Platon, histoire du djihad, Chine et Europe, Ibn Séoud, Palestine. Aperçu des publications de la semaine.
Publications des auteurs de Conflits
Platon
Olivier Battistini, Platon. Le philosophe-roi, Ellipses, 2024, 26€.
Voyage dans l’Antiquité pour comprendre l’extrême-contemporain. Voyage dans les textes grecs pour éclairer la caverne. Voyage dans l’histoire pour se nourrir. Olivier Battistini, helléniste, auteur d’une œuvre consacrée aux philosophes grecs, à Alexandre, à Thucydide, nous convie ici chez Platon, avec Platon. Il est né au début de la guerre du Péloponnèse. Il a vu la défaite d’Athènes, il a connu la servitude et l’esclavage, il a voyagé dans le monde grec, il s’est formé auprès de Socrate, il a dialogué avec les sophistes et les philosophes. Et il a écrit. Il nous laisse des textes pour entrer dans la politique, avec la géométrie, avec l’esthétique. Olivier Battistini relit Platon et le revisite pour en donner une analyse personnelle et pour proposer une lecture renouvelée de ses textes et de ses traités.
Ce livre n’est pas un manuel, ce n’est pas à proprement parler une biographie ; c’est une œuvre. On le lit pour découvrir Platon, pour redécouvrir ses textes par lesquels nous sommes tous passés en classe de Terminale, on le lit aussi parce que l’auteur est maitre de la langue. Olivier Battistini est helléniste et poète, né à Sartène, il écrit depuis Sartène, cette terre corse qui est une pointe d’Occident. Dans son Platon, on revisite les mythes, le logos et les allégories. On découvre les Grecs et ce que nous sommes. Un livre à lire, sur la plage ou dans l’avion, avant qu’il ne soit trop tard. [JBN]
Djihad
Olivier Hanne, Histoire du djihad. Des origines de l’islam à Daesh, Tallandier, 2024, 24.50€.
Olivier Hanne sème une œuvre de plus en plus imposante, entre le Moyen Âge et l’étude des mondes musulmans. Son Histoire du djihad était attendue, parce que le mot fait peur et rêver tout autant. Parce que depuis 1995 et les premiers attentats islamistes en France, l’actualité est marquée par l’islam, évoqué sans cesse, expliqué rarement. L’historien pose ici ses yeux sur les textes et l’histoire. Il cherche à comprendre, non à juger. Il part des origines, du Coran et des pratiques dans le monde arabe antique, pour étudier un mot qui est aussi un concept et une façon de vivre, pour en analyser les évolutions et les polysémies. En reprenant les sources historiques qui traitent du djihad, en relisant les interprétations et les usages politiques du concept, Olivier Hanne tisse le fil des évolutions, des détournements et des manipulations. Revenir aux textes et aux sources travaille essentiel de l’historien, pour comprendre et pour faire advenir les vérités derrière les mythes. Cette histoire est celle de l’islam et du monde arabe et, compte tenu des liens et des relations souvent conflictuelles, elle est aussi une part de nous-mêmes. [JBN]
Autres publications
Géo-économie
David Baverez, Bienvenue en économie de guerre !, Novice, 2024, 19,90€.
Version 1.0.0
Investisseur et essayiste basé à Hong Kong depuis dix ans, David Baverez associe dans son ouvrage son double regard de Français et d’observateur privilégié de la Chine. Il propose une autre lecture du conflit en Ukraine, vu comme l’affrontement des États-Unis et de la Chine, avec la crainte que l’Europe ne devienne un nouveau Yémen, c’est-à-dire un pays en déliquescence où de grandes puissances se livrent une guerre par milices interposées.
Le principal intérêt de l’ouvrage est d’associer la géopolitique à l’économie et de démontrer la pertinence du lien qui unit les deux. Trop souvent, ceux qui prétendent faire de la géopolitique se limitent aux relations internationales et oublient la dimension économique, quand les analystes économistes prennent la géopolitique pour une méthode secondaire qui ne fait qu’apporter de la culture générale. David Baverez montre bien le lien essentiel qui existe entre les deux et qu’il n’est plus possible aujourd’hui de dissocier. Bien écrit, relevé, l’ouvrage apporte une réflexion renouvelée aux conflits en cours.
Arabie saoudite
Christian Destremau, Ibn Saoud Seigneur du désert, roi d’Arabie, Perrin, 2024, 24€.
