Élections régionales en Galice – Le Parti populaire évite la catastrophe

19 février 2024

Temps de lecture : 7 minutes

Photo : Alberto Núñez Feijóo, président du PP, en juin 2023. - Luis Soto / SOPA//SOPAIMAGES_SOPA1474/Credit:SOPA Images/SIPA/2307240915

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Élections régionales en Galice – Le Parti populaire évite la catastrophe

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Vote serré en Galice. Mais le Parti populaire parvient à conserver sa région. Cela pourra avoir des conséquences régionales, tant sur Pedro Sanchez que sur le PP.

La Galice, terre de droite… et berceau de célèbres dirigeants espagnols

Dans le grand jeu de la géographie électorale espagnole, la Galice (communauté autonome située à la pointe nord-ouest de l’Espagne, au bord de l’océan Atlantique) est résolument ancrée à droite. Il suffit de regarder la liste de ses présidents depuis le retour à la démocratie pour s’en convaincre. On constate en effet une nette domination des personnalités de centre droit et de droite classique issues de l’ancienne Union du Centre démocratique (UCD), de la défunte Alliance populaire (AP) et du rejeton de cette dernière, l’actuel Parti populaire (PP).

Depuis 1977, cette autonomie cumule ainsi une quarantaine d’années de gouvernements menés par des responsables venus de ces formations, contre à peine six pour la gauche. D’ailleurs, jamais un président socialiste galicien n’a été réélu après avoir effectué son mandat. Après un peu moins de trois ans passés au palais de Rajoy (siège de la présidence régionale, à Saint-Jacques-de-Compostelle), Fernando González Laxe a dû céder la place à Manuel Fraga. Quant à Emilio Pérez Touriño (2005-2009), il a été sèchement battu par le dauphin de Fraga, un certain Alberto Núñez Feijóo, dès que son poste a été remis en jeu.

Paradoxalement, le pouvoir municipal de la droite est très faible en Galice. Il faut descendre à la septième place du classement des villes galiciennes les plus peuplées, avec la cité de Ferrol (64 000 habitants), pour trouver une commune dont le maire est membre du PP.

La Galice a vu naître plusieurs chefs de cabinet espagnols depuis plus d’un siècle, à l’instar de José Canalejas (1910-1912), d’Eduardo Dato (plusieurs fois président du Conseil entre 1913 et 1921), de Manuel Portela Valladares (de fin 1935 à début 1936), de Santiago Casares Quiroga (père de la célèbre actrice María Casares, à la tête du Conseil des ministres durant quelques mois en 1936), de Leopoldo Calvo-Sotelo (président du gouvernement de 1981 à 1982, né à Madrid, mais issu d’une famille directement liée à la Galice et de Mariano Rajoy (2011-2018).

Par ailleurs, deux chefs de parti sont aujourd’hui des Galiciens : d’un côté, le chef de l’opposition nationale et président du Parti populaire, Alberto Núñez Feijóo ; de l’autre, Yolanda Díaz, coordinatrice de la coalition de gauche « radicale » Sumar et deuxième vice-présidente du gouvernement de Pedro Sánchez.

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Cherchant à profiter des troubles engendrés par la proposition d’amnistie des anciens responsables séparatistes catalans (idée qui abîme la popularité de l’exécutif de Pedro Sánchez à Madrid), le président régional galicien Alfonso Rueda a décidé d’avancer de quelques mois le scrutin dans la communauté autonome. La Galice doit ainsi ouvrir le cycle électoral de 2024 outre-Pyrénées, avant le scrutin régional au Pays basque et le vote au niveau européen.

Au vu des larges compétences dont disposent les dix-sept autonomies espagnoles et de leur poids économique, tout enjeu majeur les concernant finit forcément par rejaillir sur les sphères du pouvoir à Madrid. C’est encore plus vrai dans un contexte de polarisation extrême entre bloc de gauche et bloc de droite, le premier dominant au niveau national et le second, à l’échelon local. Les menaces qui planent sur l’unité du pays contribuent à crisper davantage encore le débat galicien.

Alfonso Rueda est le successeur au palais de Rajoy d’Alberto Núñez Feijóo, lequel a quitté ses fonctions pour devenir président du Parti populaire et tenter de « sauver » la formation après un scandale d’écoutes illégales. Núñez Feijóo avait enchaîné quatre majorités absolues depuis 2009 avant de mettre, en 2022, le pied à l’étrier à celui qui avait été son premier vice-président régional. Après avoir échoué à conquérir l’exécutif espagnol en 2023, Núñez Feijóo ne pouvait pas se permettre de perdre son fief historique.

