« 2025 Made in China » a atteint la plupart de ses objectifs

28 décembre 2024

Temps de lecture : 6 minutes

Photo : Le président chinois Xi Jingping s'exprime lors de la séance d'ouverture des Dialogues stratégiques et économiques entre les États-Unis et la Chine à la Maison d'État Diaoyutai à Pékin, le lundi 6 juin 2016. (C) Sipa

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« 2025 Made in China » a atteint la plupart de ses objectifs

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Le bilan du programme « Made in China 2025 », lancé en 2015 par le gouvernement chinois, s’affirme comme une réussite majeure dans la transformation industrielle du pays et, potentiellement, dans celle du paysage industriel mondial. Il trace les grandes lignes de la direction que pourrait emprunter l’évolution future de la Chine.

Il y a dix ans, le monde s’engageait dans l’ère de l’Industrie 4.0, tandis que la Chine lançait son ambitieux plan « Made in China 2025 ». Bien que le slogan ait disparu des sites Internet et des médias officiels à la suite de la guerre commerciale de 2018, les intentions de la Chine sont restées intactes. Neuf ans plus tard, une grande partie des objectifs de « Made in China 2025 » a été atteinte, révélant le basculement en cours.

Objectifs de « Made in China 2025 »

Convaincue de son droit du développement, la Chine a affiché très clairement les objectifs pour son plan de 10 ans : transformer la Chine d’une « fabrique du monde » à bas coût en un leader de la haute technologie ; réduire, en même temps, la dépendance aux importations dans des secteurs stratégiques et favoriser l’innovation pour rivaliser avec les grandes puissances industrielles mondiales.

Les feuilles de route détaillées ont été élaborées dans le livre vert pour 10 domaines clés[1] (Cf. plus loin). Le défi était si colossal (10 ans pour couvrir 10 domaines clés) qu’à sa publication en 2015, le livre vert a été perçu par certains comme une forme de propagande. Cependant, après quelques années, les progrès partiels réalisés ont commencé à attirer l’attention des pays, en particulier celle des États-Unis, qui ont désormais pris ce plan très au sérieux.

Résultats obtenus

Le plan s’impose comme un succès indéniable : en une décennie, la Chine est devenue leader mondial dans plusieurs secteurs stratégiques[2]. Une analyse menée en 2024 par le South China Morning Post a révélé qu’environ 86 % des plus de 260 objectifs fixés dans le cadre du plan ont été atteints. Le rapport souligne que certains objectifs, comme ceux liés aux véhicules électriques et aux énergies renouvelables, ont été largement dépassés. Tous les objectifs dans les domaines de la robotique, des machines agricoles, des produits biopharmaceutiques et de l’ingénierie marine ont également été atteints. Certains défis persistent, notamment dans la technologie de photolithographie avancée, les avions de transport de passagers intercontinentaux et les réseaux Internet par satellite à haut débit, qui restent inachevés. Le secteur affichant le taux d’accomplissement le plus faible est celui des nouveaux matériaux, avec un taux d’achèvement de 75 %[3]. Ces avancées n’ont pas échappé à l’attention, notamment celle du sénateur Marco Rubio, pressenti comme futur secrétaire d’État [4].

Étant donné l’ampleur et l’impact de ces résultats, un recensement systématique des réalisations, domaine par domaine, s’avère utile.

Aérospatiale et aviation

« L’industrie aérospatiale chinoise a enregistré une croissance remarquable, illustrée par le développement et la production de l’avion de ligne C919, conçu pour rivaliser avec Boeing et Airbus sur le marché des monocouloirs.

Parallèlement, des investissements massifs dans l’aviation militaire, avec des appareils tels que les chasseurs furtifs J-20 et J-35A, l’avion de transport Y-20 et le bombardier stratégique H-20, ont renforcé les capacités de défense et de projection de la Chine.

La Chine est l’un des leaders mondiaux dans le secteur des drones. DJI est le premier fabricant mondial de drones commerciaux.

