Depuis le début de 2024, la présence russe en Libye s’est accélérée. La Russie y a transféré de nombreux mercenaires, des instructeurs, des armes ainsi que des équipements et des véhicules militaires. Ces livraisons sont principalement à destination de la Cyrénaïque et du Fezzan, dans les zones contrôlées par le maréchal Haftar. Ce retour marqué de la Russie en Libye n’est pas anodin puisqu’il s’inscrit dans une dynamique plus large de projection de son influence en Afrique du Nord et au Sahel.
Emma Viglino. Cet article est issu de son mémoire de master 2 « La stabilité régionale en Afrique du nord et au Sahel depuis 2011, au défi de la sécurisation des frontières libyennes », Science Po Aix, 2022-2023
Introduction
Depuis le début de l’année 2024, la présence russe en Libye s’est accélérée de manière notable. Selon le projet d’enquête du média All Eyes on Wagner, la Russie a transféré depuis plusieurs mois de nombreux mercenaires, des instructeurs, des armes ainsi que des équipements et des véhicules militaires en Libye. Ces livraisons sont principalement à destination de la Cyrénaïque et du Fezzan, dans les zones contrôlées par le maréchal Haftar. En parallèle Moscou semble s’engager activement sur la scène politique intérieure libyenne. Cela s’illustre notamment par la réouverture de son ambassade à Tripoli en février 2024 et par la multiplication des rencontres officielles avec les autorités libyennes des deux camps.
Ce retour marqué de la Russie en Libye n’est pas anodin puisqu’il s’inscrit dans une dynamique plus large de projection de son influence en Afrique du Nord et au Sahel. Cet article propose donc de déterminer le rôle des frontières libyennes dans la stratégie russe tant sur le plan militaire que dans sa quête d’influence régionale. Il s’agira pour cela de retracer l’historique des relations russo-libyennes et de faire l’état des lieux des espaces frontaliers au sud de la Libye.
Historique des relations russo-libyennes
Les relations entre la Russie et la Libye ne sont pas nouvelles. Sous le régime de Mouamar Kadhafi, les liens diplomatiques étaient particulièrement solides. À son arrivée au pouvoir en 1969, ce dernier a immédiatement cherché à transformer son pays en une puissance régionale influente. Pendant cette période de bouleversements internationaux marquée par la guerre froide, la Libye s’est alors tournée vers l’Union soviétique, dirigée par Leonid Brejnev, pour trouver un soutien militaire et politique. L’URSS a d’ailleurs été le tout premier acteur à reconnaitre le régime du colonel Kadhafi. La politique de nationalisation des ressources pétrolières en 1970 éloignant les entreprises américaines et européennes de la Libye a également attiré l’attention du secrétaire du parti communiste soviétique de l’époque, qui cherchait à renforcer l’influence soviétique en Afrique du Nord.
La coopération militaire a été un aspect central du rapprochement entre les deux États dans les années 1970.
L’URSS a été l’un des principaux fournisseurs d’armes de la Libye, lui permettant d’acquérir une large gamme d’équipements militaires soviétiques tels que des chars, des avions de combat, des missiles et des systèmes de défense aérienne. L’Union soviétique a également envoyé de nombreux conseillers et formateurs à destination des forces armées libyennes. Enfin, en 1974, un accord de défense majeur a été signé entre les deux dirigeants, garantissant l’assistance soviétique en cas de conflit. Sur le plan économique, les échanges commerciaux se sont intensifiés notamment via l’exportation du pétrole libyen en direction de l’URSS. Leonid Brejnev a également aidé à financer de nombreux projets d’infrastructure en Libye, notamment dans les domaines de l’agriculture, de l’énergie et du transport. Des ingénieurs soviétiques ont par exemple contribué à la construction de barrages et à l’amélioration des systèmes d’irrigation, soutenant ainsi les ambitions de Kadhafi de moderniser l’économie libyenne. Sur le plan politique enfin, les deux pays ont partagé des intérêts communs dans leur opposition à l’impérialisme occidental et ont souvent aligné leurs positions sur les questions internationales. La Libye servait également de relais pour les intérêts soviétiques en Afrique et au Moyen-Orient. En retour, l’URSS soutenait les initiatives libyennes sur la scène internationale et a même fourni une couverture diplomatique à Kadhafi contre les critiques occidentales. Cette alliance a marqué le début d’une coopération stratégique importante entre les deux nations, bien que les relations se soient légèrement atténuées après la mort de Brejnev et la dissolution de l’URSS.
