<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Iran / Arabie saoudite : la paix s’installe

2 septembre 2023

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Février 2020 à Djeddah, pancarte montrant le prince héritier Mohammed bin Salmane et son plan "Vision 2030", Auteurs : Amr Nabil/AP/SIPA, Numéro de reportage : AP22425949_000001.

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Iran / Arabie saoudite : la paix s’installe

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La reprise des relations diplomatiques entre l’Iran et l’Arabie saoudite, qui pourrait contribuer à mettre fin au conflit meurtrier par procuration au Yémen et la visite du président syrien Bachar al Assad aux Émirats arabes unis (Assad est depuis longtemps soutenu par l’Iran, tandis que les Émirats arabes unis sont proches de l’Arabie saoudite) sont deux exemples d’une paix qui s’installe au Moyen-Orient. On pourrait en conclure qu’après 20 ans de troubles, la paix est en train d’éclater au Moyen-Orient. Si c’est le cas, cela aura d’importantes conséquences sur les investissements.

Première conséquence : les prix de l’énergie. J’ai pensé que les prix de l’énergie allaient augmenter en partant du principe qu’avec la réouverture de la Chine, les producteurs de pétrole en difficulté auront du mal à satisfaire la demande. Pourtant, ces derniers mois, les prix de l’énergie ont chuté et les actions dans ce secteur ont connu des difficultés. Ces signaux de prix pourraient également indiquer que la reprise chinoise est décevante, bien que les dernières données ne le confirment pas. Il pourrait aussi s’agir d’un changement structurel dans l’environnement énergétique mondial, puisque les grands acheteurs d’énergie comme l’Inde et la Chine peuvent désormais acheter de l’énergie au rabais auprès d’une Russie sanctionnée. Ou encore, la faiblesse des prix du pétrole s’explique peut-être par le fait que la demande finale mondiale est affectée par la croissance des véhicules électriques et hybrides.

Mais l’explication la plus simple est peut-être qu’avec l’instauration de la paix au Moyen-Orient, une partie de la prime de risque géopolitique est supprimée. Après tout, le Moyen-Orient au sens large est profondément perturbé depuis l’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003. L’Irak lui-même a été dévasté et est devenu le théâtre d’une guerre par procuration contre l’Iran. Cette situation est importante, car l’Irak est l’un des principaux producteurs mondiaux de pétrole à bas prix, tout comme l’Iran. L’instauration de la paix au Moyen-Orient pourrait donc se traduire par une augmentation des dépenses d’investissement dans ces deux pays, et donc par une hausse de la production de brut.

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Deuxième impact : les fabricants d’armes. L’Arabie saoudite, le Qatar et les Émirats arabes unis ont été des clients enthousiastes des marchands de mort occidentaux, principalement parce qu’ils craignaient l’expansionnisme iranien. Pourtant, ces dernières années, des armes perturbatrices comme les drones ont rendu la guerre asymétrique, le matériel militaire conventionnel étant vulnérable à une destruction soudaine. Cette prise de conscience a peut-être contribué à l’instauration de la paix. Quelle qu’en soit la raison, plus de paix devrait signifier moins de dépenses de défense ; et moins de dépenses de défense signifient que les nations du Moyen-Orient auront moins besoin de la monnaie occidentale.

Troisième impact : les relations entre les États-Unis et l’Arabie saoudite. En février 1945, le président Franklin D. Roosevelt a rencontré le roi Abdulaziz Ibn Saud à bord d’un destroyer américain en mer Rouge et a conclu un accord. En échange de la fin de leur dépendance à l’égard de la Grande-Bretagne, les États-Unis garantissent la sécurité du régime saoudien et la famille Saoud garantit aux États-Unis l’accès au pétrole saoudien – le plus important étant que le prix du pétrole soit fixé en dollars américains. En conséquence, l’Arabie saoudite est restée en sécurité et le dollar américain a été assuré de rester la monnaie de réserve mondiale, ne serait-ce que parce que le prix de toutes les transactions pétrolières était fixé en dollars (jusqu’à ce que les États-Unis obligent la Russie à vendre son pétrole en roupies indiennes, renminbi chinois, baht thaïlandais, dirhams émiratis, etc.) Mais dans quelle mesure l’Arabie saoudite aura-t-elle besoin de garanties de sécurité américaines si les négociations de paix la rendent plus sûre dans son voisinage immédiat ? Si tel est le cas, Riyad pourrait moins ressentir le besoin de recycler constamment d’importants excédents de comptes courants en actifs occidentaux.

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Sur ce dernier point, le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman n’a pas hésité à présenter des objectifs de développement ambitieux pour son pays, qu’il souhaite voir agir comme un phare dans tout le Moyen-Orient. De toute évidence, favoriser un contexte pacifique est essentiel à tout objectif de développement à long terme qui permet de redéployer la majeure partie de l’épargne saoudienne à l’intérieur du pays. Le fait que les investissements sur les marchés occidentaux se révèlent être des ratés – comme la perte record de l’année dernière sur les bons du Trésor américain et l’anéantissement de la participation de la Banque nationale saoudienne au Crédit suisse – ne fera qu’encourager davantage une telle utilisation domestique des capitaux excédentaires.

À propos de l’auteur
Louis-Vincent Gave

Louis-Vincent Gave

Louis-Vincent Gave est cofondateur de Gavekal Resarch, il vit et travaille à Hong Kong depuis de nombreuses années. Il est l’auteur de six livres dont Clash of Empires : Currencies and Power in a Multipolar World (2019).

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