Une histoire des Jeux olympiques

23 avril 2024

Temps de lecture : 8 minutes

Photo : Les anneaux olympiques exposés place du Trocadéro en 2017 pour célébrer l'attribution des Jeux à Paris. (C) Wikipédia

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Une histoire des Jeux olympiques

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Dans un roman graphique enlevé, Pascal Boniface et Tommy retracent l’histoire des Jeux olympiques depuis 1896. Entre tensions politiques, soucis économiques, dopage et influence, les Jeux parcourent les tribulations du siècle écoulé. 

Pascal Boniface, Tommy, Géostratégix. Un monde de jeux, Dunod graphic, 2024. 

L’omniprésence médiatique à 100 jours de l’ouverture des JO de Paris en 2024 peut susciter un certain agacement, surtout lorsque l’on envisage, au-delà d’un prix des places prohibitif et d’une cérémonie d’ouverture plutôt perturbante, les conséquences sur les comptes publics d’un dépassement soldé finalement par le contribuable.

Pour autant, la parution de ce roman graphique, dans la collection géostratégix, dans laquelle nous retrouvons, associée au dessinateur Tommy, Pascal Boniface, serait une bonne nouvelle. Les JO méritent sans doute mieux que les commentaires sur les tenues des athlètes, les indices bactériologiques sur les eaux de la Seine et autres considérations qui font les choux gras des chaînes d’information en continu.

Au-delà du style « roman graphique » qui semble se développer largement, il faut prendre cet ouvrage comme une bonne entrée en matière sur les enjeux géostratégiques des Jeux olympiques au cours de l’histoire.

Les Jeux dans l’histoire

Moment de rassemblement des cités grecques puis du monde hellénistique jusqu’en 393 ap. J-C, les JO modernes ont connu leur renaissance en 1896, dans une période où le projet de paix universelle entre les nations était codifié lors des différentes conventions de La Haye, la première ayant eu lieu en 1899. L’initiative privée du baron Pierre de Coubertin s’inscrivait également dans le contexte abordé par Pascal Boniface, celui de la volonté française, après sa défaite de 1870, de retrouver l’esprit de compétition. Comme les jeux de l’Antiquité, les premières disciplines intégrées dans les JO faisaient la part belle à la préparation militaire, y compris les yachtings, sans doute pour ne pas léser les marins de la Royale. Pendant cette période la France a connu une éclosion des « clubs de gymnastique et de préparation militaire », dont la finalité semblait évidente. Pour autant, et on le découvre à la lecture de cet ouvrage, l’Allemagne ne fait pas partie des 13 pays participants au congrès international de Paris de 1894. 13 pays sont représentés, européen pour la plupart, à l’exception des États-Unis et de l’Australie.

Lors des premiers JO d’Athènes, l’affirmation nationale de la Grèce, indépendante depuis 1830, se manifeste par la victoire du berger Louis Spyridon, lors de l’épreuve du marathon.

Les premiers JO en France ont lieu en 1900, en marge de l’exposition universelle. Le rugby à XV fait son apparition, de même que le football et curieusement la pelote basque. Les premières athlètes participent également à ces jeux. La question de l’amateurisme est également abordée à l’occasion des JO de Stockholm en 1912, lorsque l’on découvre que le vainqueur du pentathlon et du décathlon, l’Américain Jim Thorpe avait été un professionnel du base-ball.

Les jeux entre guerres

En 1916, les JO auraient dû se tenir à Berlin, mais la guerre les a évidemment empêchés. Malgré les conférences internationales qui suivent la Première Guerre mondiale, les JO d’Anvers en 1920, dont l’Union soviétique est absente, sont essentiellement européens.

De retour à Paris pour 1924, puis à Amsterdam en 1928, les Jeux se déroulent avec davantage de ferveur. Coca-Cola intervient pour la première fois comme sponsor en 1928, qui voient les États-Unis remporter 22 médailles d’or, largement devant l’Allemagne. La crise économique des années 1930 vient un peu gâcher la fête pour les J.O. de Los Angeles en 1932. L’édition de 1936 à Berlin, avec 49 pays participants, a été marquée par la mise en scène organisée par le régime national-socialiste. L’athlète américain Jesse Owens vient également gâcher la fête pour Hitler avec ses 4 médailles d’or obtenues à la course et au saut en longueur. Au passage, on apprend que même le président Roosevelt avait refusé de recevoir Jesse Owen à la Maison-Blanche. Si Hitler n’a pas apprécié la victoire d’un athlète noir, on peut imaginer le même type de réaction au Japon, puisque c’est un athlète coréen qui remporte l’épreuve phare du marathon. C’est à Tokyo, en 1940, que les JO auraient dû se dérouler. Le comité international olympique ne remet pas en cause cette localisation, alors que le Japon avait envahi la Mandchourie en 1931. Le déclenchement de la guerre en Chine en 1937 conduit le Japon à renoncer aux jeux en 1938, et la nouvelle édition aura lieu à Londres en 1948.

