Livres de la semaine – 12 janvier

12 janvier 2024

Temps de lecture : 7 minutes

Photo : Bibliothèque de la Sorbonne (c) Wikipédia

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Livres de la semaine – 12 janvier

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Histoire du Japon, puissance maritime, FBI et Bonaparte, Lénine et la révolution, immigration. Aperçu des livres de la semaine.

Japon

Pierre-François Souyri, Nouvelle histoire du Japon, Perrin, 2023, 29€.

L’histoire du Japon racontée par Pierre-François Souyri nous fait découvrir un pays si différent de l’Occident que les catégories historiques de ce dernier ne permettent pas d’en retracer correctement l’évolution. En effet, on parcourt une histoire qui se caractérise par des à-coups brutaux, où les périodes de repli et de stagnation alternent avec des contacts avec l’extérieur, qui peuvent apporter aussi bien des progrès rapides que la guerre dans le pays.

Une histoire cyclique qui aboutit à la spectaculaire ère Meiji, où le pays devient l’égal des puissances occidentales, alors que tous ses voisins asiatiques subissent la colonisation à des degrés divers. Une expansion qui fait glisser le pays vers la guerre, laquelle le conduit jusqu’à l’effondrement en 1945.

Ainsi, la situation actuelle du Japon semble s’inscrire dans cette logique : la triple crise que connaît actuellement le Pays du Soleil Levant – démographique, économique, et de déclassement international – fait suite à la période d’expansion économique phénoménale que le pays a connu entre l’après-guerre et les années 1990. Et l’on peut ainsi envisager que le pays se redressera un jour ou l’autre, et qu’il le fera de façon spectaculaire.

Jean-Yves Bouffet

Un autre Bonaparte

Daniel de Montplaisir, Charles-Joseph Bonaparte. Fondateur du FBI, Perrin, 2023, 24€.

Figure politique influente du XXe siècle, petit neveu de Napoléon Bonaparte, Charles-Joseph ne porte que peu d’importance à cet héritage, tant sur le plan politique que spirituel. Charles-Joseph Bonaparte, comme citoyen américain, œuvre pour la modernisation et la démocratisation de son pays. Combattant de la corruption à l’œuvre en Amérique, il s’affirme, sous la présidence de Théodore Roosevelt, avec lequel il se lie d’amitié. Il exerce alors en tant que ministre de la Marine, puis de la Justice, dans une période au cours de laquelle on lui reconnaît la fondation d’un organisme majeur, aujourd’hui nommé FBI.

Montplaisir opte pour une lecture chronologique de l’existence de Charles-Joseph Bonaparte.

En effet, son histoire prend ses racines dans le rêve d’une famille corse d’émigrer à l’étranger dans le contexte de la guerre d’indépendance américaine. Son enfance en Amérique précède des études de droit à Harvard, dans lesquelles ce dernier s’illustre rapidement, et révèle un désir de participer activement à l’embellissement de la société, avant de faire carrière en politique. Mais malgré une action d’ampleur dans l’organisme étatique, Charles-Joseph Bonaparte doit sa postérité à des facteurs tout autres : d’abord, son sourire, « tantôt cynique tantôt enjôleur », qui révèle toute la complexité d’un homme qui laisse derrière lui une image ambiguë. Par ailleurs, c’est la création du FBI qui participe de sa notoriété.

Une fois au pouvoir, Bonaparte n’est pas seulement un « simple ministre », mais entretient un lien étroit avec les plus hautes sphères du gouvernement, ce qui lui vaut une réception nationale approbatrice au regard de ses actes. De surcroît, il apporte sa pierre à l’édifice sur la question de l’entrée en guerre des États-Unis en 1914. Outre les passe-droits qui règnent dans la fonction publique et contre lesquels il lutte ardemment, Charles-Joseph Bonaparte est aussi défenseur des populations indiennes.

