L’extraction minière est en plein essor en Côte d’Ivoire. La conséquence de réformes structurelles engagées depuis 2011 qui témoignent de la diversification de l’économie ivoirienne et du développement de l’industrie.
L’année 2024 a été marquée par la découverte de gisements d’or et d’hydrocarbures en Côte d’Ivoire ou par l’annonce de leurs mises en production. Ces découvertes sont le résultat des réformes structurelles engagées par Abidjan depuis la crise post-électorale de 2011 qui ont créé un climat des affaires attractif pour les investissements étrangers. Elles témoignent de la diversification de l’économie ivoirienne, qui s’articule autour du développement du secteur minier et des hydrocarbures et de l’industrialisation de la production nationale.
De l’export de matières premières agricoles à l’extraction minière
Historiquement, l’économie ivoirienne est essentiellement tournée vers l’export de matières premières agricoles, au premier rang desquelles se trouve le cacao, dont elle assume 45% de la production mondiale. « L’or brun » comptant pour 14% du PIB, le pays est mécaniquement dépendant de la volatilité des cours mondiaux et vulnérable aux conditions climatiques. Il faut y ajouter la place importante que tiennent les cultures de la noix de cajou – 40% de la production mondiale –, du caoutchouc, du coton ou encore du bois.
Depuis l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara en mai 2011, un nouvel accent politique a été mis sur la diversification de l’économie vers le secteur minier. Et pour cause, les sous-sols ivoiriens sont au cœur de la « Birmian Greenstone Belt », vaste zone géographique qui court du Sénégal au Ghana, où abondent les minerais, les terres rares et les hydrocarbures. Les gisements d’or potentiels y sont considérés comme les plus vastes du monde. Ainsi, le nombre de permis d’exploration et de projets miniers a-t-il été multiplié par trois depuis 2012, passant de 9 à 28, tandis que les permis de recherche sont passés de 120 à près de 200 aujourd’hui. L’objectif affiché est de donner à l’industrie extractive un poids de 6% du PIB d’ici 2025.
Les efforts d’exploration des dernières années ont d’abord permis la découverte d’importants gisements pétro-gaziers au large du golfe de Guinée (« Baleine » en 2021 et « Calao » en 2024) avec un potentiel de 6 milliards de barils. Le pays pourrait ainsi devenir un exportateur net d’hydrocarbures d’ici la fin de la décennie. Mais ce sont surtout les découvertes successives de mines d’or qui ont défrayé la chronique. Sur les deux dernières années, des gisements aurifères ont été identifiés à Tanda-Iguéla (ressources estimées à 150 tonnes), à Abujar, à Séguéla, et encore à Koné en mai 2024. Ce dernier site serait le plus grand gisement du pays avec des ressources estimées à 155,5 tonnes d’or et le troisième plus grand d’Afrique de l’Ouest[1]. L’ouverture de ces nouvelles mines a fait bondir la production nationale d’or de 10 tonnes en 2012 à 55 tonnes en 2024, et à 65 tonnes prévues pour 2025.
Un climat des affaires attractif
Si la Côte d’Ivoire est parvenue à se hisser au rang d’acteur incontournable du secteur minier dans la sous-région, c’est d’abord parce qu’elle s’est imposée comme une destination de choix pour les investisseurs étrangers. De 300 millions de dollars investis dans son économie en 2011, ce sont plus de 1,7 milliard qui ont été injectés en 2023. Attirés par des taux de croissance exponentiels depuis dix ans (8,2% entre 2012 et 2019 et 6,5% entre 2021 et 2023) qui ont fait du pays la première puissance économique de l’UEMOA, les grands groupes internationaux investissent prioritairement dans l’industrie extractive et les services financiers. De fait, ils montrent un intérêt croissant pour le potentiel des sous-sols ivoiriens qui restent largement inexplorés, tout comme pour la variété des réserves identifiées de minerais tels que le fer, le manganèse, la bauxite, le diamant, le cuivre, le coltan ou encore le lithium, les deux derniers étant prisés par les industries électriques de la transition énergétique.
