Salon des vins du monde et des spiritueux, Vinexpo donne les tendances de la planète vin et capte les évolutions des producteurs et des consommateurs.
Si l’on parle beaucoup des Jeux olympiques, la vraie puissance des États réside dans l’organisation des salons sur leur territoire. C’est eux qui sont le pouls de l’attractivité et de la centralité des villes et des pays. Vinexpo en est un très bon exemple. Créé en 1981 à Bordeaux, c’est initialement dans cette ville qu’il se tenait tous les deux ans, consacrant Bordeaux comme capitale du vin. L’ouverture d’un salon à Hong Kong en 1998, dédié à l’espace Asie Pacifique, témoignait de l’importance de la cité portuaire comme porte d’entrée du vin en Asie et lieux des échanges viticoles. Puis ce fut New York en 2002, ville américaine où les vignes sont absentes. Le salon ne s’est pas tenu en Californie, au cœur de la Nappa Valley, mais dans la ville qui achète et qui vend, qui boit et consomme. Le vin illustre à la fois la mondialisation et le rôle des marchés mondiaux.
En 2020, pour la première fois, le salon s’est tenu à Paris, en parallèle de Bordeaux. Depuis, la capitale de la Gironde a été abandonnée au profit de la capitale de la France. Plus facile d’accès pour les vignerons des régions de France et du monde, mieux connectés, la centralité géographique l’a emporté, consacrant une constante dans le monde du vin : c’est le marché qui fait le terroir. Bordeaux conserve une place centrale à Vinexpo, comme les vins du monde, où l’Italie est présente en nombre, et comme les spiritueux. Le salon Be Spirit se tient concomitamment à celui de Vinexpo, véritable mesure des tendances du marché.
A lire aussi
Vinexpo 2020 : un monde en vin
Beaucoup de créativités, beaucoup d’innovations, des maisons anciennes et augustes qui se rénovent, d’autres, très récentes, qui créent et tentent de prendre pied dans la place : le marché du vin n’est pas figé. Ancré dans un terroir, il est aussi un produit totalement mondialisé. Sans l’ouverture au monde, les vignerons français ne pourraient pas survivre, une très grande partie de leurs ventes se faisant à l’exportation.
Bordeaux, toujours
Le Bordelais traverse une crise grave, payant les inconséquences de vingt ans d’errements. Longtemps, Bordeaux a régné sur le vin. C’était lui et la Bourgogne, les buveurs ayant leurs préférences et leur région viticole, qui était aussi une école de vie. Puis les grands noms du vin ont atteint des prix stratosphériques devenant inabordables au commun des mortels. À côté de ces grands noms, au-delà des nuages, beaucoup de masse et de qualité médiocre vendue cher puisque le nom de Bordeaux suffisait. Mais, au cours des vingt dernières années, la qualité du vignoble français n’a cessé de croître. Là où les vins étaient lourds et pâteux, ils sont devenus complexes et délicats, là où ils étaient acides et piquants, ils sont devenus fruités et floraux. Vallée du Rhône, Corse, Languedoc, Gaillac, Loire, Auvergne, ont a vu croître partout la qualité et la complexité, pour le plus grand bonheur des amateurs. Il était donc possible de boire du vin meilleur et moins cher que du bordeaux en flânant dans les vignobles français. La rente viticole bordelaise s’est effondrée. Aujourd’hui, le bordeaux est en crise. Le vin se vend mal, les vignes sont arrachées, le monopole moral n’existe plus.
Tant mieux pour les excellents vignobles français, tant mieux aussi pour Bordeaux : ses vignerons ont été contraints de hausser le niveau. Et cela paye. La dégustation organisée par l’Union des Grands Crus a permis de déguster des rouges, des blancs et des liquoreux de grande classe. Bordeaux est toujours là. Ses vins ont conservé leur charme et leurs goûts, le niveau est meilleur, les prix demeurent raisonnables. On constate aussi plusieurs transformations viticoles : le duopole cabernet sauvignon / merlot est de plus en plus battu en brèche avec l’introduction, à faible dose, de petit verdot et de cabernet franc. Cela dénote un meilleur travail en cave et une science des assemblages qui progresse.
