Il y aura Venise et Gênes, les empires hollandais et britanniques ; il y aura les États-Unis bien sûr. Et puis il y eut, au Ve siècle avant notre ère, Athènes, ses deux cents trières, ses Longs Murs et les trois ports du Pirée, les temples du Parthénon construits grâce au tribut des cités alliées, la colline de la Pnyx où se réunissait l’Assemblée et d’où les orateurs pouvaient contempler, au loin, la mer Égée.
C’est tardivement que se révéla la vocation maritime d’Athènes. Après la bataille de Marathon remportée sur les Perses en 490 av. J.-C., la réputation de son armée d’hoplites est à son zénith. Le vainqueur, Miltiade, incarne l’idéal d’une cité de petits propriétaires paysans capables d’acheter leurs armes. La guerre pour eux n’est pas affaire de spécialistes, mais le devoir, mieux, la nature même du citoyen.
L’Attique paraît d’ailleurs une cité de grande taille, près de 4 000 km², dépassée seulement par Sparte, produisant du blé, de l’orge, de l’huile d’olive, du vin… Pourquoi se lancer sur une mer dangereuse que le Grec craint : sa plus grande peur n’est-elle pas de périr dans les flots, sans que les honneurs funèbres soient rendus à son cadavre ? Désarmée sur les flots, Athènes avait même du mal à contrôler le golfe Saronique où Mégare et surtout Égine rivalisaient avec elle.
Naissance de la thalassocratie athénienne
Un événement et un homme changèrent le cours des choses. Vers 483 un nouveau filon particulièrement riche était découvert dans les mines d’argent du mont Laurion. Thémistocle sut convaincre l’Assemblée de consacrer ces revenus à la construction de 200 trières. L’affaire fut vite menée puisqu’elles étaient achevées en 480 lorsque le Roi des rois perse, Xerxès, envahit la Grèce. Athènes fut prise d’assaut, mais femmes, enfants et vieillards s’étaient réfugiés sur l’île de Salamine.
Quant aux hommes, ils s’étaient tous transformés en marins. La flotte était la cité, la cité était la flotte. Et c’est grâce à la flotte qu’Athènes survécut, et aussi grâce à la clairvoyance et à l’habileté de Thémistocle. En 480, la victoire de Salamine installait Athènes au premier rang des puissances maritimes de l’époque.
Restait à libérer les îles et les cités hellènes d’Asie Mineure. Sparte, toujours conservatrice et, contrairement à l’idée reçue, pacifique, se méfiait des expéditions lointaines où ses soldats risquaient de perdre leurs mœurs frugales et austères. Elle laissa aux Athéniens le soin d’achever le travail. La victoire de Mycale, puis les expéditions audacieuses de Cimon, le fils de Miltiade, forcèrent le Grand Roi à accepter la paix de Callias en 449 av. J.-C. Entre-temps Athènes avait suscité en 477 av. J.-C. la ligue de Délos qui rassemblait les cités libérées afin de se protéger contre un retour des Perses.
Commerce, démocratie, empire : la logique de la mer
C’est alors que l’on peut parler d’un Empire athénien, un éclair dans l’histoire du monde, aussi brillant qu’éphémère puisqu’il disparaît dès 404 av. J.-C. Cinquante ans, moins de deux générations, mais en ce court délai le Parthénon et l’Erechthéion, le théâtre tragique et comique, l’enseignement de Socrate et des sophistes… Et, autour de la flotte qui en constitue le bras armé, une économie, une organisation politique, une société, une stratégie militaire, une politique extérieure, une philosophie même qui forment un système cohérent et fixent des règles que tous les Empires maritimes appliqueront peu ou prou.
La flotte est composée de ces trières à trois rangs de rameurs superposés. Athènes en entretient en permanence 200, et le chiffre sera porté jusqu’à 300 lors de la guerre du Péloponnèse. C’est dire qu’elle nécessite 40 000 hommes alors qu’il n’y a que 60 000 citoyens dans la cité. Il faut mobiliser les plus pauvres, les thètes membres de la quatrième classe. Ils toucheront une modeste solde – une obole par jour. La cité fera aussi appel aux métèques [simple_tooltip content=’ Les métèques étaient des étrangers installés dans une cité. Ils sont soumis à un statut particulier, paient des impôts et peuvent être mobilisés en cas de guerre, mais ne participent pas à la vie de la cité.’](1)[/simple_tooltip], aux esclaves et même à des mercenaires en cas de nécessité.