En outre, les avancées en exploration spatiale, comme la station spatiale Tiangong et les ambitieux programmes d’exploration de la Lune et de Mars, consolident la position de la Chine en tant que leader mondial de l’innovation aérospatiale. »

Machinerie agricole

Le développement des technologies agricoles intelligentes, telles que les tracteurs autonomes et les drones dédiés à l’agriculture de précision, est particulièrement significatif. La Chine, en tant que l’un des plus grands fabricants d’équipements agricoles au monde, se distingue également comme le premier marché mondial pour les machines agricoles.

Biotechnologie

La Chine émerge comme leader dans la production de vaccins et de biosimilaires avec des avancées significatives dans l’édition génétique (CRISPR[5]) et les biopharmaceutiques [6].

Sont remarquables l’expansion des parcs biotechnologiques et l’augmentation des financements en R&D dans les sciences de la vie.

Véhicules électriques (VE)

La Chine domine le marché mondial des VE, avec des entreprises comme BYD, Nio, et Xpeng devenues des concurrents internationaux.

Les investissements dans les technologies de batteries ont fait de la Chine un acteur dominant dans la chaîne d’approvisionnement des batteries lithium-ion.

Énergie et production d’électricité

La Chine est devenue un leader mondial dans les énergies renouvelables, notamment les panneaux solaires et les éoliennes. Elle garde cette position concernant la technologie du transport à l’ultra haute tension[7]. L’énergie nucléaire se développe très rapidement avec des technologies de réacteurs avancées (ex. : réacteurs Hualong One[8]).

La transition hors du charbon est en cours, ce dernier représentant encore une part significative du mix énergétique chinois.

Trains à Grande Vitesse

La Chine dispose du réseau de trains à grande vitesse le plus vaste et le plus avancé au monde, avec actuellement plus de 42 000 km de voies.

L’exportation réussie de technologies ferroviaires vers des pays comme l’Indonésie (ligne Jakarta-Bandung) démontre l’influence croissante de la Chine dans ce secteur.

La pénétration dans les marchés occidentaux reste faible en raison de préoccupations des facteurs politiques.

Nouveaux matériaux

La Chine occupe une position de leader dans le traitement des terres rares, avec le développement de composites avancés pour les applications aérospatiales et les VE. Elle garde un niveau élevé dans l’investissement dans le graphène et d’autres matériaux innovants pour l’électronique et le stockage d’énergie.

La technologie de production de fibre de carbone à ultra-haute résistance et sa capacité de production en cette matière ont atteint le niveau mondial le plus avancé.

Robots et machines-outils

La Chine est le plus grand marché de robots industriels, avec des fabricants nationaux comme Siasun[9] en forte croissance. Grâce à l’IA et à l’IoT, des solutions de fabrication intelligentes se développent avec une vitesse sans précédent[10].

Semi-conducteurs

Les efforts pour développer des capacités nationales de fabrication de semi-conducteurs (ex. < 7 nm) se sont intensifiés. La part de la Chine en matière de capacité de production de semiconducteurs à partir de nœuds de 28 nm et plus devrait passer de 29% en 2023 à 33% en 2027[11].

Les avancées notables ont été constatées dans la production de puces mémoire par des entreprises comme et Yangtze Memory Technologies Co. (YMTC)[12].

Pour le moment, les sanctions et les contrôles à l’exportation imposés par les États-Unis et leurs alliés limitent momentanément l’accès aux équipements et technologies avancé. Le secrétaire au Commerce Gina Raimondo estime que freiner la Chine dans la course aux puces électroniques est une « tâche ingrate »[13].

Construction navale

Elle est leader mondial dans la production de navires porte-conteneurs, de vraquiers et de méthaniers (LNG). On remarque également sa présence sur le marché des navires à forte valeur ajoutée (ex. : paquebots de luxe). Elle est devenue un concurrent sérieux de la Corée du Sud et du Japon dans les technologies navales de pointe.

La capacité de construction navale de la Chine est 200 fois supérieure par rapport à celle des États-Unis[14].

