Asie/Afrique : les courbes se sont croisées. Depuis 1990, la pauvreté a fondu en Asie mais a augmenté en Afrique. Une évolution qui interroge les modèles de développement.
Avec sa forme d’entonnoir et sa torsion de couleurs, ce graphique témoigne d’une bonne nouvelle et de plusieurs remises en cause.
La bonne nouvelle, c’est que le nombre d’employés vivant dans une extrême pauvreté a été divisé par 3,6 entre 1991 et 2021, passant de 808 millions à 224 millions, alors même que la population mondiale est passée de 5,3 à 7,8 milliards au cours de ces trente années. Il y a donc, sur Terre, de plus en plus de monde et de moins en moins de pauvres, ce qui contredit une nouvelle fois les thèses malthusiennes. Les causes de cette sortie de la pauvreté sont connues : l’accroissement de la productivité, la mondialisation qui, en favorisant les échanges, a accru la création de richesse. L’économie n’est pas un jeu à somme nulle et le monde n’est pas fini, comme en témoigne cette heureuse évolution d’extinction de la pauvreté au cours des trente dernières années.
Mais ce graphique apporte aussi plusieurs remises en cause. Alors qu’en 1991, l’Asie était le continent qui comptait le plus de travailleurs pauvres, c’est désormais l’Afrique qui détient cette triste palme. Partout la pauvreté a fondu, sauf en Afrique, où elle est près de deux fois plus importante qu’en 1991. L’Afrique noire a reculé, en valeur relative et en valeur absolue. Pourquoi cette trajectoire inversée par rapport à l’Asie ? Plusieurs causes peuvent être invoquées, comme l’explosion démographique, l’accroissement des guerres, l’exacerbation des rivalités ethniques.
Autre remise en cause : l’efficacité réelle de l’aide internationale et de l’action humanitaire. L’Asie, qui n’en a presque pas eu, a progressé, l’Afrique, qui en est le réceptacle principal, a régressé. Voilà qui confirme les thèses déjà démontrées par Peter Bauer en 1984 dans son ouvrage Mirage égalitaire et tiers-monde. C’est le capitalisme, le travail, l’investissement, l’entrepreneuriat qui permettent d’éradiquer la pauvreté, non l’aide humanitaire et l’action sociale à l’échelle internationale. La « rente » de l’aide s’avérant contre-productive pour les pays qui en sont les bénéficiaires en se transformant en trappe à pauvreté.
« L’Asie a tiré parti de la Mondialisation. »
Peter Bauer fut l’un des premiers à démontrer que la pauvreté est utile aux politiques, comme moyen de contrôle social et d’activation du discours victimaire. La carte des pays les plus pauvres d’Afrique en est un exemple terrible. En 1960, Madagascar était promise aux jours heureux et nombreux étaient les géographes et spécialistes du développement qui pensaient que l’île dépasserait aisément les pays d’Asie alors de son niveau, comme le Vietnam, la Corée ou les Philippines. Si ces derniers ont décollé, Madagascar est resté coincé dans son sous-développement. En dépit de ses sous-sols riches, l’Angola, la RDC, le Mozambique sont touchés par une pauvreté endémique, tout comme le Congo-Brazzaville qui n’a jamais atteint les rêves portés par les espoirs de son indépendance. Les discours tiers-mondistes et les mythes égalitaristes ont fait beaucoup pour maintenir et accroître cette pauvreté. Là réside d’ailleurs la faute principale de l’Occident, dans le fait d’avoir produit et véhiculé ces discours erronés qui ont prôné des actions ayant aggravé les maux. La Chine de 1991 n’a plus grand-chose à voir avec celle d’aujourd’hui. Si Xi Jinping peut se rêver en maître du monde, c’est aussi parce qu’une large part de sa population est sortie de la pauvreté.
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Réduire les inégalités ou lutter contre la pauvreté ?
Le ressentiment ne sera ni suffisant ni utile pour réparer les maux. L’Asie est un bon exemple de l’affranchissement des discours de peur et de culpabilisation. La façon réellement extraordinaire dont les pays ont réussi à sortir de la pauvreté et à hausser le niveau de vie ne peut être qu’un encouragement pour ceux qui n’ont pas encore atteint ces objectifs.