Les réformes structurelles engagées par l’administration Ouattara depuis 2011 ont donc porté leurs fruits. Premier gage de confiance, la stabilisation de la situation politique depuis la crise post-électorale a rassuré les investisseurs malgré les tensions sécuritaires à la frontière du nord avec le Burkina Faso et le Mali. Le Président a annoncé cet été que l’engagement des forces armées ivoiriennes avait permis de faire passer l’indice de sécurité du pays de 6,8 en 2012 à 1,2 en 2024. À cela s’ajoutent les bénéfices des différents plans nationaux de développement[2] qui ont notamment permis la construction d’infrastructures routières et portuaires, d’hôpitaux, d’écoles et d’installations énergétiques, et la modernisation de l’appareil d’État. Autant de facteurs susceptibles de retenir l’attention des multinationales[3] et dont la réussite a été saluée par les classements internationaux comme le rapport Doing Business de la Banque mondiale, où la Côte d’Ivoire a gagné 60 places sur les quinze dernières années.
Comme un symbole de son nouveau statut de hub minier en Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire a organisé cette année la première édition du SIREXE, le salon international des Ressources Extractives et Énergétiques. Organisé entre le 27 novembre et le 2 décembre 2024, l’événement a permis la signature de près de 4 000 milliards de FCFA de contrats, soit quelque 6,13 milliards d’euros. En outre, un Fonds d’investissement minier a été créé pour combler le déficit de financement des sous-traitants et des fournisseurs locaux de la filière, tout en accompagnant l’inclusion des communautés locales et la protection de l’environnement.
La transformation économique s’accélère
En novembre dernier, la présidence annonçait le début de la production de la mine d’or de Tanda-Iguéla pour 2028 avec un potentiel de plus de 4 000 créations d’emplois directs et indirects et des investissements à hauteur de 897 millions d’euros. La mise en production d’une mine d’or libère en effet un large potentiel d’opportunités d’affaires pour les acteurs locaux, couvrant les domaines du forage, de l’abattage, de l’acheminement, du drainage, de la gestion des ressources minérales, de l’achat de machines et des réactifs chimiques… Le même phénomène vertueux s’observe dans le secteur des hydrocarbures où le partenariat entre l’Italien Eni et l’Ivoirien Petroci Holding a déjà entrainé des effets positifs pour le développement du pays. Par exemple, la production de gaz du gisement offshore « Baleine » est entièrement destinée au marché intérieur ivoirien et facilite l’extension de l’accès à l’électricité.
L’effort d’industrialisation dans le secteur de l’exploration et de l’extraction minière est aussi à mettre en perspective avec l’ensemble de l’économie. Entre 2015 et 2023, la part du secteur primaire dans l’économie est passée de 18,4% à 14,4% du PIB tandis que la part du secteur secondaire a progressé de 20,4 à 24,5%. Certains secteurs agricoles ont bénéficié de cette dynamique, comme celui de la noix de cajou où la part des produits transformés dans la production totale est passée de 9 à 30 % en dix ans, ou celui du caoutchouc pour lequel la Côte d’Ivoire envisage de transformer l’ensemble de la production d’ici à 2025. Même chose pour la filière du cacao dans laquelle les capacités de broyage de fèves ont été multipliées pour atteindre un taux de transformation de 31%. L’ambition pourrait même s’étendre à la production de chocolat dans les prochaines années, comme en témoigne l’organisation annuelle de la World Chocolate Initiative à Abidjan, dont le thème de 2024 résonne comme un slogan : « De la cabosse à la tablette ».
[1] Sans parler des grandes mines déjà existantes du pays comme Tongon, Ity ou Bonikro.
[2] PND 2012-2015, PND 2016-2020 et PND 2021-2025
[3] À noter par exemple la présence de groupes comme Eni, Barrick Gold, Endeavour Mining, Perseus Mining, Allied Gold, Tietto Minerals, Fortuna Silver Mines…