Dans les années 2000, l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, qui partageait la même aversion à l’encontre de « l’Occident impérialiste » que Kadhafi, a redonné à la coopération russo-libyenne une nouvelle dynamique.
Les années 1990 ont été marquées pour Kadhafi par un isolement international en raison des sanctions imposées par les Nations Unies à la suite de l’attentat de Lockerbie. De son côté, Moscou émergeait d’une décennie de turbulences économiques et politiques et Vladimir Poutine cherchait à rétablir et à renforcer la présence russe sur la scène internationale. Les années 2000 ont donc vu une série d’accords économiques et militaires significatifs entre la Russie et la Libye. La visite officielle de Vladimir Poutine en Libye en 2008 marque un tournant historique durant laquelle la Russie a notamment annulé la dette libyenne de 4,5 milliards de dollars en échange de nouveaux contrats pour les entreprises russes en Libye. Les livraisons d’armes russes à la Libye se sont également intensifiées, tout comme la formation de nombreux officiers libyens en Russie, qui pour certains, servent encore aujourd’hui au sein de l’armée ou de l’ANL (Armée nationale libyenne). Le maréchal Haftar avait d’ailleurs lui-même déjà bénéficié d’une formation à l’école de l’état-major soviétique à Moscou en 1978 et en 1983.
Dynamiques de l’influence russe en Afrique
Si les liens historiques entre la Libye et la Russie sont le fait de relations interpersonnelles entre les dirigeants, leur rapprochement est aussi la conséquence du vide sécuritaire laissé par d’autres puissances globales dans la région.
Absorbés par le Moyen-Orient, les décideurs américains ont négligé l’Afrique du Nord durant plusieurs décennies. Malgré un bref regain d’intérêt après les soulèvements de 2011, celui-ci a considérablement diminué dès la fin de l’administration Obama et a quasiment disparu sous l’administration Trump, se poursuivant depuis l’arrivée de Biden. Ce désintérêt américain a alors permis à d’autres acteurs de prendre pied dans la zone, notamment la Russie.
Pour Moscou, la Libye est à la croisée de plusieurs vecteurs de sa politique étrangère. D’une part, elle cherche à s’affirmer comme une puissance globale face à son rival américain. D’autre part, la Russie veut se protéger des répercussions potentiellement négatives de la dynamique internationale sur son flanc méridional. Enfin, la Libye offre à Moscou de grandes opportunités économiques, notamment dans les secteurs des hydrocarbures et des infrastructures. En 2008 Gazprom a acquis 49% des parts de la co-entreprise WIAG et 24% de celles de la Sarir Oil Corporation. Les échanges commerciaux entre les deux pays sont également significatifs et s’élevaient en 2021 à 332 millions d’euros, dont 37% d’importations d’orge, 32,7% de blé et 14,5% de produits pétroliers raffinés.
A lire aussi,
Gaz : la Russie avance ses pions en Asie centrale
La Libye se trouve au carrefour des ambitions africaines, méditerranéennes et moyen-orientales de Moscou. Cependant, le positionnement récent de la Russie en Libye est marqué par une certaine instabilité et plusieurs revirements. Ce qui est inédit depuis le début de l’année 2024 n’est pas la présence russe dans la région en elle-même, mais son caractère pleinement assumé de la part de Moscou. Vladimir Poutine a d’abord affiché son soutien au maréchal Khalifa Haftar jusqu’en 2017, avant de prendre contact avec différents acteurs locaux qui lui étaient opposés, tel que des milices à Tripoli, à Misrata ou encore certaines tribus du Fezzan. En 2019, il décide d’appuyer à nouveau Khalifa Haftar et l’ANL dans son offensive contre Tripoli, toutefois sans que ce soutien ne soit officiellement assumé. Moscou reviendra ensuite à une position officielle plus neutre, affirmant soutenir avant tout le processus diplomatique de résolution de crise en Libye.
Cependant, depuis aout 2023, le soutien à Khalifa Haftar semble pleinement assumé, si l’on en croit les nombreuses visites officielles du ministère de la Défense russe à Benghazi et le déplacement du maréchal à Moscou.
De manière globale, il se pourrait que la Russie privilégie le maintien du statu quo en Libye en encourageant de manière discrète tout dérapage susceptible d’entrainer un nouveau report des élections souhaitées par l’ONU.