Nous constatons que la Chine dispose de la capacité remarquable de mobiliser et de concentrer durablement ses ressources sur des objectifs stratégiques. Ce bilan décennal met en évidence une réalité : les sanctions imposées à la Chine se sont révélées inefficaces. Il est donc crucial d’envisager et d’adopter une nouvelle approche, fondée sur la coopération et l’innovation, plutôt que de diviser le monde en deux blocs et de dilapider des ressources déjà limitées.

Y aura-t-il une suite ?

La réponse est affirmative. Cette année, le gouvernement chinois a présenté un nouveau plan ambitieux intitulé « Nouvelle Productivité », qui s’inscrit dans la continuité de l’initiative « Made in China 2025 ». Derrière cette stratégie se cache une réalité incontournable : la Chine est désormais le premier déposant mondial de brevets (38%). Le graphique ci-dessus illustre cette domination, avec la Chine en position de leader dans 29 domaines, contre seulement 3 pour le Japon et 4 pour les États-Unis.

Graphique Chine

[1] Cf. Feuille de route technologique « Made in China 2025 » pour les domaines clés », Comité consultatif stratégique national pour la construction d’une puissance manufacturière, 29 septembre 2015)

[2] Bloomberg, China’s Achieving Growing Clout in Key Made in China 2025 Industries, Oct 30, 2024 (https://www.bloomberg.com/graphics/2024-us-china-containment/)

[3] Zhang, Tong; Peng, Dannie (April 30, 2024). « Made in China 2025: China meets most targets in manufacturing plan, proving US tariffs and sanctions ineffective ». South China Morning Post. Archived from the original on April 30, 2024. Retrieved May 1, 2024.

[4] Cf. Marco Rubio, World China Made, 2025 Made in China, Nine years later.

[5] CRISPR (abréviation de « clustered regularly interspaced short palindromic repeats ») est une technologie utilisée par les chercheurs pour modifier de manière sélective l’ADN des organismes vivants. CRISPR a été adapté pour une utilisation en laboratoire à partir de systèmes d’édition du génome naturels trouvés dans les bactéries.

[6] Aifang MA, LES BIOTECHNOLOGIES EN CHINE : UN ÉTAT DES LIEUX, Fondapol.org

[7] Pour assurer le transport de l’électricité sur des milliers de kilomètres, la Chine s’appuie sur la technologie dite CCUHT (courant continu ultra haute tension, en anglais High Voltage Direct Current (HVDC)), dont la tension dépasse les 800 kV.

[8] Le Hualong-1, ou Hualong-one, aussi connu sous la dénomination HPR-1000, est un réacteur nucléaire chinois de type réacteur à eau pressurisée (REP) d’environ 1 100 MWe.

[9] Siasun Robot & Automation Co. Ltd. est l’un des plus grands fabricants de robotique en Chine.

[10] Les 18 meilleurs fabricants d’équipements d’automatisation en Chine : proposer des équipements d’automatisation personnalisés, EVS

[11] Pascal Coutance, Production de semiconducteurs : l’inexorable ascension de la Chine dans les nœuds matures, ViPress, 26 Oct 2023

[12] Yangtze Memory Technologies Corp (YMTC) est un fabricant chinois de dispositifs intégrés à semi-conducteurs spécialisé dans les puces de mémoire flash (NAND).

[13] Alexander Ward & Asa Fitch, Raimondo Says Holding Back China in Chips Race Is a ‘Fool’s Errand’, WSJ, Dec. 22, 2024

[14] Fabrice Wolf, L’US Navy s’alarme d’une industrie navale chinoise 200 fois plus importante que celle des États-Unis, Meta-Defense.fr, 12 juillet 2023

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À propos de l’auteur
Alex Wang

Alex Wang

Titulaire de deux doctorats (philosophie et ingénierie) et familier des domaines clés de la NTIC, Alex Wang est ancien cadre dirigeant d’une entreprise high tech du CAC 40. Il est également un observateur attentif des évolutions géopolitiques et écologiques.

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