Les Visionnaires. Un courant artistique international

19 février 2023

Temps de lecture : 5 minutes

Photo : Le Grand Palais éphémère (c) Wikipédia

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Les Visionnaires. Un courant artistique international

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La remarquable collection d’Art visionnaire d’Hervé Sérane a été exposée à Paris, au Palais Éphémère. Hervé Sérane fut le galeriste révélateur de ses artistes à la fin du XXe siècle.  Ce courant est apparu au cours des années 1970, il a disparu de toute visibilité à la fin des années 1990. Dans l’Histoire de l’art, cette forme d’inspiration et d’expression est présente tout au long, mais jamais dominante, souvent récurrente, parfois tout simplement difficile à apercevoir.

L’exposition très bien faite ne révèle qu’un aperçu infime de la collection très importante d’un passionné, qui plus est, visionnaire lui-même. Hervé Serane a eu pour ami et maître un autre artiste visionnaire, Abel Gance. Fellini également, en affinité avec lui, l’a encouragé. Photographe, il fut le plus jeune à bénéficier d’une exposition personnelle à la FNAC sous le parrainage de Max Théret. Il est notamment l’auteur d’un chef-d’œuvre : Voyage d’un photographe observé par des paysages, octobre (2010[1]).

On peut dire d’Hervé Sérane qu’il est un témoin de l’intérieur de ce courant difficile à définir, car composé d’êtres solitaires et d’œuvres singulières. Il ne peut se confondre avec l’Art fantastique très lié à la science-fiction, au fantasmagorique, à l’imaginaire débridé, spectaculaire, étrange, démonologique.

Pour lui, une œuvre est visionnaire si l’on y trouve, souffle, spiritualité, intemporalité. Toutes choses auxquelles il faut ajouter la virtuosité. Comment exprimer l’âme, les mondes invisibles et imaginaires sans une main habile ?

1970 – La réapparition du courant visionnaire

Quand réapparait ce courant, la vie artistique en France est très agitée. Après Mai 68 l’ambiance est extrêmement politique et brutale ! Les artistes sont « engagés ». La peinture est censée rejoindre les poubelles de l’histoire si elle n’a pas pour but la critique et la Révolution. Les théories conceptuelles qui s’imposent de plus en plus la déclarent morte.

La peinture visionnaire apparaît au paroxysme du grand tumulte discursif et de la table rase de l’art alors en cours.

Quelque chose d’analogique s’est produit à la fin du XIXe quand, au sommet de la virtuosité académique inouïe atteinte par la peinture réaliste, a surgi la grande vague des peintres symbolistes, aussi divers les uns que les autres. Certains historiens d’art ont considéré ce mouvement comme une nouvelle avant-garde qui s’ajoute, vers 1880, à celles, désormais consacrées, des Réalistes et Impressionnistes.

La situation est cependant différente en ce dernier tiers du XXe siècle quand réapparaît l’art Visionnaire : la virtuosité, mais aussi la peinture est honnie par les courants dominants de l’art. En revanche les Visionnaires sont quant à eux les maîtres non seulement de l’imaginaire, mais aussi de la forme.  Ils sont très différents des Surréalistes qui ont régné un temps entre les deux guerres et semblent avoir disparu. Contrairement à eux ce n’est pas l’inconscient, la psychologie qui les intéresse.  Ils sont paysagistes de l’âme et du mystère.

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Les surgissements de ce courant sont de l’ordre de l’oscillation naturelle des polarités. L’œil a horreur de l’ennui, de la répétition. Il aime ce qui est vivant, neuf, chaud, singulier. Comme à la fin du XIXe siècle le désir impérieux d’exprimer ensemble invisible et visible est un signe de lassitude d’un monde uniquement rationnel, conceptuel, matériel, « un peu bas de plafond » disait-on, il y a plus d’un siècle. La nécessité qui s’impose devient : poésie, mystère, beauté.

Création Galerie Râ – 1977

En 1977, Hervé Sérane crée la Galerie Râ à Paris. Tout près de là, le Centre d’Art contemporain de Beaubourg vient d’être inauguré. Deux mondes se côtoient !