Or, les sondages électoraux se sont avérés mitigés pour Rueda : certains lui donnaient la majorité absolue tandis que d’autres prédisaient le retour au pouvoir de la gauche par le biais d’une coalition entre le Bloc nationaliste galicien (BNG), les socialistes et la gauche « radicale » de Sumar. Tout était censé se jouer sur une poignée de votes avec seulement deux présidents envisageables : soit Alfonso Rueda, du PP, soit Ana Pontón, tête de liste des régionalistes du BNG.

Très proche du séparatisme dans les faits, cette dernière formation a été capable d’articuler, sous l’égide de sa nouvelle tête de file, un discours apparemment plus modéré sur le plan institutionnel et généreux sur le plan économique. C’est autour d’Ana Pontón que gravite désormais la gauche galicienne, le Parti socialiste ouvrier espagnol n’ayant jamais eu l’ambition réelle de retrouver le pouvoir à Saint-Jacques-de-Compostelle.

Une campagne nationale

Cela n’a nullement empêché les partis nationaux de s’impliquer directement dans le débat, multipliant les réunions publiques et voyages sur place. D’un côté, Pedro Sánchez martelait la nécessité d’un changement après quasiment quatorze ans de gouvernement de droite. De l’autre, Alberto Núñez Feijóo agitait le spectre de l’indépendantisme galicien, allié de facto au sécessionnisme catalan et dépassant le simple cadre du particularisme culturel. Il comptait aussi mettre à profit le mécontentement du secteur primaire espagnol, en plein mouvement des agriculteurs.

La gauche a, durant un temps, mis l’accent sur une marée de billes de plastique (les « pellets ») qui a déferlé sur les côtes de Galice au mois de janvier 2024. Un navire avait en effet perdu une partie de son chargement au large du littoral portugais quelques semaines auparavant et la catastrophe évoquait celle du Prestige. Rappelons qu’en novembre 2002, ce pétrolier immatriculé aux Bahamas avait subi une avarie entraînant une marée noire largement médiatisée. La gestion du désastre par le second gouvernement Aznar avait été partiellement jugée responsable de la défaite du PP aux élections générales de 2004. Pourtant, l’affaire des « pellets », qui a agité le landernau journalistique vingt ans plus tard, n’a pas eu l’effet escompté par les socialistes et le BNG.

En revanche, dans la dernière semaine de campagne, Alberto Núñez Feijóo a semblé reproduire les erreurs qui lui ont coûté la présidence de l’exécutif national en juillet 2023. La presse a en effet révélé que le chef du Parti populaire avait un temps songé à accorder une grâce à l’ancien président régional catalan Carles Puigdemont (Junts per Catalunya), promoteur du référendum séparatiste d’octobre 2017, s’il se rendait à la justice espagnole et promettait de ne plus soutenir l’indépendance de la Catalogne.

Núñez Feijóo a eu beau rétropédaler dans les médias, le mal était fait car le Parti populaire n’a cessé, depuis la fin 2023, d’agiter la rue contre l’amnistie des indépendantistes catalans défendue par Pedro Sánchez. Les socialistes ont sauté sur l’occasion pour accuser leurs adversaires d’hypocrisie tandis que la droite « radicale » de Vox a reproché aux populares de trahir la nation.

Il semblerait qu’Alberto Núñez Feijóo vive encore dans l’illusion qu’il pourra, d’ici à quelques mois, monter une motion de censure contre le cabinet Sánchez lui permettant d’accéder au palais de La Moncloa (siège de la présidence du gouvernement espagnol). Or, pour y parvenir, il aurait besoin des sièges de Junts et du Parti nationaliste basque (PNV) au Congrès des députés. Toutefois, ces formations n’ont aucunement l’intention de céder leurs voix à la droite.

Le chef du PP n’a visiblement pas compris que l’Espagne ne vit plus en 1996. Cette année-là, José María Aznar (Parti populaire) était élu président du gouvernement après avoir signé à l’hôtel Majestic de Barcelone un pacte avec Convergence et Union (CiU, ancêtre de Junts), le PNV et la Coalition canarienne.

Dans le contexte des élections galiciennes du 18 février 2024, toute erreur du Parti populaire pouvait lui être fatale en le plaçant à un ou deux sièges de la majorité absolue (fixée à 38 députés régionaux). En effet, la formation démocrate-chrétienne ne pouvait a priori pas compter sur Vox, dont les chances d’entrer au Pazo del Hórreo (bâtiment où siège l’assemblée régionale) étaient bien maigres. Alberto Núñez Feijóo avait donc commis un impair qui serait peut-être lourd de conséquences.