La flotte est indissociable de la démocratie : tous les citoyens servent également à la guerre, il paraît normal que tous participent également aux décisions. Instauré par Clisthène vers 505 av. J.-C., le système démocratique atteint son apogée après les réformes d’Éphialtès et de Périclès. Le pouvoir passe à l’Assemblée et au Conseil ouverts aux membres des quatre classes. Des indemnités sont prévues pour tous, en particulier pour ceux qui siègent comme juges à l’Héliée. Les Athéniens profitent aussi des tragédies et des comédies financées par la cité ou par les plus riches ; ils bénéficient de distributions de blé gratuites ; ils voient leur ville s’embellir et se couvrir de temples. « Du pain et des jeux » devient chez eux « Du pain et de la beauté » : la réputation d’Athènes n’est pas usurpée !
Encore faut-il financer les dépenses de la cité. La démocratie est indissociable du commerce et de l’exploitation de l’Empire. Athènes se spécialise dans certaines productions agricoles, vignes et oliviers, et développe son artisanat – les amphores servent à transporter le vin et l’huile. Périclès lui-même est un « grand propriétaire [simple_tooltip content=’À l’échelle de la cité…’](2)[/simple_tooltip]» qui fait gérer ses domaines par un esclave et en exporte les productions. En retour, Athènes fait venir ses céréales du Pont-Euxin, notre mer Noire, ou de Grande Grèce, notre Italie du Sud – 25 000 tonnes chaque année selon Vincent Azoulay [simple_tooltip content=’In La Démocratie à l’épreuve du grand homme, Armand Colin, 2010.’](3)[/simple_tooltip]. La cité prélève des droits sur ces produits. Le commerce permet aussi l’enrichissement des métèques ainsi que des grands propriétaires terriens qui sont mis à contribution par le système de la chorégie et de la triérarchie – il s’agit de financer une pièce de théâtre ou l’entretien d’une trière.
Le commerce nécessite la protection des trières et le contrôle des routes commerciales. Les clérouquies, territoires annexés et peuplés d’Athéniens, y pourvoient, ainsi la Chersonèse et les îles de Lemnos et d’Imbros qui contrôlent le détroit des Dardanelles. La Ligue de Délos fournit un tribut qui contribue à la richesse d’Athènes. À l’origine, chaque cité alliée devait fournir un contingent de navires afin de contrer un retour en force des Perses. Mais la plupart trouvèrent l’effort trop pesant, leurs citoyens n’avaient aucune envie de connaître la vie pénible sur une trière – imaginez 200 hommes entassés sur un navire de 36 mètres de long et 5 mètres de large, les rameurs entassés sur trois rangs superposés, et cela pendant des traversées qui pouvaient dépasser douze heures ! La plupart des Alliés préférèrent payer un tribut à Athènes pour qu’elle arme sa propre flotte. Ainsi naissent les Empires, de la volonté des uns et de la fatigue des autres. Le tribut est d’abord conservé dans le sanctuaire de l’île de Délos, puis transféré à Athènes. La chouette, la monnaie portant l’image de l’animal favori d’Athéna, est imposée à toutes les cités de l’Empire, probablement en 420 av. J.-C.
Les sommes perçues sont considérables, 460 talents [simple_tooltip content=’Soit environ 12 tonnes d’argent.’](4)[This triggers the tooltip[/simple_tooltip] à l’origine, réévaluées régulièrement par le Conseil à partir de 454 et doublées pendant la guerre du Péloponnèse. Elles permettent d’entretenir la flotte, mais elles sont aussi utilisées au profit de l’embellissement de la cité, ainsi la construction des temples de l’Acropole. De façon très moderne, Athènes concentre ainsi gold power, le pouvoir de l’argent, hard power grâce à sa flotte et soft power par son rayonnement intellectuel. Ce dernier a franchi les siècles et permet de dire que, d’une certaine façon, l’Empire athénien n’est pas mort.