Ibn Saoud est le père fondateur du Royaume d’Arabie saoudite en 1932, c’est aussi le grand-père de l’homme fort actuel, Mohammed ben Salman. Jacques Benoist-Méchin en avait donné une biographie, il y a soixante-dix ans, qui connut un succès considérable, à une époque où le royaume commençait tout juste à faire parler de lui en raison des découvertes pétrolières. Les temps ont changé et, sous l’impulsion de « MBS », l’Arabie saoudite est devenue un acteur parfois controversé mais incontournable des affaires internationales. Mais si le pays semble, dans une certaine mesure, s’ouvrir à la modernité – toujours grâce au pétrole, mais aussi, désormais, grâce au tourisme et au football… –, il demeure une énigme.
C’est en se replongeant dans le passé, dans la vie aventureuse du jeune Ibn Saoud, au début du XXe siècle, que l’on peut mieux comprendre le royaume tel qu’il est aujourd’hui. Christian Destremau brosse avec brio le portrait d’un « renard du désert » devenu homme d’État ; d’un conquérant bâtisseur et mû par de solides convictions – notamment au sujet de la Palestine et de la naissance d’Israël. Pendant les trente-deux années que dura la conquête de la péninsule Arabique, Ibn Saoud fit preuve d’une maîtrise parfaite dans l’art de la guerre du désert et, plus encore, d’une habileté consommée face à ses adversaires comme avec ses alliés. Ainsi fit-il allégeance à la Grande-Bretagne durant la Première Guerre mondiale et sollicita-t-il l’aide financière de Moscou, cette métropole satanique, pour renflouer ses caisses à l’aube des années 1930. En 1932, le Royaume d’Arabie saoudite était fondé et, après une dernière expédition guerrière contre l’imam du Yémen (1934), ses frontières stabilisées : celui qui n’avait pas une pierre où poser la tête au début de son entreprise régnait désormais sur un territoire grand comme trois fois et demie la France.
Cet homme d’État incontournable et madré – qui choisit de maintenir son pays dans une neutralité favorable aux Alliés durant la Seconde Guerre mondiale – a conclu en 1945 avec le président américain Roosevelt un accord stratégique motivé par la géopolitique du pétrole, plaçant l’Arabie saoudite dans l’orbite économique et sous la protection militaire américaine. À sa mort en 1953, il laisse derrière lui l’un des pays les plus puissants et influents du monde musulman, membre de l’ONU et de la Ligue arabe. En lisant la magistrale biographie que lui consacre aujourd’hui Christian Destremau, à partir, notamment, de nombreux documents d’archives, on découvre notamment un fait essentiel : pour Ibn Saoud, comme pour ses successeurs, la religion islamique, sous sa forme « wahhabite » – à laquelle ils adhèrent pleinement – n’a pas pour mission de convertir le monde, mais doit aider la dynastie des Saoud à se maintenir au pouvoir, pour les siècles qui viennent.
Le récit d’une vie hors norme qui se lit comme un roman d’aventures. [Tigrane Yégavian]
Palestine
Sabri Giroud (dir.) La Palestine en 50 portraits, de la préhistoire à nos jours, Riveneuve, 2023, 29€.
Contrairement au récit sioniste forgé autour de l’idée d’une Terre sans Peuple, la réalité nationale palestinienne s’est définitivement ancrée dans l’imaginaire collectif. Ce bel ouvrage arrive à point nommé pour rendre compte de la richesse d’une histoire séculaire où les mythes et mystiques embrassent la réalité de la vie quotidienne. Certes, la Palestine a été rayée de la carte des États–Nations en 1948, mais il existe bel et bien une Palestine qui vit au travers de ses enfants qui la font vivre au travers de leur talent.
Afin de narrer cette histoire plurimillénaire, multiple et métissée, inscrite génération après génération à la croisée du Moyen-Orient, de la Méditerranée et de l’Égypte, un collectif international de spécialistes pluridisciplinaires s’est mobilisé. Ces archéologues, historiens, anthropologues, chercheurs en sciences sociales ou politiques et journalistes dressent ici les portraits d’hommes et de femmes, illustres ou inconnus, révélant à la fois des trajectoires individuelles et des pans de l’histoire intellectuelle et politique de la Palestine, des profondeurs de la préhistoire jusqu’à nos jours.
Fait sans précédent, une cinquantaine d’experts brosse le portrait, avec science et honnêteté intellectuelle, de cinquante personnalités qui ont marqué la Palestine depuis la préhistoire comme Hérode, Jésus, Mahmoud Darwich ou Yasser Arafat. Ce travail réunit les meilleurs spécialistes (archéologues, journalistes, historiens, chercheurs…) qui sept ans durant ont travaillé sous la coordination de l’archéologue Sabri Giroud lui-même auteur d’un guide de voyage sur la Palestine. Le tout agrémenté d’un beau cahier couleur de seize pages. [Tigrane Yégavian]
