Synthèse du projet d’Yves Bienaimé, créateur du musée, et de l’Aga Khan, son mécène, le Musée vivant du cheval est totalement repensé, depuis maintenant presque un an. L’objectif des concepteurs est d’attirer les foules grâce à une scénographie pédagogique et un décor plus immersif.
Pétronille de Lestrade
Depuis décembre 2022, les nouveautés s’accélèrent. Pour que ce musée devienne Musée de France, il lui faut un certain calibre. Le réaménagement en est encore aux premières étapes, mais le dessein est clair. Ce n’est pas par hasard que les plus belles écuries d’Europe sont ancrées à Chantilly, capitale du cheval. La grande épopée équestre se doit d’être enracinée localement, de manière plus ludique et scientifique.
Il y a dix ans, son Altesse l’Aga Khan refonda le Musée, aujourd’hui de rang international et détenant dans ses trésors des pièces de collection. Désormais, il est accessible au monde du cheval dans son ensemble, ainsi qu’aux néophytes, aux familles et aux curieux. Les démonstrations quotidiennes de Sophie Bienaimé et de ses écuyères continuent de charmer la piste du dôme historique.
« Désirée » est le nom qui attirera petits et grands à Noël. Pièce équestre relue, elle est inspirée du conte de Madame d’Aulnoy, talentueuse plume du XVIIe siècle tombée dans l’oubli. Elle fut à son époque encore plus populaire que Charles Perrault lui-même. Des 20 contes de fées à son actif, la scénariste Virginie Bienaimé a retenu « La Biche au bois » pour le spectacle de Noël de 2023. Dans un langage châtié et humoristique, la conteuse relate les aventures de Giroflée et Longue-Epine, deux précieuses ridicules, en y mêlant tous les ingrédients du conte de fées.
Alors que les trois derniers spectacles étaient plutôt contemporains, celui-ci aura l’avantage de mettre en valeur le côté historique du dôme. Féerie, dôme orné d’une multitude de fleurs, costumes enchevêtrant les époques, une fabuleuse confusion printanière qui offrira au public un souvenir magique. La troupe équestre du Musée est sur les ponts : les trois acrobates, les deux jeunes femmes circassiennes, le cascadeur sont parés pour la quarantaine de représentations qui s’ouvrira début décembre.
Un musée de caractère
Parmi les nouvelles salles du Musée, une imposante maquette des Grandes écuries trône au centre de la première. Au XVIIIe siècle, 240 stalles pouvaient accueillir les montures. Toutes n’étaient pas occupées, afin de laisser de la place aux visiteurs qui se présentaient à cheval. Le dôme fait le point de ralliement des deux longues nefs. La fonctionnalité de cet édifice est étonnante. Il faut rappeler que Louis-Henri de Bourbon a fait construire les écuries en premier lieu pour la chasse. Ainsi, le bâtiment est doté de trois cours. La cour du manège, la cour des remises, qui avait la capacité de loger 40 voitures, et la cour des chenils, qui logeait les chiens de chasse, en font un véritable bijou architectural, en lien intime avec le cheval.
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La salle des équipements est également le fruit d’une amélioration. Sans compter les vitrines abritant des étriers, des mords, des éperons et des fers, des bronzes siègent au beau milieu, analysant la variété saisissante des équipements équestres.
Mais c’est surtout la selle et le métier de sellier que les concepteurs du Musée ont voulu remettre à l’honneur. Une salle entière est consacrée à la selle. Bâtie sur mesure, pour le cavalier et le cheval, la fabrication de la selle requiert un vrai talent. 35 heures de travail sont nécessaires pour assembler des morceaux de cuir et de bois. Une vitrine éclatée a été installée, permettant de constater en détail la composition d’une selle.
La salle suivante est, sans aucun doute, la plus fascinante. Le Musée a mis au jour sa collection unique de selles en tout genre, en recréant une sellerie. 80 selles sont détenues par le Musée, 39 sont présentées au public, tour à tour. L’accrochage est organisé par thématiques, depuis les selles d’amazones, jusqu’aux selles de gauchos qui rappellent le mode de vie des cow-boys d’Amérique latine, en passant par les selles de fantasia reflétant l’art équestre traditionnel marocain. Ce sont de véritables objets d’art, enrichis par les odeurs du bois et du cuir qui envahissent la pièce. Des prêts d’Hermès Sellerie incarnent les trois grandes disciplines olympiques : le dressage, le saut d’obstacles, et le cross. Tous les métiers du cheval y figurent : les artistes, les soldats, les gardiens de bétail, les sportifs.
Mais le chef-d’œuvre de ces collections survient quelques salles plus loin, dans l’ancienne sellerie des écuries : un harnais commandé par le dernier prince de Condé pour le sacre de son cousin Charles X en 1825 à Reims, à l’honneur sur un mannequin équestre géant. Il fait partie de l’attelage d’une riche berline de gala, présentée dans la nef ouest. Les sept autres sont en cours de restauration.
La salle de la vénerie, chère à Chantilly, a été déplacée et repensée, avec le soutien du fonds Vénerie. La forêt de Chantilly est percée d’allées cavalières. C’est le royaume de la chasse à courre. Cet art s’inscrit dans une tradition et dans une histoire, et il est abordé ici sous un angle patrimonial et culturel.
Enfin, la dernière nouveauté est la salle centrée sur les arts du spectacle et du costume. Des panneaux et des mannequins mettent en valeur tous les spectacles produits à Chantilly ces dernières années.