La Chine en Afrique

14 octobre 2024

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La Chine en Afrique

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Paru en juin dernier, cet ouvrage se révèle particulièrement précieux pour comprendre l’histoire du positionnement de la Chine sur le continent africain. La Chine aujourd’hui, avec son agressivité commerciale et son déploiement militaire a tendance à faire oublier que la volonté chinoise de pénétrer sur le continent africain a commencé dès les années 1950, entre la conférence de Bandung et la fin de la guerre froide.

Xavier AUREGANChine, puissance africaine. Géopolitique de relations sino – africaines. Armand Colin – Juin 2024.

Le temps de l’idéologie

Le positionnement de la Chine était surtout idéologique, en s’appuyant sur les concepts des 3 mondes, surtout après la rupture entre la Chine et l’Union soviétique. Les Chinois ont apporté un soutien évident aux différents mouvements de libération nationale, y compris en Algérie. Les colonies portugaises, mais aussi le Ghana ou l’Éthiopie ont pu recevoir une assistance militaire, sous forme de soutien politique ou de vente d’armes. De la même façon, la médecine chinoise qui a été valorisée sous la période maoïste sous la forme des médecins aux pieds nus, a pu connaître un certain succès sur le continent.

L’arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping a pu infléchir cette politique et des acteurs étatiques comme privés ont pu conduire des actions de soutien au développement sur différents pays d’Afrique, y compris francophone, comme la république du Congo ou la Côte d’Ivoire. Le groupe sinochem a été particulièrement actif avec la création de centres de recherche spécialisée dans l’gros industrie. En Côte d’Ivoire le groupe a fait le choix dans ce pays connu pour le café et le cacao de développer la culture de l’hévéa. L’auteur développe dans cette partie quelques éléments particulièrement intéressants sur les manœuvres de la Chine populaire faisant pression sur les pays africains qui avaient pu reconnaître diplomatiquement la Chine de Taïwan. Une carte particulièrement intéressante des pays qui ont pu successivement reconnaître « les deux Chine ». On y trouve l’Éthiopie ou le Niger, mais également le Burkina Faso ou l’Afrique du Sud.

Le temps du développement

La 2e partie intitulée : « les 30 glorieuses de la Chine en Afrique », montre comment l’empire du milieu a pu se livrer à une véritable politique que l’on peut qualifier de prédatrice sur les ressources du continent africain. La soif de pétrole pour assurer le développement économique du pays s’est traduite par une véritable « guerre du feu » entre les compagnies pétrolières chinoises et américaines. Progressivement les échanges entre matières premières venues d’Afrique les produits manufacturés venus de Chine ont été déséquilibrés en faveur de ces derniers, ce qui permet de qualifier la Chine de « prédateurs commerciales ». Évidemment l’auteur aborde avec de très nombreux chiffres et détails les prêts chinois en Afrique que l’on a pu qualifier de toxiques. La Chine pèse selon les différentes évaluations entre 24 % et 40 % de la dette extérieure africaine. Au passage il n’est pas évident d’avoir des chiffres précis à propos de ces investissements.

Au-delà des prêts ce sont plutôt les contrats de prestations qui permettent à la Chine d’être un acteur incontournable du développement économique du continent.

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L’offensive des routes de la soie

La 3e partie aborde bien évidemment les routes de la soie, le grand projet de développement annoncé par le président Xi Jiping au Kazakhstan en 2013. 10 ans plus tard 149 pays sont membres du programme des « nouvelles routes de la soie », un moyen particulièrement efficace parce que bien souvent non assorti de conditionnalités pour s’imposer sur le plan économique comme politique. La seule condition posée est le principe de la Chine unique. Les prêts sont attribués même si la rentabilité des investissements peut apparaître sujette à caution.

L’empire du milieu s’impose très clairement s’impose très clairement comme un acteur du développement des infrastructures sur le continent. Un programme de 360 milliards de dollars a été lancé pour le financement. La Chine réalise d’ailleurs sur le continent le car de ses prestations à l’international.

La question des infrastructures portuaires et bien évidemment abordée puisque ce sont 26 états africains qui sont concernés par des implantations chinoises sur les ports. Les parts de la Chine dans le capital peuvent représenter jusqu’à 50 %, voire 60 % en Égypte.

La Chine a pu également tirer profit de la pandémie du covid 19 pour développer une diplomatie sanitaire, celle des masques et des vaccins.

De façon pratique cela se traduit par une présence physique de ressortissants chinois sur l’ensemble du continent africain, des travailleurs liés aux entreprises du pays d’origine, considérés comme des expatriés. Il semblerait que leur chiffre tourne autour de 420 000 ressortissants. Le Nigéria, pays pétroliers, en accueillerait plus de 100 000. On notera également la présence de « vieux chinois », de la diaspora constituée à Madagascar qui représenterait 60 000 personnes.

Parmi ces migrants on trouve également de multiples investisseurs qui développent des activités de distribution souvent liée aux installations portuaires, en Afrique.

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On terminera cette recension par une rapide présentation du rôle sécuritaire et militaire chinois en Afrique. C’est l’Algérie qui représente à elle toute seule plus de 20 % des ventes d’armes chinoises sur le continent, mais il ne faut peut-être pas y voir une affinité idéologique puisque le Maroc représente près de 10 % de ce chiffre. Si l’on connaît bien les sociétés militaires privée russe, on apprend qu’en Afrique du Sud, comment l’Égypte, en Tunisie comme en Libye, mais également en Ouganda, en Centrafrique et au Nigéria, on peut trouver des équivalences chinoises. D’après l’auteur ces compagnies de sécurité privée ont pour fonction d’assurer des missions de protection des infrastructures et des entreprises chinoises sur le continent.

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Pour terminer l’implantation des instituts Confucius sur la totalité du continent africain à l’exception de l’Algérie, de la Libye, du Niger et du Soudan du Sud montre que la dimension du soft power n’échappe pas aux stratèges chinois qui envisagent très clairement de réorienter l’évolution et le développement du continent dans le sens des intérêts de l’empire du milieu.

Sommaire de l’ouvrage

Première partie. Entre Chine et Afrique : une  longue histoire… d’aujourd’hui

  1. Le temps de l’idéologie
  2. Le temps des « deux Chine » en Afrique
  3. Le temps des réformes chinoises en Afrique

Deuxième partie. Les « Trente Glorieuses » de la Chine en Afrique

  1. L’évolution des échanges commerciaux sino-africains
  2. L’aide au développement et les prêts chinois en Afrique
  3. En Afrique, la Chine investit peu, mais s’investit beaucoup

Troisième partie. Le Temps de Xi Jinping et des nouvelles routes de la soie

  1. Les nouvelles routes de la soie, une « nouvelle ère » sino-africaine
  2. Les Chinois en Afrique : atomisation, diversité et conflictualité
  3. La Chine dans le laboratoire africain

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À propos de l’auteur
Bruno Modica

Bruno Modica

Bruno Modica est professeur agrégé d'Histoire. Il est chargé du cours d'histoire des relations internationales Prépa École militaire interarmes (EMIA). Entre 2001 et 2006, il a été chargé du cours de relations internationales à la section préparatoire de l'ENA. Depuis 2019, il est officier d'instruction préparation des concours - 11e BP. Il a été président des Clionautes de 2013 à 2019.
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