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Quoi qu’il en soit, ces polémiques ont, dans une large mesure, éclipsé des médias les principaux problèmes propres à la Galice : état déclinant du système de santé, crise du secteur de la pêche et de l’industrie lourde, infrastructures ferroviaires déficientes ou encore vieillissement accéléré de la population.

La victoire finale de la droite

Finalement, le Parti populaire d’Alfonso Rueda a limité la casse selon les chiffres dont nous disposons au moment où nous rédigeons cet article. Il obtient en effet 40 sièges, soit deux de plus que la majorité absolue, mais deux de moins qu’en 2020. Ces élus ont été gagnés par le Bloc nationaliste galicien et par une formation locale conservatrice, Démocratie d’Orense (DO). Celle-ci est traditionnellement proche du PP, mais son comportement institutionnel est souvent imprévisible. Par conséquent, devoir compter sur elle afin de former un nouveau cabinet aurait été inconfortable pour les populares. Une telle érosion de Rueda était prévue par les sondages, mais aura été moins catastrophique que ce que certains craignaient.

À gauche, la croissance du BNG d’Ana Pontón (25 députés, soit six de plus qu’en 2020), était elle aussi annoncée par tous les sondeurs. Elle progresse essentiellement aux dépens du Parti socialiste ouvrier espagnol, qui s’effondre à 9 sièges (soit quatre de moins qu’il y a quatre ans).

La campagne du candidat social-démocrate, José Ramón Gómez Besteiro, a été handicapée par l’image très effacée de l’homme lui-même, mais aussi par la stratégie du PSOE au niveau national. Constatant qu’ils ne pourraient pas arriver en tête à gauche, les socialistes ont préféré tout miser sur le charisme d’Ana Pontón. Ils imaginaient qu’ils favoriseraient ainsi un changement au palais de Rajoy. Pourtant, l’écroulement du PSOE (- 50 000 bulletins en quatre ans) a ôté toute possibilité à ses alliés d’expulser le Parti populaire de la présidence galicienne.

Quant à Vox et à la gauche « radicale » espagnole (Sumar et Podemos), ils n’ont, une fois de plus, pas réussi à s’implanter sur une terre rétive aux révolutions et qui a favorisé les formations déjà installées (exception faite DO, dont l’implantation est locale).

De fait, certaines enquêtes d’opinion montraient qu’une moitié des Galiciens estimaient avant le scrutin que la communauté autonome n’allait pas si mal. Plus encore, environ 53 % d’entre eux validaient la gestion politique d’Alfonso Rueda, ce qui ne laissait pas nécessairement entrevoir un raz-de-marée défavorable au Parti populaire. D’ailleurs, avec une participation en hausse par rapport à 2020 (+ 18 points environ), le PP maintient son pourcentage de bulletins d’il y a quatre ans (autour 47,5 %) et obtient plus de 57 000 voix supplémentaires.

La stratégie de Yolanda Díaz, dirigeante de Sumar, et de Ione Belarra, secrétaire générale de Podemos, s’est donc soldée par un échec ce 18 février. Toutefois, le grand perdant de la soirée est le chef de l’exécutif espagnol. Bien évidemment, Pedro Sánchez ne démissionnera pas de son poste et cette déconfiture ne le détournera pas de ses objectifs politiques immédiats. Cependant, la défaite affaiblit l’assise locale du PSOE, laquelle avait déjà souffert lors des élections municipales et régionales de mai 2023.

De son côté, Alberto Núñez Feijóo peut souffler. Certes, le dépouillement des votes des Galiciens de l’étranger peut encore modifier à la marge le nombre de sièges attribué aux uns et aux autres. Toutefois, son dauphin devrait conserver la direction d’une communauté autonome symbolique pour le Parti populaire.

Une question se pose néanmoins à son sujet : Núñez Feijóo est-il vraiment le candidat adéquat de la principale formation de droite espagnole ? En d’autres termes, peut-il finir par diriger le gouvernement national ? Il a été capable, tout comme en juillet 2023, de gâcher une avance confortable dans la dernière semaine de campagne par ses maladresses et une communication erratique.

Pour son propre bien, le PP devrait mener, dans les prochaines semaines, une profonde réflexion à ce sujet. Cependant, il est peu probable que son président, renforcé par le résultat galicien, favorise un tel débat…

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À propos de l’auteur
Nicolas Klein

Nicolas Klein

Nicolas Klein est agrégé d'espagnol et ancien élève de l'ENS Lyon. Il est professeur en classes préparatoires. Il est l'auteur de Rupture de ban - L'Espagne face à la crise (Perspectives libres, 2017) et de la traduction d'Al-Andalus: l'invention d'un mythe - La réalité historique de l'Espagne des trois cultures, de Serafín Fanjul (L'Artilleur, 2017).
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