Le rôle stratégique des frontières libyennes
La « miliciarisation » de la société libyenne
La perte d’autorité des forces armées libyennes sur leurs propres frontières a entrainé la miliciarisation de la société et l’incursion des groupes armés en Libye. Après la destitution de Kadhafi, les groupes armés ont profité du vide sécuritaire pour opérer librement en Libye, étendre leurs activités et recruter de nouveaux membres. Le pays s’est aussi transformé en refuge pour les groupes rebelles de la région et les soldats étrangers qui considèrent la Libye comme un terrain d’entraînement et une base arrière dépourvue de contrôle. De nombreux opposants tchadiens et soudanais qui ont fait par le passé le choix du mercenariat au profit d’un camp ou de l’autre de la guerre civile libyenne ont décidé de rester sur le territoire malgré la fin du conflit. Grâce à ses frontières poreuses, le sud de la Libye est aussi considéré par AQMI comme un carrefour logistique stratégique pour le transit de combattants étrangers désireux de rejoindre la révolution islamique en Libye. Si la menace djihadiste en Libye demeure résiduelle et clandestine depuis 2019, du fait de la lutte internationale contre le terrorisme au Sahel et la perte du califat au Levant, le Fezzan permissif et peu contrôlé demeure la seule zone d’évolution possible pour ces groupes armés qui peinent à se maintenir opérationnelle.
Cet imbroglio de milices, groupes armés et groupes rebelles fait aujourd’hui partie de l’équilibre social libyen. Si le retrait des mercenaires étrangers et le désarmement des milices sont souvent proposés pour stabiliser le pays, cela semble difficile à appliquer puisque ce sont elles qui assurent désormais la sécurité des espaces frontaliers et qui disposent de la confiance des populations locales. Depuis 2011 le phénomène de miliciarisation de la société libyenne se caractérise par la pleine intégration du cadre légal des milices. Que ce soit comme entité des ministères de la Défense ou de l’Intérieur, ou au sein d’instances sécuritaires indépendantes, elles agissent pour la plupart sous couvert de l’État. Pour avoir une place dans le débat intralibyen et peser dans la balance, il est donc nécessaire de composer avec ces acteurs influents que sont les milices. Moscou a habilement exploité cette situation en appuyant, en accompagnant, voire en armant certaines de ces milices par l’entremise du groupe paramilitaire Wagner. Ce dernier alimente l’instabilité sécuritaire et les rivalités dans la région, permettant par la même occasion de justifier la présence russe sur le continent.
En s’associant avec des milices influentes, la Russie se positionne enfin comme un acteur incontournable du paysage sécuritaire libyen.
La Libye comme hub logistique central
En renforçant sa présence sur le sol libyen et en profitant d’une faible sécurisation des frontières, notamment au Sud, Moscou se dote d’un hub logistique central reliant l’ensemble de ses positions et de ses emprises en Afrique du Nord et au Sahel.
Les frontières au sud de la Libye sont particulièrement difficiles à sécuriser et à contrôler. Partagées avec le Niger, le Tchad et le Soudan, le mécanisme de sécurisation le plus cohérent à mettre en place aurait été la signature d’un accord sécuritaire quadripartite de gestion commune des frontières. Malgré plusieurs tentatives en 2012, en 2018 et en 2021, le projet n’a jamais fonctionné, faute de moyens humains et financiers notamment. L’échec est aussi le fait de deux dynamiques essentielles à prendre en compte. D’une part, les quatre États voisins demeurent méfiants les uns vis-à-vis des autres du fait de la gestion opportuniste des politiques extérieures et de la division au sein même de leurs États. Le gouvernement libyen demeure également méfiant à l’égard du Niger, du fait des nombreux membres de l’ancien régime kadhafiste qui y sont réfugiés depuis la guerre civile. D’autre part, la Libye ne dispose pas aujourd’hui de structures institutionnelles suffisamment solides pour soutenir la mise en œuvre de grands accords régionaux de coopération sécuritaire. Tripoli nécessite encore, comme c’est le cas pour ses frontières nord et est, le parrainage de grandes puissances extérieures. Une fois encore, Moscou a saisi l’opportunité en renforçant sa présence dans le Fezzan.
La porosité de la frontière sud en Libye demeure donc une problématique entière, alors que les moyens déployés ne sont pas assez conséquents pour y remédier.
