Depuis le mois d’octobre, Rabat fait un carton plein diplomatique entre rapprochement avec la France, blanc-seing des États-Unis et alignement du Ghana et du Malawi sur la question du Sahara occidental. Le Royaume chérifien est désormais un acteur de poids dans l’arène africaine. Une opportunité pour Paris.
Fin janvier, Marco Rubio, secrétaire d’État américain, s’entretenait avec Nasser Bourrita, ministre des Affaires étrangères marocain. L’occasion pour les deux diplomates de mettre en avant le partenariat solide entre leurs deux nations et leur volonté de renforcer leur coopération. Difficile de ne pas y voir le renouvellement de la position américaine en faveur de la marocanité du Sahara.
Quelques semaines, plus tôt, c’est le Ghana qui suspendait ses relations avec la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Au sud-est, en Afrique australe, le Malawi réaffirmait quant à lui son soutien à la souveraineté du Maroc sur ses provinces sahariennes. Bref, la diplomatie du Royaume chérifien n’en finit plus de récolter des succès. Un élan en partie dopé par la reconnaissance française de la marocanité du Sahara en octobre 2024 : probablement le plus gros effet majeur de ce dossier avec la reconnaissance des États-Unis en 2020. À présent, tous les voyants sont au vert pour le déploiement de la puissance marocaine en Afrique.
Stratégie marocaine pour l’Afrique
Si le dossier du Sahara est l’un des principales aiguillons de la diplomatie marocaine, il n’est pas le seul. En fait, il complète intimement la projection géostratégique marocaine en Afrique subsaharienne. Le continent est en effet un débouché naturel du Royaume chérifien, du fait de son passé impérial et, naturellement, de sa géographie. On comprendre donc qu’au-delà du prestige et de l’histoire, le contrôle des provinces sahariennes de Seguia el-Hamra et d’Oued Ed-Dahab – imposantes façade atlantique et rampes de lancement vers le « Bilal al Sudan » – constituent un enjeu géostratégique de premier ordre. Un enjeu bien compris par l’Algérie, qui participe à expliquer son jusqu’au-boutisme sur la question.
Quelle est alors la stratégie marocaine de l’Afrique ? Faire du pays une puissance africaine et arabe majeure en devenant un hub commercial et industriel entre Europe, Afrique et Amérique du Sud. La phase préliminaire fut la redynamisation des liens culturels, religieux et économiques entre Maroc et Afrique de l’Ouest ces 25 dernières années. Aujourd’hui, les entreprises marocaines (banque, énergies vertes, BTP) y sont très bien implantées.
Autre axe fort de la stratégie marocaine : développer la connectivité logistique nationale et internationale du pays. D’où des projets logistiques nationaux, comme l’autoroute Tiznit-Dakhla, la ligne de TGV Kenitra, le plan rail Maroc 2040 ou bien le port de Dakhla Atlantique. Ce dernier ambitionne de capter les flux logistiques depuis l’Amérique du Sud et l’Europe à destination de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel. La compétition sera rude alors que ses voisins mauritaniens et sénégalais se positionnent avec des projets portuaires similaires.
Pour parvenir à s’imposer, Rabat doit se montrer plus active dans le développement logistique terrestre intra-africain ainsi qu’entre son territoire et l’arrière-pays africain enclavé. Si des projets transsahariens existent déjà, ils sont encore embryonnaires, et conditionnés en partie au règlement de la question sécuritaire sahélienne. Ajoutons qu’il s’agit d’une condition sine qua non au développement des échanges économiques continentaux. Et a fortiori au développement sain et durable des économies africaines encore marquées, en majorité, par des rentes de matière première sans valeur ajoutée.
On l’a vu, le Maroc réunit actuellement une grande partie des conditions politiques et diplomatiques au succès de cette entreprise. Ne reste plus qu’à la financer. Et dans cette optique, Rabat peut compter sur le soutien de partenaires rapprochés tels que la France ou les Émirats Arabes Unis.
France-Maroc, le partenariat gagnant-gagnant
Ce n’est un secret pour personne, la France subit de plein fouet la concurrence internationale en Afrique francophone. Les raisons sont variées : absence de stratégie claire depuis des années, attaques informationnelles de ses compétiteurs, etc. Remarquons que ces difficultés poussent actuellement Paris à densifier ses partenariats avec l’Afrique anglophone et néerlandophone, zones où elle est, a contrario, de plus en plus demandée. En témoignent les récentes visites des chefs d’État nigérians et angolais à Paris.
Il n’en demeure pas moins que la perte d’influence de Paris dans son ancien « pré-carré » francophone est dommageable en terme sécuritaire, diplomatique et peut-être à moyen terme économique. Dans cette optique, la France compte sur le soutien, voire l’intermédiation du Royaume chérifien pour reprendre pied ou solidifier sa position dans les pays où elle concentre le plus d’hostilité. Une posture assumée le 6 janvier 2025 par le président Emmanuel Macron lors d’une allocution devant les ambassadeurs français. De facto, le rapprochement entre la France et le Maroc est perçu en France comme une source d’opportunités. Comme par exemple, les opérateurs économiques qui ont accueilli avec enthousiasme le renouvellement du partenariat stratégique France-Maroc, conscient de la capacité d’intermédiation des entreprises et banques marocaines su nr de nombreux marchés ouest-africains.
En retour, la France a la capacité de fournir capitaux, savoir-faire technologique (BTP, ferroviaire, aéronautique, etc.) ainsi que son poids international de grande puissance. Un atout d’envergure pour la poursuite de la montée en puissance africaine et internationale du Maroc. Sans parler d’un éventuel appui face à des compétiteurs, tels que l’Algérie ou bien la Turquie et l’Iran de plus en plus présents et agressifs dans la région.
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