C’est un homme qui semble difficilement classable politiquement parlant et sa complexité révèle une incapacité à pleinement le comprendre et à le définir. En outre, il est d’un caractère rationnel, mesuré, et laisse rarement libre-court à ses passions, si bien qu’il est d’autant plus ardu de saisir l’essence de Charles-Joseph Bonaparte. Pour autant, l’auteur fait le choix de brosser son portrait. Il en ressort une certaine insensibilité vis-à-vis des blâmes à l’égard de sa politique, mais qui s’émeut des injustices et s’engage dans une volonté d’améliorer le sort de ses contemporains.

Immigration

Maxime Guimard, Petit traité sur l’immigration irrégulière, Éditions du Cerf, 2024, 23,50€.

L’immigration est au centre des préoccupations et divise les individus. L’ouvrage que propose Maxime Guimard se veut exempt de toute idéologie et concentre uniquement les faits relatifs à ce phénomène de masse. C’est ainsi qu’il met en avant le caractère inédit de l’immigration, en particulier irrégulière. L’histoire montre certes des flux humains d’ampleur depuis des siècles, mais la nature de ces déplacements a été transformée au cours de ces dernières années, en particulier sur le plan démographique. Il semble notamment qu’un tiers de la population mondiale exprime aujourd’hui le désir d’émigrer.

Maxime Guimard, à travers l’ouvrage, effectue un travail de grande ampleur, et explore les facteurs explicatifs de l’évolution des étrangers en situation irrégulière. Il s’agit alors de concevoir la réalité des flux migratoires, qui donnent bientôt lieu à une volonté de réguler cette pratique. En outre, le progressif assouplissement des frontières témoigne de la montée de telles dynamiques. Il faut alors rappeler l’importance du rôle de la terre d’accueil, que l’auteur choisit de nommer « territoire d’inexpulsabilité ». En effet, celle-ci s’affirme comme un asile pour des individus qui quittent un pays ravagé par les conflits, la misère, ou les persécutions.

De fait, la massification du phénomène engage la conception d’une véritable diplomatie migratoire, au caractère parfois contradictoire. Des États choisissent, dans la lutte contre l’immigration, d’opter pour le système désincitatif que sont les visas, tandis que d’autres privilégient l’aide publique au développement. Celle-ci se veut propagatrice d’un accompagnement des États en difficulté sur le plan économique, et contribue in fine à une bonification des conditions de vie. Mais Guimard révèle en quoi les positions adoptées par les différents gouvernements face à l’immigration sont souvent improductives. Ainsi, les politiques relatives à l’immigration sont aujourd’hui confrontées à une impasse, particulièrement en Europe dont l’idiosyncrasie en matière migratoire se manifeste expressément en France.

La thèse selon laquelle l’immigration demeure sans solution judicieuse est réfutée par Maxime Guimard, qui défend la possibilité de faire plus, tant par la loi, que par les réformes administratives. L’ouvrage a pour ambition de faire entrevoir l’étendue des possibilités qu’a la France à la lumière de l’affaire migratoire.

Bolchévisme

Alexandre Sumpf, Lénine, Flammarion, 2023, 26€.

À la suite du centenaire de sa mort, il convient de revenir sur l’homme qu’a été Lénine. Alexandre Sumpf dresse de fait un portrait puissant de celui qui a dédié l’entièreté de son existence à la révolution communiste. Il offre le récit de l’année qui a transformé Vladimir Ilitch Oulianov, exilé marginal et révolté, en dirigeant autoritaire et inébranlable. Il conte l’histoire d’un homme qui a été pour le monde porteur d’un tournant majeur et jamais égalé. L’auteur, dans cette biographie fouillée de Lénine, veut, pour en donner l’image la plus fidèle possible, aborder son existence par des approches historiques plus récentes. Il propose un ouvrage vivant et juste : il ne néglige ni la relation de Lénine avec ses lieutenants ni les origines de la violence politique de ce dernier.

Lénine, de son vivant comme post-mortem, a divisé et divise encore et fait l’objet de controverses. Guide de la Révolution russe, il se fait maître d’un État dont la politique inédite perdure sur près d’un siècle. À l’aune de la Première Guerre mondiale, il se veut défenseur et bienfaiteur de la Russie.