On constate également un manque de volonté de la part de certaines autorités politiques libyennes, compte tenu de l’apport conséquent pour l’économie des transferts de fonds de la diaspora et des revenus que génèrent les migrations et les trafics. Incapables de proposer des alternatives économiques crédibles, les États au sud de la Libye préfèrent également tolérer implicitement les dynamiques de contrebande et de trafics, évitant ainsi une vague de contestations populaires d’ampleur. Par ailleurs, la topographie du Sud libyen ainsi que le continuum ethnique qui le compose, conjugués à l’incapacité des acteurs centraux de parvenir à un maillage sécuritaire efficace aux frontières, sont autant de facteurs exploités par les groupes armés de la région pour renforcer leur présence.
Dans ce contexte de grande porosité des frontières, la position géographique de la Libye est cruciale pour la stratégie russe puisqu’elle permettrait à Moscou de relier ses positions en Afrique du Nord aux autres États de la région dirigés par des régimes qui lui sont proches. Ainsi, le Soudan, le Niger, le Mali, le Burkina Faso et potentiellement le Tchad pourraient bénéficier d’un accès privilégié au matériel et aux mercenaires russes grâce à la création de cette plateforme de projection en Libye. En renforçant sa position en Libye et en évoquant même la construction d’un port sur la Méditerranée, Moscou se dote de la possibilité d’accéder directement au flanc sud de l’OTAN en se constituant un continuum depuis la mer Rouge.
Le contrôle des routes migratoires comme potentiel levier diplomatique pour Moscou
Depuis 2011, la Libye est devenue une plaque tournante à la fois des migrations régionales, mais aussi de celles en direction de l’Europe. La bande sahélo-saharienne a dû faire face à l’afflux de centaines de milliers d’individus, profitant de la vulnérabilité des frontières pour passer d’un territoire à un autre. Au centre de ces flux, la Libye incarne à la fois un pays de départ des migrations en direction de l’Europe, et un pays d’arrivée pour de nombreux migrants subsahariens attirés par la forte offre d’emploi sur place. Elle est enfin un pays de transit pour tous ceux qui pratiquent la migration saisonnière ou cyclique et ceux qui cherchent à y faire étape dans le cadre d’un voyage plus grand en direction de l’Europe.
Si la majorité des migrants sahéliens n’a pas pour objectif de rejoindre l’Europe et souhaite rester en Libye, les subsahariens, eux, ont davantage tendance à vouloir quitter le continent.
En effet, pour de nombreuses nationalités d’Afrique de l’Ouest et centrale, le Sahel demeure une voie de passage quasi incontournable vers l’Afrique du Nord et l’Europe. Ivoiriens, Nigérians, Camerounais, Centrafricains et Guinéens constituent donc une part significative des migrants souhaitant rejoindre l’Europe depuis la côte libyenne. Depuis les nombreux ports libyens, les migrants empruntent ensuite la Route méditerranéenne centrale, principale route d’accès à l’Union européenne au départ de l’Afrique. En ancrant sa présence au sud de la Libye, Moscou s’offre donc une position stratégique sur la route migratoire en direction de l’Europe.
Sur le plan interne, la question des migrations en Libye cristallise de nombreuses craintes et de fortes oppositions de la part des acteurs de la scène politique. Ces derniers craignent une fixation des migrants dans le pays en cas d’accord avec l’Union européenne pour fermer cette Route de la Méditerranée centrale. Le 25 juillet 2023, le Premier ministre du gouvernement de stabilité nationale (camp de l’Est du maréchal Haftar) a réagi à la tenue de la conférence sur les migrations à Rome en mettant en garde contre toute décision qui « entrainerait un changement démographique » dans le pays via l’installation de migrants en Libye. L’arrivée massive de migrants subsahariens et sahéliens au sud de la Libye a pour conséquence le déplacement des populations autochtones qui se concentrent alors dans le nord du pays, proche des centres économiques et du littoral. Provoquant une surpopulation du nord de la Libye, ces flux entrainent également un déséquilibre démographique à l’échelle nationale. Lors de cette prise de parole, le Premier ministre du gouvernement de stabilité nationale a indiqué qu’il « n’hésiterait pas à prendre toutes les mesures contre de telles violations de la souveraineté libyenne » et « des mesures légales » contre tout acteur impliqué dans des engagements ou accords favorisant l’installation de migrants en Libye. De la même manière, le Premier ministre du gouvernement d’union nationale (GUN, camp de l’est d’Abdelhamid al-Dbeibah) soulignait le 27 juillet 2023 la nécessité de traiter humainement les migrants aux frontières avec la Tunisie et de ne pas leur permettre d’entrer en Libye, insistant sur le fait que la Libye n’était pas un pays d’installation pour les migrants de la région.
