<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Silvio Berlusconi : son héritage économique

14 juin 2023

Temps de lecture : 4 minutes

Photo : Silvio Berlusconi. Crédit : CC BY SA 2.0

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Silvio Berlusconi : son héritage économique

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À court terme, on se souviendra de Silvio Berlusconi en dehors de l’Italie principalement pour son caractère haut en couleur et sa vie sociale, son amitié avec Vladimir Poutine et les allégations de malversations qui ont entaché sa carrière politique et commerciale, culminant avec sa condamnation en 2013 pour fraude fiscale. Mais à plus long terme, son héritage le plus important pourrait bien être l’impact de ses mandats sur l’économie italienne.

Nick Andrews, analyste chez Gavekal. Article original paru sur le site de Gavekal. Traduction de Conflits.

Ses trois mandats – 1994-1995, 2001-2006 et 2008-2011 – font de M. Berlusconi le premier ministre italien de l’après-guerre qui est resté le plus longtemps au pouvoir, avec plus de neuf ans. Pendant ces mandats, et surtout pendant les deux derniers, les gouvernements de Berlusconi n’ont pas réussi à résoudre les problèmes fondamentaux de l’économie italienne et, dans certains cas, ils ont exacerbé les déficiences structurelles de l’Italie.

En conséquence, au premier trimestre 2023, le PIB réel de l’Italie était inférieur de 2,8 % à son niveau du premier trimestre 2008. En termes de PIB par habitant, depuis le lancement de l’euro en 1999, l’Italie a fait moins bien que tous les autres membres de la zone euro, y compris la Grèce, qui a subi une contraction de près de -25 % dans les années qui ont suivi la crise de la dette de la zone euro.

Tout cela ne peut être imputé à Berlusconi. En effet, on peut soutenir que Berlusconi a été davantage un effet du malaise économique de l’Italie que sa cause, les problèmes structurels datant des années 1970 et 1980 ayant constitué un terreau fertile pour le développement de la marque particulière de populisme de l’ancien crooner de bateaux de croisière au début des années 1990.

Le miracle italien

Pour l’Italie, les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale ont été une période de rattrapage rapide de la croissance, l’intégration européenne et les transferts de technologie ayant contribué à propulser l’industrialisation du pays, l’emploi dans l’agriculture passant de 40 % de l’emploi total en 1950 à 16 % en 1976.

Mais dans les années 1970, les moteurs de la croissance italienne se sont essoufflés et la croissance de la productivité totale des facteurs s’est arrêtée. Dans le même temps, une forte inflation, associée à un marché du travail tendu, a entraîné des demandes de fortes augmentations de salaires et de prestations sociales généreuses de la part de l’État. Les gouvernements de gauche de l’époque ont accédé à cette demande, en augmentant les dépenses publiques financées par les achats d’obligations d’État de la Banca d’Italia. En conséquence, après la fin des accords de Bretton Woods, la lire italienne a chuté de façon spectaculaire, perdant 70 % par rapport au deutsche mark entre 1973 et 1985.

Ce modèle de dépenses publiques élevées et de dépréciation de la monnaie a soutenu la croissance italienne tout au long des années 1980, au prix d’une forte augmentation de la dette publique, qui a atteint 131 % du PIB en 1995.

Dette et problème monétaire

Mais ce modèle a été rendu inopérant au début des années 1990 par le traité de Maastricht de l’Union européenne, qui interdisait la monétisation de la dette publique, et par la mise en place du mécanisme de change européen, qui interdisait la dépréciation de la monnaie pour maintenir la compétitivité par rapport aux autres économies membres.

L’Italie est sortie du mécanisme de change en 1992. Mais le répit n’a été que temporaire. En 1994, alors qu’une grande partie de l’establishment italien était discréditée par l’enquête anti-corruption mani pulite (mains propres), qui a piégé des personnalités politiques de premier plan, dont l’ancien premier ministre socialiste Bettino Craxi, le magnat des médias Berlusconi a accédé au pouvoir en tant que premier ministre de la « deuxième république » italienne, sur la base d’un programme populiste promettant de créer un million d’emplois. Le premier gouvernement de Berlusconi a duré moins d’un an, mais ses successeurs de la deuxième république, notamment Romani Prodi, ont ramené l’Italie dans le mécanisme de change et ont finalement intégré le pays dans la zone euro lors de l’introduction de l’euro en 1999.

Ce modèle de dépenses publiques élevées et de dépréciation de la monnaie a soutenu la croissance italienne tout au long des années 1980, au prix d’une forte augmentation de la dette publique, qui a atteint 131 % du PIB en 1995.

Obligé de se conformer aux objectifs budgétaires de la zone euro, le deuxième gouvernement de Berlusconi, de 2001 à 2006, a constamment dégagé des excédents budgétaires primaires, ramenant la dette publique à 104 % du PIB en 2007.

Mais cette priorité accordée à la réduction de la dette, qui s’est poursuivie pendant le troisième mandat de M. Berlusconi après la crise financière mondiale de 2008, a eu un coût. Pendant des années, l’Italie a sous-investi dans les infrastructures physiques, ce qui a contribué à une nouvelle perte de compétitivité. Après avoir stagné pendant deux décennies, la productivité totale des facteurs a commencé à se détériorer dans les années 2000. En 2019, elle était inférieure de près de 20 % à son niveau de 1980. En revanche, celle de la France était supérieure de 18 % et celle de l’Allemagne de 35 %.

Au cours de cette période, durant laquelle Berlusconi a dominé la politique italienne, la détérioration de l’infrastructure physique de l’Italie est apparue comme une métaphore de la décadence de ses institutions nationales. Au lieu de saisir l’occasion de ses mandats prolongés (pour l’Italie) pour faire avancer les réformes structurelles de l’économie italienne, Berlusconi s’est lancé dans le copinage et a profité d’un système judiciaire obsolète et sclérosé pour contrecarrer ceux qui cherchaient à le démasquer. Il en a résulté une période de déclin économique que l’Italie s’efforcera d’inverser pendant des années.

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