En France, le secteur du logement connait une crise depuis maintenant plusieurs années. Alimentée par des facteurs conjoncturels mais aussi structurels, la tension locative est en hausse dans tous le pays. Retour sur les raisons d’une telle crise et les possibles solutions.
Article paru dans le numéro 50 de mars 2024 – Sahel. Le temps des transitions.
Depuis plus de dix ans maintenant, la demande sur le marché de la location explose, tandis que l’offre de biens à louer se rétracte. La tension locative s’est nettement accrue ces deux dernières années. Sur la seule année 2022, la demande de biens locatifs a ainsi bondi de 54 %, quand, dans le même temps, l’offre baissait de 30 %. À l’évidence, de nombreux facteurs conjoncturels sont récemment venus renforcer ces tensions, en particulier la hausse des taux d’intérêt et le rationnement consécutif du crédit immobilier, lesquels contraignent de nombreux aspirants acheteurs à reporter ou à abandonner leur projet, autrement dit à demeurer locataires. D’autres facteurs plus structurels, d’ordre fiscal, budgétaire ou réglementaire, expliquent cependant les défaillances du marché locatif, qui doivent alors être imputées à l’État et à son excessif interventionnisme – et non à la liberté des agents économiques et à d’éventuels abus des acteurs privés.
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Parmi ceux-ci, arrêtons-nous, par le prisme de la théorie du contrôle des prix, sur le rôle néfaste joué par l’encadrement des loyers. Pour rappel, il existe dans la législation française trois types d’encadrement des loyers : l’encadrement de la hausse des loyers en cours de bail, qui limite la hausse à celle de l’indice de référence des loyers (IRL) ; l’encadrement de la hausse des loyers à la relocation dans les zones dites « tendues », qui oblige à geler le loyer ou à limiter son augmentation au niveau de l’évolution de l’IRL (sauf en cas de travaux ou de vacance de longue durée) ; enfin, à titre expérimental, pour une durée de huit ans et pour les villes qui en font la demande, l’encadrement des loyers à la mise en location et au renouvellement du bail. Ainsi, en 2023, 24 villes ont fixé administrativement un plafond, dans le cadre donc de cette expérimentation prévue par la loi du 23 novembre 2018 dite « loi ELAN ».
Pourquoi la pénurie d’appartements à louer est-elle, au moins en partie, le fruit pourri de l’encadrement des loyers ? Que se passe-t-il lorsque les loyers sont encadrés, c’est-à-dire plafonnés au-dessous de leur prix de marché ? En raison de la faiblesse des loyers, on assiste à une hausse de la demande locative et à une baisse de l’offre du nombre de logements mis sur le marché. Ne pouvant plus être résorbés par la variation des prix, puisque ceux-ci ne sont plus libres de varier, les déséquilibres se manifestent au niveau des quantités offertes, d’où la situation de pénurie. La qualité du parc locatif tend corrélativement à se dégrader, le moindre rendement de l’investissement locatif se traduisant par un moindre entretien des biens par les propriétaires. En fin de compte, l’encadrement des loyers pousse à l’illégalité. La fondation Abbé Pierre a démontré que, dans les grandes villes, plus de 30 % et parfois même 40 % des nouvelles mises en location dépassaient les plafonds légaux.
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Dans une économie de marché, les prix agrègent un grand nombre d’informations émanant d’une myriade de producteurs et de consommateurs. Les prix jouent donc un rôle économique fondamental : ils sont d’authentiques signaux qui véhiculent l’information disponible et qui guident les agents économiques, en leur permettant d’ajuster leurs comportements et de se coordonner. Si le gouvernement entend lutter contre l’inflation et améliorer véritablement l’accès au marché locatif des familles les plus modestes, c’est sa fiscalité, sa dépense publique et sa réglementation qu’il devrait réévaluer, plutôt que de bloquer les prix en leur retirant, ce faisant, leur vertu informationnelle.