Aux débuts de la conquête spatiale dans les années 1960, les lancements de fusées étaient dominés par les grandes puissances étatiques, avec en tête les États-Unis et l’URSS/Russie. Cependant, les deux dernières décennies ont vu un basculement significatif avec l’essor des entreprises privées.
La domination historique des États
De 1960 aux années 1990, la compétition entre les États-Unis et l’URSS pour la suprématie spatiale a dominé le paysage des lancements orbitaux. Cette période, correspondant à la Guerre froide, a vu une course effrénée pour le développement technologique et stratégique. Les données montrent une concentration quasi-exclusive des lancements sous le contrôle direct des gouvernements, avec des institutions comme la NASA ou l’agence spatiale soviétique jouant des rôles prépondérants. La fin de la Guerre froide a marqué une réduction du nombre de lancements, notamment en raison de la dissolution de l’URSS et de la diminution des budgets spatiaux chez les deux puissances mondiales.
Parallèlement, l’Europe, via ArianeGroup, a développé une industrie solide grâce au lanceur Ariane, qui domine depuis les années 1980 le segment des lancements commerciaux de satellites géostationnaires. Cependant, des retards récents concernant Ariane 6 menacent la compétitivité européenne face aux nouveaux acteurs privés américains comme SpaceX. En Asie, la Chine et l’Inde ont également investi dans des programmes spatiaux ambitieux. L’Inde, avec son programme ISRO, s’est imposée comme un acteur low-cost attractif, menant à bien des missions comme Chandrayaan-3 à des coûts bien inférieurs à ceux des pays occidentaux.
La politique spatiale de la Chine : un moteur de croissance
La Chine, avec 67 lancements en 2023, s’impose comme le deuxième acteur mondial (et premier étatique) en termes de volume. Cette performance s’explique par une stratégie étatique ambitieuse et coordonnée, pilotée par la China National Space Administration (CNSA). Le gouvernement chinois investit massivement dans le secteur spatial, avec des ressources consacrées au développement de la famille de lanceurs « Longue Marche », qui constitue l’épine dorsale de ses missions. Ces lanceurs permettent de répondre à des objectifs variés, allant des satellites de télécommunications et de navigation aux missions d’exploration planétaire.
La Chine vise à atteindre l’indépendance technologique dans tous les aspects de l’industrie spatiale. Cela inclut le développement de systèmes propres comme la constellation BeiDou, une alternative au GPS américain. Le pays s’efforce également de devenir un leader dans l’exploration planétaire, avec le programme lunaire Chang’e et des projets pour Mars. L’ambition chinoise ne se limite pas au développement technologique : le soutien aux startups privées, telles que iSpace, Landspace et Galactic Energy, crée un écosystème compétitif, renforçant sa capacité à innover rapidement. Par ailleurs, la Chine joue un rôle actif dans la diplomatie spatiale, cherchant à établir des partenariats avec des pays émergents, notamment en Afrique et en Amérique latine, pour accroître son influence globale.
L’explosion des lancements privés : le cas des États-Unis
Depuis 2010, une nouvelle dynamique bouleverse le secteur : l’arrivée en force des entreprises privées, symbolisée par des acteurs comme SpaceX, Blue Origin, ou encore Rocket Lab. Aux États-Unis, cette révolution a été catalysée par des partenariats public-privés solides, des avancées technologiques comme les fusées réutilisables, et la diversification des missions vers des secteurs comme les constellations de satellites ou l’exploration lointaine. SpaceX, en particulier, a réduit drastiquement le coût par lancement avec la Falcon 9, rendant l’espace accessible à une multitude de clients commerciaux et institutionnels. En 2023, les États-Unis ont réalisé 116 lancements orbitaux, dont 98 effectués par SpaceX, ce qui représente plus de 40 % des lancements mondiaux. Ce chiffre illustre la transition d’un modèle dominé par les gouvernements à une dynamique largement privée.
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