L’hyperextension impériale
Il est une logique de l’impérialisme que Thucydide [simple_tooltip content=’Véritable père de l’histoire et de la géopolitique, Thucydide nous a laissé le récit de la guerre du Péloponnèse dont il voulait faire « un trésor pour l’éternité » (ktêma eis aei).’](5)[/simple_tooltip] a découverte : il ne peut rester immobile, il doit en permanence s’étendre. Rapidement, les Alliés rechignent à payer le tribut, certains se révoltent. Il faut envoyer des percepteurs, des soldats, des colons. Chaque fois le châtiment est terrible : à Mytilène, l’Assemblée athénienne vote la mort de tous les hommes adultes et l’esclavage des autres ; sans doute revient-elle sur sa décision, mais trop tard, le massacre a commencé. Samos est transformée en clérouquie. Égine, « la paille dans l’œil du Pirée », est vidée de ses habitants et peuplée de colons athéniens. Naxos et des dizaines d’autres sont prises et ramenées dans le droit chemin. Pour l’exemple il faut aussi punir les récalcitrants qui se refusent à entrer dans la Ligue. Ce sera le cas de l’île de Mélos dont les Athéniens décideront de tuer toute la population. Ces répressions suscitent des rancunes sur lesquelles insiste Thucydide. Il met dans la bouche de Périclès ce terrible aveu : « Il s’agit […] du danger attaché aux haines que vous avez provoquées. Or cet empire vous ne pouvez plus vous en défaire… D’ores et déjà il constitue entre vos mains une tyrannie dont l’acquisition semble juste, mais l’abandon dangereux. » La fuite en avant impérialiste est fille de la terreur et de la peur.
Elle est aussi fille de ce que les Grecs appellent pleonexia, un terme que l’on peut traduire par cupidité ou désir d’avoir toujours plus. Ainsi faut-il chercher toujours plus loin richesses et alliés. S’ensuivront des expéditions, en général désastreuses, à Chypre, en Égypte et surtout en Sicile où l’armée et la flotte athénienne seront anéanties devant Syracuse.
Cet activisme épuise l’Empire. Il inquiète aussi. Thucydide le montre, l’impérialisme athénien est vécu comme une menace. Cité militariste, Sparte ne souhaite pourtant pas la guerre ; ce sont ses alliées, Corinthe et Mégare, qui se sentent menacées et poussent à l’affrontement. Après une première phase qui se termine par un fragile statu quo, le véritable conflit commence en 431, s’interrompt pendant la paix de Callias, reprend ensuite à l’initiative d’Athènes qui entend mettre la main sur la Grande Grèce. Le désastre de Syracuse n’empêche pas la cité de se reprendre – il s’agit de son fait d’arme le plus remarquable. Elle reconstitue une flotte, remporte plusieurs victoires navales en mer Égée et tient encore plus de cinq ans. Mais en 405 la défaite d’Aegos Potamos scelle son destin. Assiégée par terre et par mer, affamée, Athènes se rend en 404 av. J.-C.
Terre contre mer
Ainsi la mer combat la terre. Comme Thucydide le fait dire à Périclès, le leader incontesté d’Athènes, la première paraît dominer la seconde. Une flotte de guerre, explique Périclès, réclame des techniciens expérimentés, équipage et rameurs, que seule Athènes possède en abondance. Par ailleurs les Longs Murs transforment la cité en une presqu’île imprenable reliée par son port, le Pirée, aux routes commerciales qui l’approvisionnent.
