La mer a aussi son préfet. Institué sous Napoléon, maintenu par la suite avec des compétences qui ont évolué, le préfet maritime est le garant de la protection des côtes et des espaces maritimes français.
Le préfet est une institution essentielle en droit administratif français, issue directement de la création de Napoléon Bonaparte. Celui-ci les a institués par la loi du 18 Pluviôse an VIII. Aujourd’hui, le préfet est inscrit à l’article 72 de la Constitution qui dispose que « dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, du contrôle administratif et du respect des lois ».
Un acteur essentiel depuis l’époque napoléonienne
S’agissant du préfet maritime, c’est dans le même esprit que Napoléon les as mis en place par le décret du 7 Floréal an VIII, en lui donnant les missions de la « sûreté des ports, de la protection des côtes, de l’inspection de la rade, et des bâtiments qui y sont mouillés ». Le préfet maritime avait ainsi la charge de missions de police administrative assez classiques comparativement à ce qui pouvait se passer à terre. Si l’institution a été supprimée sous la Restauration au profit du commandant de la Marine et de l’intendant, le préfet maritime est vite réapparu puisque, faisant état de la mauvaise administration maritime, Charles X l’a rétabli en 1827. Absolument essentiel pour coordonner les politiques publiques maritimes, le préfet maritime a quasiment toujours été un amiral de la Marine française.
Dans les décennies 1960 et 1970, plusieurs naufrages, dont celui du pétrolier Torrey canyon dans les îles Scilly, conduisent le politique à renforcer les pouvoirs du préfet maritime. Celui-ci devient le pivot des situations d’urgences dans l’organisation des secours et du sauvetage en mer, coordonnant les différents acteurs impliqués. Quelques jours avant le naufrage de l’Amoco Cadiz au large du Finistère, son rôle est renforcé en matière de coordination. Ce naufrage démontre avec pertinence le besoin de renforcer la lutte contre la pollution maritime.
Aujourd’hui, le préfet maritime voit son rôle renforcé, car en plus de sa police administrative générale et de ses prérogatives de gestion de crise, il est au cœur de la planification de l’espace maritime, c’est-à-dire de la gouvernance des espaces littoraux et maritimes français, afin de les valoriser durablement.
À lire également
Les pavillons maritimes : une concurrence sans complaisance
Les multiples casquettes du préfet maritime
Le décret 2004-112 dispose que le préfet maritime est un officier général de marine, c’est-à-dire un amiral. Ce dernier va revêtir trois casquettes différentes : commandant d’une zone maritime, commandant d’un arrondissement maritime, et enfin préfet maritime. Pour comprendre les compétences qui vont avec chaque casquette, il est plus simple de dire pour le compte de qui le préfet maritime agit en chacune de ces qualités.
En tant que commandant de zone maritime, il agit pour le compte du chef d’état-major des armées. Il s’agit d’un commandement opérationnel des forces déployées dans sa zone : celui-ci comprend la planification, mais également la conduite, le suivi et le soutien des opérations en cours. Le préfet maritime de Brest exerce ce commandement en Atlantique, le préfet maritime de Toulon en Méditerranée et celui de Cherbourg en Manche et mer du Nord. Ces responsabilités s’appliquent au-delà de la ZEE mais dans des grandes zones de contrôle opérationnel.
Pour ce qui est de sa qualité de commandant d’arrondissement maritime, le préfet maritime agit pour le compte du chef d’état-major de la marine. Sa mission est d’assurer la préparation des forces présentes dans son arrondissement : cela comprend aussi bien l’instruction des marins que le maintien en conditions opérationnelles des bâtiments et équipages.
Enfin, le préfet maritime en tant que tel est le représentant du gouvernement dans la zone qui lui est attribuée. Cette qualité est purement civile et correspond à l’action de l’État en mer : il dispose d’un pouvoir de police administrative générale lui permettant de couvrir les missions qui lui sont confiées. Concrètement, le préfet maritime va être compétent dans différentes matières allant de la sécurité maritime au sauvetage en mer et au maintien de l’ordre en mer, en passant par l’environnement marin ou encore la coordination de la lutte contre les activités illicites. En cette qualité, le préfet maritime a des compétences assez comparables avec celles d’un préfet terrestre.
À lire également
Faillite des ports français : la responsabilité du Corps
Une institution au cœur d’un écosystème administratif complexe
Quand on parle d’administration et de mer, on pourrait avoir tendance à croire que le préfet maritime est le seul compétent en mer. Tant s’en faut. Les préfets de département et de région poursuivent de nombreuses missions qui concernent le maritime par le moyen des services déconcentrés que sont les directions départementales des territoires et de la mer ou bien les directions interrégionales de la mer.
Celles-ci ont de nombreuses compétences en matière de pêche et aquaculture, d’aménagement du littoral, de gestion des gens de mer, d’environnement marin, ou encore de sécurité maritime. Au fond, l’administration de la mer n’est pas cloisonnée en termes de compétences : ce sont différents préfets qui agissent de façon coordonnée dans le même domaine. À l’évidence, les multiples casquettes du préfet maritime lui permettent une action facilitée sur le terrain, car il a la maîtrise opérationnelle des nombreux moyens de la Marine nationale qui agissent dans le cadre de l’action de l’État en mer.
Enfin, il ne faut pas perdre de vue que le préfet maritime reste un organe déconcentré de l’État. Autrement dit, il est en perpétuel dialogue avec les différents services centraux de l’État : les ministères, le secrétariat général de la mer, l’État-major de la marine, la direction générale des affaires maritimes de la pêche et de l’aquaculture. Ces derniers sont eux-mêmes tenus par de nombreux engagements internationaux. De nombreuses politiques maritimes sont particulièrement intégrées au niveau européen comme en matière de pêcheries, de douanes ou d’environnement marin. Il en va de même au niveau international, à l’instar du sauvetage en mer ou de la sécurité maritime, où l’OMI joue un rôle prépondérant.
Dans tous les départements et collectivités d’outre-mer, il n’existe pas de préfet maritime en tant que tel. Les compétences que ce dernier détient en métropole sont réparties entre le délégué du gouvernement, en tant que délégué du gouvernement pour l’action de l’État en mer, et le commandant de la zone maritime.
À lire également
Tensions maritimes et développement naval : le retour de la guerre en mer ?