Son exigence de galeriste est de choisir les œuvres une à une : il veut y trouver un accomplissement de la forme inséparable d’une présence, une vie, une lumière. La signature du tableau ne  lui suffit pas.

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Commence alors l’aventure : il réunit dans sa galerie des solitaires,  Helène Csech, Dado, Gerard di Maccio, Etienne Lodhéo, Alain Margotton, etc.

Il n’est pas seul à remarquer l’apparition des visionnaires. Proche de lui, Michèle Brouta,[2] galeriste passionnée d’estampes, découvre  et révèle les graveurs de ce courant dès 1976.

Un autre amateur passionné, Michel Random se consacre à l’écriture d’un livre révélant ses peintres et gaveurs.  L’Art visionnaire[3] paraît en 1979. Livre bellement illustré où les nombreux artistes évoqués frappent par leur diversité de talents et d’inspiration : Yves Doaré, Etienne Lodhéo, Gerard Trignac, Eric Desmazières, Philippe Moritz, Jean Michel Mathieu- Marie, François Houtin, Franca Sybillia, etc. Beaucoup d’entre eux sont encore à l’œuvre aujourd’hui. Ces peintres et graveurs ont connu une visibilité et un public fervent avant d’entrer dans l’ombre et de continuer à y travailler avec autant d’ardeur, suivis par de fervents amateurs qui ne les ont pas abandonnés.

L’art visionnaire un courant international

Certains pays y sont plus attachés que d’autres. Ainsi, l’Autriche, les pays de l’Est et du Nord de l’Europe, mais aussi le Japon, la Chine.  Tout au long de l’histoire de ce courant, ses artistes se sont dédiés à peindre l’âme, la vision intérieure, à lui donner forme.

L’intérêt est si vif en particulier en Asie qu’Hervé Sérane emmènera en tournée ses artistes visionnaires au bout du monde : en Chine, au Japon, à Osaka, il participera à Art Asia à Hong Kong en 1994.

Effacement et négationnisme médiatique et institutionnel

La fin des années 1990 fut pour les visionnaires comme pour la peinture en général le temps de la disparition de la vue, en France. Malgré les efforts d’Hervé Sérane, il lui fut impossible de participer à la FIAC[4] d’où peinture et gravure furent bannies totalement en 1993. Par ailleurs, la presse ne rendait plus compte d’aucune exposition non conceptuelle, la colonne « critique d’art » dans la presse avait disparu. Le public n’était plus prévenu des expositions. Ce fut le début d’une dure époque pour les galeries hors circuit officiel. La Galerie Râ dut fermer. Ses artistes ont retrouvé leur chemin solitaire et sans ressources.

Aujourd’hui cependant Hervé Sérane non seulement a conservé les tableaux de ce courant qu’il collectionne passionnément, mais il prend à cœur d’en rendre témoignage dans son Journal et autres écrits[5]. Il est le gardien de ce courant caché en conservant ses archives, car il ne reste aucune trace de ces artistes dans les archives médiatiques et institutionnelles. La raison en est simple : elles n’ont jamais existé parce que les « Visionnaires » ont été classés et demeurent toujours classés non « contemporains ».

 [1]Photos  avec pellicules argentiques noir et blanc, sans recourir aux surimpressions et techniques numériques.

[2] La première exposition des graveurs visionnaires a lieu Galerie Michèle Broutta en 1976. Michel Random fait un film long métrage sur ce courant la même année

[3] Michel Random, L’Art Visionnaire, Fernand Nathan, 1979, Introduction de Marie Madeleine Davy,

[4] Ce fut en 1993, que furent renvoyées de la FIAC les dernières galeries de peinture et gravure

demeurées jusque-là : Galerie Michel Broutta,  Galleria Del Leone, Galerie d’Alain Blondel, Galerie Claude Bernard . Elles étaient jugées non « contemporaines ».

[5] Auteur de Voyage au bout de l’art moderne, 1997, Michel de Maule

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Photo : Le Grand Palais éphémère (c) Wikipédia

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À propos de l’auteur
Aude de Kerros

Aude de Kerros

Aude de Kerros est peintre et graveur. Elle est également critique d'art et étudie l'évolution de l'art contemporain.

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