Pendant la guerre froide, avec la participation de l’Union soviétique lors des jeux d’Helsinki en 1952, les JO deviennent un terrain de confrontation. La volonté de Staline et de son successeur de démontrer la supériorité du modèle soviétique se retrouve dans le faux amateurisme des sportifs des pays communistes, le plus souvent issus de l’armée et qui disposent de temps pour s’entraîner. La guerre froide a également un impact sur la participation de la Chine communiste qui quitte le mouvement olympique de 1956 à 1976. La situation au Moyen-Orient, avec la participation d’Israël, entraîne le boycott par l’Irak, l’Égypte et le Liban pour les jeux de Melbourne. Côté occidental l’invasion soviétique de Budapest entraîne le boycott des Pays-Bas, de la Suisse et de l’Espagne. Entre pays communistes, et sur fond d’intervention soviétique en Hongrie, la compétition de water-polo lors des jeux de Melbourne en 1956, tourne au pugilat.

Dans le contexte de la décolonisation, les performances des sportifs du continent africain ont également des conséquences. La victoire lors du marathon de l’Éthiopien Abebe Bikila lors des JO de Rome, celle du boxeur américain, alors amateur, Cassius Clay, contribue également à l’affirmation d’une identité noire.

Enjeux politiques internationaux

Lors des jeux de Tokyo en 1964, l’Afrique du Sud est exclue en raison de sa politique d’apartheid.

Les jeux de Mexico en 1968 sont marqués par la violente répression, 10 jours avant la cérémonie d’ouverture, contre les manifestations d’étudiants. Le bilan est de 325 morts sur la place des Trois cultures. Les deux sportifs noirs américains, Tommie Smith et John Carlos feront la une de tous les journaux télévisés du monde avec leur geste sur le podium, le poing levé, en référence au black power, le mouvement contre la ségrégation aux États-Unis. Les deux athlètes seront expulsés des JO et privés de leurs médailles, tandis que l’athlète australien, Peter Norman, le second sur le podium, solidaire de ses camarades, sera écartée des JO de 1972.

L’enjeu de la sécurité

C’est dans le contexte de la guerre froide, avec la reconnaissance par le comité international olympique de la fédération est-allemande, que la RDA a pu s’illustrer avec ses athlètes largement dopés. Les JO de Munich sont également connus par l’action du groupe terroriste palestinien « Septembre noir » qui organise la prise d’otages de la délégation israélienne. Le bilan est de neuf otages tués. La sécurité des grands événements sportifs devient à partir de cette période un enjeu majeur. 50 années plus tard au moins, c’est évidemment toujours le cas même s’il faut bien avoir conscience que dans ce domaine le risque zéro ne peut exister.

Une facture très salée

La question du financement des JO se pose lors de l’édition de Montréal en 1976. La facture semble avoir été particulièrement lourde et la ville a été endettée pour 30 ans. Ces jeux sont marqués par une grande campagne de boycott par la plupart des pays africains en raison de la participation de la Nouvelle-Zélande coupable d’avoir envoyé son équipe de rugby, les fameux All blacks, faire une tournée dans le pays de l’apartheid. L’Afrique du Sud n’a pas participé aux JO entre 1964 et 1992.

Les années 1980 et 1984 sont marqués par les boycotts symétriques des JO de Moscou et de Los Angeles. Dans les deux cas, en raison de l’absence de nombreux athlètes, ce sont les Soviétiques et les États-Unis qui remportent le plus de médailles lors de leur édition respective. Signes d’effritement du bloc soviétique, la finale du saut à la perche oppose le Polonais Kozaciewicz au Soviétique Volkov. À 5,78 m la tête polonais rentre dans l’histoire, en faisant un bras d’honneur au public moscovite qui avait manifesté son hostilité.

Vers les pays émergents

Les Jeux de Séoul en 1988 sont pour l’ancienne colonie japonaise, ravagée par la guerre de Corée pendant plus de trois ans, l’occasion de montrer sa réussite économique. En 1987, la fin du régime autoritaire en Corée du Sud permet au pays d’entamer sa longue marche vers une reconnaissance internationale sur fond de performance de ses entreprises. Ce succès ne s’est pas démenti aujourd’hui.

L’installation de la démocratie en Espagne à la mort de Franco, en 1975, permet à Barcelone d’organiser les jeux de 1992. Simultanément, sans doute pour différencier Barcelone et ses revendications indépendantistes catalanes du reste de l’Espagne, l’exposition internationale de Séville est également mise en avant. On notera qu’il s’agit des premiers jeux de l’après-guerre froide avec l’arrivée de nouveaux pays qui ont à cœur de se distinguer, notamment les pays baltes, mais également la Croatie et la Bosnie ainsi que la Slovénie. Les autres fédérations issues de l’ex-URSS participent au jeu sous un drapeau commun pour la dernière fois.