A lire aussi,
L’Afrique rejette la démocratie
Cette position stratégique au cœur des migrations régionales pourrait enfin être utilisée comme un levier diplomatique ou sécuritaire par la Russie dans sa confrontation avec les Européens. Si le Premier ministre du GUN était jusqu’alors le seul à profiter de la crise migratoire en Europe en l’utilisant comme levier pour s’intégrer dans le jeu diplomatique et obtenir un soutien économique et politique des grandes puissances européennes, Vladimir Poutine pourrait bientôt faire de même. Grâce au contrôle potentiel d’une partie des flux migratoires en direction de l’Europe, Moscou exploite sa position stratégique et pourrait s’imposer comme un interlocuteur essentiel dans la gestion des migrations, exerçant ainsi une pression supplémentaire sur les pays européens.
En réaction aux avancées russes sur le dossier migratoire, on peut alors s’attendre à deux conséquences : d’une part une consolidation de la coopération entre la Libye et certains États méditerranéens comme Malte ou l’Italie, qui œuvrent activement au dialogue entre l’UE et la Libye en matière de migration, malgré les critiques des défenseurs des droits humains et d’ONG qui accusent l’Italie de financer certaines milices et gardes-côte libyens. D’autre part, on peut également s’attendre à un regain d’intérêt des États-Unis.
Face à l’influence grandissante de Moscou, Washington pourrait peu à peu réinvestir le dossier libyen en sa faveur dans le domaine sécuritaire.
Si Washington décide également de se rapprocher de l’ANL et du Maréchal Haftar pour concurrencer Moscou, on peut imaginer que le GUN d’Abdelhamid al-Dbeibah entame en contrepartie un rapprochement avec Moscou.
Conclusion
La présence accrue de la Russie en Libye s’inscrit dans une stratégie plus large d’expansion de son influence en Afrique du Nord et au Sahel. En exploitant la porosité des frontières libyennes et en s’alliant avec des acteurs locaux clés, Moscou renforce sa position dans une région stratégique. Cette dynamique pose de nombreux défis pour la stabilité régionale et les intérêts occidentaux. Le risque de dissémination d’un discours et d’une influence pro-russe dans la région, mais surtout anti occidental se fait également plus présent.
La Libye, avec ses frontières difficilement contrôlables et son rôle central dans les routes migratoires, est donc devenue un point focal de la stratégie russe en Afrique.
Dans ce contexte, il est crucial de surveiller de près les évolutions de la politique russe en Libye et leurs implications pour la sécurité régionale et mondiale.
BAKRANIA Shivit, Libya: Border security and regional cooperation, GSDRC Rapid Literature Review, University of Birmingham, 2014.
BLUNDY David, Colonel Gaddafi : The Life and Times of Muammar Gaddafi, Harcover, 1987.
GOLAN Galia, The Soviet Union and the Middle East, Cambridge University Press, 1989.
GLASSMAN Jon D., Arms for the Arabs : The Soviet Union and War in the Middle East, John Hopkins University press, 1975.
KOZHANOV Nikolay, « Kadhafi and Putin : À Relationship in Retrospect », Al Jazeera, 2020.
LOBEZ Clément, Objectivation des flux migratoires en provenance du Sahel vers l’Europe, Observatoire du Sahel, 2021.
PERETTI Alessia, « Meloni se rend en Libye pour renforcer la coopération en matière d’immigration », Euractiv Italie, 2024.
THOMAS Aude, « Confrontation turco-émiratie en Libye : le drone, nouveau atout stratégique », Fondation pour la recherche stratégique, 2021.
« La présence russe en Libye: Enquête et analyse. », All Eyes on Wagner, 10 mai 2024.
« La Turquie et les pays du CCG : des ajustements de circonstance ou une nouvelle ère ? », Table ronde de l’Observatoire du Golfe persique, décembre 2022.
Rapport de l’Observatoire de la sécurité des flux et des matières énergétiques, « Les enjeux énergétiques en Afrique du Nord : Algérie, Libye, Égypte », rapport n°8, juin 2021.