[colored_box bgColor= »#f7c101″ textColor= »#222222″]Cette recension a été publiée dans le numéro 19 de Conflits. Si vous souhaitez acheter ce numéro, rendez-vous sur la e-boutique de Conflits en cliquant ici.[/colored_box]
Et si la France avait, sinon gagné la guerre froide, du moins contribué à ce qu’elle n’accouche pas du pire ? C’est ce qui ressort de l’étude magistrale de Georges-Henri Soutou qui a choisi de revisiter, non pas seulement l’histoire de la confrontation Est-Ouest (qu’il fait judicieusement commencer en 1941, date à laquelle le général de Gaulle s’y invite par effraction alors que la guerre « chaude » est loin d’avoir atteint son point culminant) mais celle du rôle qu’y tint la France.
L’originalité de l’ouvrage est de souligner la continuité de son jeu et non ses disruptions, par ailleurs bien connues, mais finalement secondaires, selon que des majorités atlantistes et pro-européennes (comme sous la ive République), gaullistes (entre 1958 et 1974) ou post-gaullistes tiennent les rênes. Malgré leurs différences, celles-ci auront, globalement, poursuivi le même but : « dépasser la guerre froide dans un nouveau système de sécurité paneuropéen englobant l’URSS et l’Europe de l’Est et en relativisant le conflit idéologique ». Georges-Henri Soutou rappelle les avancées décisives obtenues par la diplomatie française pour désamorcer les tensions : le premier « dégel » initié par Pierre Mendès France en 1954, la politique de « détente, entente et coopération » imaginée par le général de Gaulle, le processus d’Helsinki mis en route par Richard Nixon (qui, en 1969, en avait longuement parlé avec le fondateur de la Ve République) que soutiendront à fond Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing, avant que François Mitterrand ne tente un ultime coup de poker en proposant, juste après la chute du mur de Berlin, la création d’une confédération européenne avec l’URSS. Afin, disait-il dans ses vœux du 31 décembre 1989, que « l’Europe, hier dépendante des deux superpuissances, puisse, comme on entre chez soi, rentrer dans son histoire et sa géographie ».
Passionnantes sont les pages que Georges-Henri Soutou consacre à ce dernier aspect, puisqu’il démontre qu’au-delà de leurs divergences sur la nature politique de la CEE – bientôt transformée en Union européenne par le Traité de Maastricht (1993) – François Mitterrand avait rejoint le général de Gaulle sur l’attendu géopolitique essentiel : profiter de la fin de la guerre froide pour confier aux seuls Européens, dans le cadre d’une structure continentale plus vaste que la « petite Europe » de Bruxelles, la gestion de leurs affaires, à l’exclusion des Américains. En faisant échouer ce projet sous la pression de Washington, Helmut Kohl et surtout le Tchèque Vaclav Havel ne laissèrent subsister en Europe que deux structures de décision intégrées : Bruxelles et l’OTAN. Si la France avait tenu son rang pendant la guerre froide, elle avait échoué à imprimer sa marque au « jour d’après »…
E.B.
[colored_box bgColor= »#DCEDC8″ textColor= »#222222″]Georges-Henri Soutou, La Guerre froide de la France, 1941-1990, Taillandier, 2018, 588 pages, 25,90 euros[/colored_box]
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