Alexandre Sumpf met en lumière les raisons sous-jacentes à la poussée révolutionnaire de Lénine. Celui-ci, en effet, en exil à l’étranger, étonne, voire exaspère, tant il a propension à se perdre dans des débats théoriques sur la nature du régime et sur la nécessité d’une transformation intégrale du système politique. Ainsi Lénine s’affirme-t-il bientôt sur le paysage politique en activiste d’un mouvement rebelle à contre-courant de la Russie impériale. Sa création du parti bolchevik doit être étudiée en profondeur, puisqu’elle annonce la prise de pouvoir et la dictature du prolétariat. Le parti doit, pour son chef, reposer sur une constance qui est seule garante de sa montée au pouvoir. Il n’en est rien. Son évolution croissante lui donne les outils pour gagner en puissance et mener les coups d’éclat de 1917.

Il s’appuie sur un marxisme qu’il revisite afin de le mettre efficacement en pratique. Lénine cherche à éveiller les consciences sur la nécessité de procéder à la révolte populaire, qu’il tente de concilier avec la théorie politique. Ainsi veut-il insuffler un courant révolutionnaire à toute l’Europe, dont la Russie doit être le premier théâtre des succès de la transformation du paradigme politique.

Lénine est visionnaire : après la première vague révolutionnaire de 1917, et une fois rentré en Russie, il proclame haut et fort qu’une deuxième révolution est à l’ordre du jour, et que les soviets doivent devenir les nouveaux organes du pouvoir. Son décès précoce en 1924 entraîne le suivi fidèle de sa pensée et Lénine sera érigé en symbole intouchable.

Publications des auteurs de Conflits.

Monde maritime

Pierre Royer, Géopolitique des puissances maritimes, La Découverte, 2023, 11€.

Cet ouvrage met en exergue la nécessité évidente pour les puissances du monde de contrôler mers et océans afin de s’affirmer sur le paysage politique international. Il ne s’agit pas pour autant de reléguer au second plan la dimension terrestre des luttes et jeux de pouvoir interétatiques. Mais les puissances, à travers l’histoire, ont pu s’imposer grâce aux jeux de domination maritimes. De fait, mers et océans concentrent en leur sein des atouts majeurs en mesure de répondre aux défis actuels – notamment sur la question climatique et alimentaire – et sont ainsi au centre des préoccupations.

Pierre Royer démontre l’importance de l’exploitation active par les États des ressources océaniques et maritimes, en vue, de prime abord, de développer le savoir relatif à ce milieu, et, de facto, de gagner en puissance à l’international.

C’est en outre par une étude historique du contrôle progressif des mers que l’auteur met en valeur le caractère indispensable de leur pouvoir. L’hégémonie maritime s’affirme alors comme un moyen essentiel pour l’État de faire valoir son influence à l’international, ce qui mène par ailleurs aux XIXe et XXe siècles, lors des grands conflits, au triomphe des puissances maritimes. L’auteur mentionne ainsi le grand navigateur et explorateur William Raleigh, qui ouvre la voie à une politique d’exploration du monde par la navigation et la maîtrise navale. Il la résume en une sentence : « Qui tient la mer tient le monde ».

La dimension économique de la géopolitique des puissances maritimes est également fondamentale puisqu’elle participe de leur volonté de s’étendre au-delà des terres. Cet ouvrage veut enfin dépeindre la complexité des rapports de force entre États qui souhaitent gagner en influence sur le paysage maritime. Il réunit pour ce faire des sources d’une grande diversité : ouvrages scientifiques, articles de presse, statistiques, l’objectif étant de porter le regard le plus avisé possible sur les puissances maritimes actuelles. Pierre Roye porte ainsi une étude d’une grande richesse sur le rôle central des mers et océans dans les jeux de domination entre pays.

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Fondée en 2014, Conflits est devenue la principale revue francophone de géopolitique. Elle publie sur tous les supports (magazine, web, podcast, vidéos) et regroupe les auteurs de l'école de géopolitique réaliste et pragmatique.
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