A lire aussi
Vinexpo 2022 : le retour de la planète vin
Les liquoreux de Bordeaux ont dû mal à trouver preneur. Sauternes, Barsac, Cadillac, pâtissent d’une image de vins sucrés et lourds. C’est erroné. Là aussi, la qualité est au rendez-vous. Les vins sont complexes, profonds, inspirants. Ils butent néanmoins sur l’antique question : « avec quoi les boire ? ». Surtout pas avec un foie gras. Mais en apéritif ou en fin de repas, avec des fromages et des volailles. Les liquoreux de Bordeaux sont aujourd’hui les grands inconnus du vin et ils méritent d’être découverts.
Hysope, la petite marque qui monte
Le gin tonic suit la même voie que les vins de Bordeaux. Pendant longtemps ce fut un cocktail sans charme, mélange de gin assourdissant et de tonic sucré et acide. Depuis une dizaine d’années, le gin est revisité, notamment en France, où fleurissent les distilleries qui apportent leurs touches et leurs exigences à ce spiritueux qui peut être très bon. Restait à trouver un tonic qui soit à la hauteur. Fever Tree a ouvert la course en révolutionnant l’approche de la qualité du produit. D’autres marques se lancent désormais sur ce marché qui reste à conquérir.
Hysope est l’une d’elles. Née en 2018, elle propose une large gamme de tonic, classique, ginger, au concombre ou encore à la fleur de sureau. À boire seuls, en cocktails sans alcool, ou mêlé à du gin. Si la marque est pour l’instant essentiellement distribuée dans les bars et les restaurants, elle s’ouvre de plus en plus aux épiceries et ambitionne de rentrer sur le marché américain. De quoi faire des gin tonic 100% français en démontrant les capacités d’innovation du secteur des boissons.
Vin sans alcool ?
Curiosité de ce salon, la présence de plusieurs stands proposant des vins sans alcool. Cela suscite beaucoup d’espoirs chez certains, beaucoup d’appréhensions chez d’autres. La meilleure façon d’avoir un avis étant de goûter.
Au nez et au goût, aucune différence notable avec un vin alcoolisé. On retrouve les sensations et les arômes du vin, le plaisir en bouche. Le vin testé était un colombard. Vin simple, léger, agréable. La différence majeure vient du prix : un colombard classique se trouve à 5€ la bouteille, celui testé est vendu 15€. Pas sûr qu’il y ait beaucoup de monde pour dépenser autant pour un vin simple. Il faudrait pouvoir tester le vin sans alcool sur de grands vins et mesurer aussi les capacités de vieillissement. Disons que le produit est intéressant, qu’il mérite d’être connu, mais qu’à ce prix, on trouve d’autres boissons de très bonne qualité, avec peu d’alcool (des cidres) ou sans alcool (jus de fruits et sirops).
Tendance bar
Le grand bar installé dans le hall consacré aux spiritueux permet de mesurer la dextérité des barmen et la variété des recettes proposées et des ingrédients utilisés. Moins sucrés, plus légers, mariant des saveurs inattendues, les cocktails se réinventent aussi grâce aux créations de nouveaux produits.
Basée à Agde, l’entreprise La Mentheuse propose ainsi trois crèmes : menthe, citron, pomme. Un style moderne tout en reprenant les codes esthétiques des années 1920. De quoi retrouver les boissons d’antan revisitées. Bues seules ou en cocktails, ces crèmes renouent avec les alcools d’autrefois, démontrant que le whisky et le rhum ne sont pas les seuls à régner en maître. Les apéritifs et spiritueux se rajeunissent et ouvrent de nouveaux chemins.
Italie : la part du lion
Comme chaque année, l’Italie est le pays étranger le plus important, tant par ses vins que par ses spiritueux. Toutes les régions y sont représentées avec cette année une nouveauté : un bar à cocktails pour faire découvrir la variété des alcools et spiritueux de la Botte. Il n’y a pas que le Martini et le Spritz en Italie : le pays possède de nombreuses ressources viticoles en faisant, avec la France, le pays le plus intéressant d’Europe. Là-bas aussi, dynamisme et création sont de rigueur.