Depuis l’attaque terroriste du 7 octobre (environ 1 200 victimes israéliennes et 240 otages enlevés), Israël a subi une série d’humiliations sans précédent. Cette guerre menée par un peuple qui aime la vie, obligé à la violence, face à un mouvement totalitaire qui aime la mort et pratique le terrorisme, n’aura qu’un temps, bien sûr. Israël finira par remplir ses objectifs : récupérer les otages et détruire l’armée du Hamas. Mais le mal est fait.
Article paru dans le numéro 49 de janvier 2024 – Israël. La guerre sans fin.
En attendant l’issue finale, l’humiliation israélienne est triple : politique, sécuritaire, médiatique. Au lendemain de ce conflit, le Premier ministre Benyamin Netanyahou et tous les responsables auront des comptes à rendre. Dans une démocratie ouverte comme Israël, tout se fera sous le regard des opinions publiques – israélienne, arabe, internationale. Cette nouvelle épreuve imposée par le Hamas sera humiliante.
Depuis sa création, en mai 1948, l’État hébreu a rarement connu une telle tempête. Il y eut un précédent, en octobre 1973, face à l’Égypte et la Syrie, lorsque le gouvernement de Golda Meir fut pris par surprise. Après huit jours de flottement, Tsahal l’emporta. Six mois plus tard pourtant, l’enquête officielle obligeait Golda Meir et une demi-douzaine de hauts responsables militaires et civils à démissionner. Les suites de ce 7 octobre fragiliseront de nouveau le leadership israélien.
Humiliation sécuritaire aussi. Les responsables israéliens devront expliquer comment le Hamas a pu les aveugler et infliger une telle gifle à Tsahal, première puissance militaire au Moyen-Orient, au Mossad et au Shin Beth, réputés les meilleurs services de renseignement du monde. La montée en puissance de la branche militaire du Hamas, avec l’argent et les conseils du Qatar et de l’Iran, était pourtant connue. Mais les services israéliens avaient jugé cette menace à leur portée. Ils s’attendaient à une attaque d’ampleur, mais en avaient écarté l’imminence, négligeant certains signaux inquiétants.
Le Hamas a su endormir Israël. Avec l’accord de 2022 permettant le retour de milliers de travailleurs gazaouis en territoire israélien et le calme relatif de la bande de Gaza, il a fait semblant de vouloir refaire ses forces et soigner sa popularité en vue des prochaines élections palestiniennes. Quelle illusion ! Comme si cette milice totalitaire s’était un jour préoccupée du sort des 2,5 millions de Gazaouis, maintenus dans une pauvreté chronique, malgré le milliard de dollars déversé chaque année par la communauté internationale – dont la généreuse Union européenne !
Leurré, le gouvernement israélien avait reporté ses forces sur ses deux priorités : la Cisjordanie, face au regain de violences anti-israéliennes, et la sécurité de ses 700 000 colons – l’électorat de la majorité actuelle. L’état-major avait imprudemment dégarni les lignes de défense autour de Gaza, trop confiant dans sa clôture de sécurité, réputée infranchissable. À l’aube du 7 octobre, les 1 500 commandos islamistes, renforcés par des civils gazaouis, l’ont franchie avec des bulldozers, des paramoteurs, des 4 x 4 blindés, pour déferler sur des postes militaires trop faibles et des kibboutz livrés à eux-mêmes, pendant de longues heures.
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La riposte israélienne a été foudroyante, comme il se devait. Les raids sur Gaza ont détruit des milliers d’immeubles et cassé les défenses du Hamas, tuant près de 2 000 de ses combattants. Mais sur ce territoire très fortement urbanisé, avec une densité souvent proche de 20 000 habitants au km2, l’effet des bombes a été doublement destructeur : pour la population civile et pour la perception d’Israël dans l’opinion internationale. Les images des civils affolés, des femmes et des enfants blessés, les hôpitaux ravagés, privés d’eau et d’électricité, ont alimenté la propagande du Hamas, contribuant à effacer la trace de ses exactions du 7 octobre : l’enlèvement de vieillards, de femmes, de bébés, sans parler des viols et des mutilations sauvages.
Les libérations d’otages, habilement mises en scène par les combattants islamistes, ont renforcé cette humiliation médiatique. L’émotion et le soulagement des otages et de leurs familles ont semblé gommer la responsabilité énorme du Hamas dans cette situation. Maître du tempo médiatique et émotionnel, le Hamas a gagné cette première phase. Dans ce type de conflit asymétrique, quand le plus puissant (Israël) ne l’emporte pas, le plus faible (le Hamas) est gagnant.