Les premiers temps du conflit lui donnent raison. Les Spartiates et leurs alliés se contentent d’envahir l’Attique à la belle saison, ils pillent les récoltes et s’efforcent d’incendier sur pied les oliviers et les vignes – une tâche plus difficile qu’il ne semble. Tout cela bien sûr irrite les paysans réfugiés derrière les murailles, d’autant plus que les Spartiates prennent soin de ne pas toucher aux domaines de Périclès : la guerre psychologique n’est pas chose nouvelle ! Rien de décisif ne peut cependant résulter d’une telle stratégie. De son côté, Athènes mène des raids sur les côtes du Péloponnèse, les épibates débarquent, pillent et rembarquent dès que les troupes ennemies se mobilisent. Les Athéniens espèrent en fait provoquer une révolte des Messéniens, un peuple grec réduit à l’état de servage par Sparte. Il s’agit d’une crainte permanente des Spartiates qui leur fera commettre leur plus grande erreur : précipiter une garnison dans l’île de Sphactérie, à l’ouest de leurs côtes, où elle sera encerclée par la flotte athénienne et contrainte de se rendre, un déshonneur absolu.
La stratégie de Périclès semble gagnante. Faut-il en conclure avec lui que la mer domine la terre ? Non, car la victoire de Sphactérie reste sans lendemain. D’abord on ne vit pas impunément entassé dans un espace restreint. En 431, la population réfugiée derrière les Longs Murs est frappée par la « peste » (sans doute une épidémie de tuberculose) qui emporte Périclès et de nombreux citoyens. Ensuite, Sparte peut, elle aussi, mener une stratégie périphérique et, passant par la Grèce centrale, menacer les cités de la côte thrace, voire s’approcher de l’Hellespont par lequel passent les convois athéniens. Cette expédition menée par Brasidas de 424 à 422 force Athènes à signer une paix blanche sans tirer profit de la victoire de Sphactérie. Enfin, profitant des déboires athéniens, Sparte se montre capable de monter de toutes pièces une flotte grâce à l’or des Perses : elle achète des navires, recrute des équipages en Phénicie et en Égypte et rivalise avec les Athéniens.
En réalité, la puissance maritime dépend de ses approvisionnements et, pour les sécuriser, il faut bien mettre pied à terre. Toutes les thalassocraties ont été amenées à s’étendre sur les continents, Venise sur la « terre ferme », le Japon en Mandchourie et en Chine, le Royaume-Uni en Inde et les États-Unis en Amérique. C’est alors que la puissance terrestre peut les atteindre comme l’Allemagne a tenté de le faire en lançant l’Afrika Korps vers le canal de Suez afin de prendre le contrôle de la route des Indes, comme Brasidas avait tenté de couper la route de l’Hellespont.
Et puis il ne faut pas oublier que l’impuissance de la phalange spartiate s’explique par la faiblesse, à l’époque, des techniques de siège. Une ville comme Platée, alliée d’Athènes, résiste plus d’un an aux assauts de ses ennemis thébains. Un siècle plus tard, quand la poliorcétique aura inventé des machines efficaces, les Longs Murs n’auraient pas résisté aussi longtemps. Comme toujours à la guerre, les techniques changent et se révèlent décisives ; elles arbitrent le combat entre la mer et la terre comme celui entre l’épée et le bouclier.
Un modèle pour toutes les thalassocraties futures
Athènes est restée le modèle de toutes les thalassocraties impérialistes et démocratiques. Elle l’était pour Ratzel, pour Haushofer, et, bien sûr, pour les Anglo Saxons. L’historien anglais Peter Grote justifiait, dès le début du XIX e siècle, l’empire athénien, y compris la répression contre les cités révoltées ; peu après, George William Cox fait d’Athènes une préfiguration du Royaume-Uni. C’est aux États-Unis que la comparaison avec Athènes atteint son paroxysme. Thomas Paine, l’auteur de Common Sense en 1776 et l’une des plus importantes références de la révolution américaine, écrit en 1791 : « Ce qu’Athènes a été à petite échelle, l’Amérique le sera à grande échelle. L’une fut la merveille de l’ancien monde, l’autre devient l’objet d’admiration du présent [simple_tooltip content=’La formule anglaise, difficile à traduire exactement, est plus expressive : What Athens was in miniature America will be in magnitude.’](6)[/simple_tooltip]. »