Beaucoup se souviennent également de cette course du 10 000 m féminins remportés par l’Éthiopienne Derartu Tulu qui effectue son tour d’honneur main dans la main avec la Sud-Africaine blanche, arrivée seconde, Helena Meyer.

L’obtention des jeux est également un sujet de compétition entre différentes villes et pays candidats, ce qui entache dans une certaine mesure l’édition d’Atlanta, en compétition avec Athènes. Les moyens financiers ont probablement joué un rôle important dans le choix, après 5 tours de scrutin tout de même, de la ville de Coca-Cola et de Martin Luther King. Pour la première fois une délégation palestinienne, après les accords d’Oslo de 1993 participe à ces JO.

Cet événement sportif planétaire s’inscrit nécessairement dans la mondialisation, triomphante, mais également de plus en plus médiatisée. Les moyens techniques, la couverture journalistique, sont devenus énormes, avec des caméras et des faisceaux satellitaires qui placent les spectateurs au cœur de l’événement. Pour les Etats candidats, on pense évidemment à la Chine, mais également au Brésil, la candidature à l’organisation des JO est un moyen d’affirmation. C’est le cas des JO de 2008 à Pékin après l’échec de sa candidature pour les jeux de Sydney en 2000.

Au-delà des événements sportifs, ces jeux traduisent également une bascule du rapport de force entre les grands pays développés et les pays émergents. La coupe du monde de football en 2014 et les JO de 2016 sont attribués au Brésil qui se trouve d’ailleurs engagé dans des difficultés économiques que les dépenses générées par ces grands événements sportifs ont évidemment aggravées.

La pandémie mondiale de la COVID 19 a conduit au report des JO prévu à Tokyo en 2020, l’année suivante. Soupçonnée de dopage massif, la Russie est exclue comme nation, même si les athlètes russes peuvent participer sous une bannière neutre. La compétition pour les médailles est toujours serrée entre la Chine et les États-Unis, et en 2021 à Tokyo, le podium met les États-Unis devant la Chine et le Japon. Les auteurs ont également évoqué les jeux paralympiques, qui apparaissent malgré l’appellation de l’actuelle ministre des Sports, et très éphémère ministre de l’Éducation nationale, comme les parents pauvres de l’édition 2024. Ces jeux paralympiques sont imaginés après la Seconde Guerre mondiale par le neurologue juif allemand réfugié à Londres, Ludwig Guttmann. L’appellation officielle de jeux paralympiques date de 1984. On apprend d’ailleurs qu’en 1980 l’Union soviétique avait refusé de les accueillir à Moscou. 

Enfin Paris 2024 !

Les dernières pages de ce roman graphique sont consacrées à la longue marche de Paris pour obtenir les JO à nouveau. La dernière édition avait eu lieu en 1924. La France a souhaité l’organisation de ces jeux dès 1992, Lille a été candidate pour 2004, Paris en 2008, avant d’échouer à 4 voix près devant Londres pour 2012. La France s’est engagée à partir de 2015 à organiser des jeux avec un impact environnemental réduit, un financement maîtrisé, et une stricte parité entre les hommes et les femmes.

Le 13 septembre 2017, la candidature de Paris pour 2024 est enfin validée. 

Avec un format particulièrement accessible, renforcé par le modèle du roman graphique, cet ouvrage constitue un salutaire rappel sur les enjeux des Jeux olympiques. En écrivant ces quelques lignes, après une lecture attentive de cette centaine de planches dessinées, associées à un texte percutant, on parvient même à oublier cette sensation d’agacement devant l’omniprésence des références à cet événement. La plupart des spots publicitaires y font désormais référence, de même que les emballages des produits alimentaires transformés, sans parler du personnel politique gouvernemental.

Peut-être faudrait-il rappeler aux responsables de l’exécutif que la référence au pain et aux jeux n’a pas forcément porté bonheur à l’Empire romain.

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Photo : Les anneaux olympiques exposés place du Trocadéro en 2017 pour célébrer l'attribution des Jeux à Paris. (C) Wikipédia

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À propos de l’auteur
Bruno Modica

Bruno Modica

Bruno Modica est professeur agrégé d'Histoire. Il est chargé du cours d'histoire des relations internationales Prépa École militaire interarmes (EMIA). Entre 2001 et 2006, il a été chargé du cours de relations internationales à la section préparatoire de l'ENA. Depuis 2019, il est officier d'instruction préparation des concours - 11e BP. Il a été président des Clionautes de 2013 à 2019.

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