leurs industries de défense, sur la base de leur confiance mutuelle. »

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En 1963 on était plus précis : « En matière d’armements, les deux Gouvernements s’efforceront d’organiser un travail en commun dès le stade de l’élaboration des projets d’armement appropriés et de la préparation des plans de financement. À cette fin, des commissions mixtes étudieront les recherches en cours sur ces projets dans les deux pays et procéderont à leur examen comparé. Elles soumettront des propositions aux ministres qui les examineront lors de leurs rencontres trimestrielles et donneront les directives d’application nécessaires. » Ce qui n’a pas empêché cette collaboration d’échouer très largement tout de suite, les besoins opérationnels des deux armées étant différents.

L’ambition d’un nouvel élan 

On fait grand cas de cet article du nouveau traité : « Les deux États instituent le Conseil franco-allemand de défense et de sécurité comme organe politique de pilotage de ces engagements réciproques. Ce Conseil se réunira au plus haut niveau à intervalles réguliers. » En réalité, ce Conseil existe depuis 1988 !

En fait, il s’agit de faire enfin vivre ce qui avait végété, à cause de la méfiance des États-Unis, mais aussi du refus allemand de n’être que le brillant second de Paris, c’est-à-dire une coopération politico-stratégique franco-allemande censée conduire l’Europe vers un rôle international autonome. Mais la nouvelle conjoncture va-t-elle suffire à relancer réellement les choses ?

En effet, une divergence au sujet de la conception même de la puissance subsiste. La RFA accorde plus d’importance aux institutions multilatérales et au soft power sous toutes ses formes (l’influence, la persuasion, la négociation, les normes, les sanctions) que Paris, qui a une vision plus traditionnelle de la puissance militaire, encore que la différence paraisse se réduire actuellement.

Ajoutons de façon générale que Berlin ne veut pas entrer dans le jeu français permanent, dont elle comprend bien les arrière-pensées (continuer à jouer un rôle dans le « couple » grâce à la puissance militaire, alors que sur le plan économique la France est distancée, et d’autre part transposer au niveau européen la vision – et les intérêts – français).

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En outre, il reste un point essentiel : les autres membres de l’Union européenne. Il faut que les autres pays, en dehors de la France et de la RFA, trouvent le moyen de s’associer à la construction politico-stratégique européenne. Ça a toujours été la position de Berlin. Le nouveau traité n’échappe pas à une contradiction fondamentale : la coopération franco-allemande étroite a, dès l’origine, été un moteur essentiel de l’Union européenne, mais en même temps elle a toujours suscité la réserve des autres partenaires. Toujours nécessaire, mais en même temps toujours insuffisante. Cela a été l’une des raisons de l’échec relatif du traité de 1963, cela risque fort aussi de limiter les effets de celui de 2019.

À propos de l’auteur
Georges-Henri Soutou

Georges-Henri Soutou

Georges-Henri Soutou est un historien contemporanéiste français né à Genève le 14 août 1943. Il est membre de l'Institut de France.

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