Après 1945, l’assimilation avec Athènes ou plus généralement avec la Grèce permet de désigner l’URSS comme la nouvelle Perse ou la nouvelle Sparte selon les cas. Le démocrate Adlai Stevenson, pour lequel Richard Nixon inventa la formule de « crâne d’œuf », est l’un des premiers à opérer cette assimilation en parlant de la « tyrannie spartiate ». Le flambeau est repris aujourd’hui par les néoconservateurs dont beaucoup sont férus d’histoire. Leur chef de file, Ronald Kagan, n’est-il pas le fils de Donald Kagan, un spécialiste de la guerre du Péloponnèse ? Une guerre du Péloponnèse qui les fascine puisque l’un des meilleurs spécialistes actuels, Victor Davis Hanson, lui aussi proche des néoconservateurs, a consacré à ce conflit un ouvrage de référence. Les premières pages donnent le ton : « Jamais peut-être l’étude de la guerre du Péloponnèse n’a été plus importante pour les Américains qu’aujourd’hui. Comme les Athéniens, les Américains sont tout-puissants mais manquent d’assurance. Pacifistes déclarés, ils sont toujours impliqués dans un conflit quelque part. Plus désireux d’être aimés que respectés, ils n’enorgueillissent
de leur rayonnement artistique et littéraire alors même qu’ils sont plus encore adeptes de la guerre. » Car Hanson ne cache pas ce paradoxe qui constitue la hantise des néoconservateurs [simple_tooltip content=’Voir la recension de l’ouvrage de R. Kagan, L’Ordre américain, dans le numéro 1 de Conflits ou
sur le site internet www.revueconflits.com’](7)[/simple_tooltip] : alors qu’ils pensent incarner le progrès, la démocratie et l’enrichissement, ils ne sont pas aimés. « L’opinion publique dans sa grande majorité était favorable aux Lacédémoniens. »
Athènes, ses leçons sont les nôtres
Athènes nous apprend d’abord la force du lien qui unit impérialisme, commerce et démocratie. Le « doux commerce » dont parlait Montesquieu n’est pas ce facteur de paix qu’il espérait. Il a besoin de la force et souvent de la force brutale. C’est ainsi que les émissaires athéniens expliquent posément aux habitants de Mélos pourquoi ils vont les anéantir et combien ils ont raison de le faire – la dialectique n’est pas une discipline réservée à des philosophes perdus dans les nuées…
Autre leçon que nous avons parfois oubliée, l’ouverture ne résulte pas d’un mouvement généreux sur les autres, mais d’un intérêt bien compris. Athènes a attiré de nombreux métèques. Mais en 451 les lois de Périclès restreignent l’accès à la citoyenneté : pour y accéder, il faut avoir deux parents athéniens, un strict droit du sang. Cette décision est prise au moment où sont introduites les indemnités pour les juges de l’Héliée et alors que les distributions de nourriture se généralisent. L’adoption d’une forme antique d’État providence conduit à en restreindre l’accès.
Troisième leçon, l’exploitation de l’Empire profite à tous, mais surtout à de grandes familles patriciennes. Périclès lui-même faisait partie du clan des Alcméonides, l’un des plus puissants de la cité. On pense irrésistiblement à la démocratie américaine dominée par de telles familles – les Roosevelt, Kennedy, Clinton, Bush pour ne citer que les plus connues.
Quatrième leçon, ce qui tue les empires est ce qui les constitue : la nécessité de s’étendre toujours plus. Les empires maritimes sont à la recherche de richesses toujours plus lointaines, de bases toujours plus nombreuses. Non seulement ils s’y affaiblissent, mais ils génèrent des haines de plus en plus fortes que Périclès pressentait. Athènes illustre ainsi les forces et les faiblesses des empires maritimes et démocratiques. D’un côté, la cohésion qu’apporte la démocratie et avec elle l’intéressement de tous à l’impérialisme ; de l’autre les fractures en cas de crise et la capacité à « habiller ses intérêts avec de grands principes » comme le disait le général De Gaulle à propos des États-Unis. La dynamique du commerce et la confiscation des activités à forte valeur ajoutée, mais aussi la quête effrénée des marchés, la compétition permanente et la surextension impériale. La domination de la mer, mais la dépendance envers la terre.
Autant de leçons qui n’ont rien perdu de leur actualité. Sans oublier celle-ci qui nous vient de Thucydide : c’est « une loi de la nature […] que, toujours, le plus fort commande ». Sur mer comme sur terre.