Mercenaires : la DRSD face aux nouvelles menaces

5 janvier 2023

Temps de lecture : 5 minutes

Photo : ** FILE ** Plainclothes contractors working for Blackwater USA take part in a firefight as Iraqi demonstrators loyal to Muqtada Al Sadr attempt to advance on a facility being defended by U.S. and Spanish soldiers in Najaf, Iraq in this April 4, 2004 file photo. The Blackwater USA contractors were actively involved in defending the position. (AP Photo/Gervasio Sanchez, File)/Blackwater_Prosecution_WX107/AN APRIL 4, 2004 FILE PHOTO/0812050452

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Mercenaires : la DRSD face aux nouvelles menaces

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La Direction du Renseignement et de la Sécurité de la Défense (DRSD) dispose d’un bureau traitant des sociétés militaires privées, point de regard indispensable sur les évolutions des SMP et les menaces qu’elles représentent pour les États. Entretien avec le LCL Henri, pour comprendre les évolutions des SMP.

Propos recueillis par Pierre Camus.

Le. Lieutenant-Colonel Henri, officier de l’Armée française, travaille au sein de la Direction du Renseignement et de la Sécurité de la Défense (DRSD), un service de renseignement transverse de contre-ingérence rattaché au ministère des Armées qui vise à protéger le pays contre les menaces à l’encontre de la sécurité des armées (personnels, matériels et infrastructures) et de l’industrie de défense. Il fait partie du bureau traitant des sociétés militaires privées (SMP).

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Les différents conflits de ces dernières années et notamment l’actualité récente en Ukraine, mais aussi particulièrement au Mali concernant la France, ont remis en avant ce que l’on appelle les Sociétés Militaire Privées (SMP), qui sont souvent perçues comme des mercenaires sans foi ni loi. D’un point de vue légal, voire doctrinal, qu’appelle-t-on une SMP en France ?

Le vocabulaire a beaucoup évolué sur ce sujet depuis 2010, et le service tout particulièrement fait la différence entre les Entreprise de Service de Sécurité et de Défense (ESSD), la partie légale dirons-nous du sujet, qui est une expression franco-française ; les Société Militaires Privées (SMP), qui désignées ainsi sont illégales en France, dont Wagner est un exemple, et ensuite les mercenaires. Il est évident qu’aujourd’hui de nombreuses personnes naviguent entre ces trois univers. En 2003, il y a eu un texte de loi (loi de 2003 créant les articles 446 et suivants du Code pénal) qui définit ce qu’est un mercenaire. L’expression « mercenaire » telle qu’on peut l’imaginer n’est plus la même aujourd’hui. La loi française, et donc le service, définit un mercenaire en fonction d’un certain nombre de critères au nombre de six. Il faut remplir ces six critères cumulatifs pour être considéré comme un mercenaire, le plus important étant celui de partir combattre pour de l’argent au profit d’un autre État, ce qui change énormément de choses. On part également du principe que l’individu est payé plus cher que les armées en présence. C’est très précis, donc dire de quelqu’un qui travaille dans une ESSD ou chez Wagner qu’il est mercenaire n’est pas forcément vrai aux yeux de la loi française. Il est vrai que dans l’inconscient collectif et l’acceptation courante on garde ce vocabulaire, mais les Occidentaux et surtout les Français ont été obligés de légiférer, c’est pour cela qu’on sépare les trois.
Ensuite, les ESSD sont des organismes honorables, comme Géos, Anticip, Risk & Co ou Gallice, entreprises françaises qui ne posent aucun problème et qui sont des entreprises de service de sécurité et de défense. En France, la force est l’apanage de l’État. Mais depuis les années 2000, on s’est rendu compte qu’il y avait un marché et une opportunité d’assouplir les lois afin d’avoir des ESSD françaises et non pas seulement anglo-saxonnes. Car ces problématiques régaliennes sont beaucoup plus souples chez eux entre le privé et le public. Ces nouveaux textes permettent donc à des entreprises comme celles que j’ai cité de faire de la sécurité privée, dans les domaines spécifiques de la protection, de la formation, de la logistique et de l’analyse du risque principalement.

Une SMP, telle que la conçoit l’État français et la DRSD de fait, est une entité à caractère purement militaire, mais privée, ce qui est illégal dans la conception régalienne française. La différence principale réside dans les missions qui sont réalisées ; pour le dire de manière assez simple, une SMP sera envoyée à l’assaut d’une position, ce que ne feront jamais les ESSD. Alors que des sociétés comme Wagner, Blackwater, Executive Outcomes, etc. ont été utilisées pour aller au combat, ou pour accompagner des troupes au combat, ce qui est illégal en France.

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Et quelle est l’organisation typique d’une SMP (cadres, méthodes et critères de recrutement, entrainement, etc.) ?

Cela dépend beaucoup du pays pour lequel elle travaille. Car derrière cela, il y a tout de même une tradition du pays d’accueil de cette SMP, typiquement une entreprise comme Wagner travaillera davantage comme l’armée russe, une SMP américaine sur le modèle de l’armée américaine, etc. Il y a donc un certain nombre de cas possibles et pas de modèles uniques. Mais reste que ce sont des entités terriblement pragmatiques. Pour prendre un exemple, Wagner est présente sur de nombreux théâtres (Ukraine, RCA, Syrie…), et pour avoir de bons soldats sur tous ces théâtres, c’est extrêmement compliqué en termes de ressources humaines, et ceci est fait en fonction des besoins de chaque théâtre. C’est pour cela qu’ils recrutent dans les prisons russes, mais ce sont des gens qu’il faut encadrer ensuite. Il faut également regarder le type de combat, et les recrutements qui sont faits en fonction : démineurs, personnel médical, etc. En 2022, il faut avoir en tête que les gens acceptent d’aller au combat s’ils savent qu’ils vont être soignés, rapatriés si besoin et indemnisés, eux ou leur famille le cas échéant. La façon de recruter dépend donc du théâtre, de son intensité et donc des besoins. Typiquement en Afrique c’était de la contre-guérilla alors qu’en Ukraine ce sont deux armées conventionnelles, ce qui veut dire que les compétences requises ne sont pas les mêmes.

Les États-Unis sont un cas à part, car ils payent davantage, notamment les Occidentaux, même si les Sud-Américains sont très recherchés, notamment les Colombiens, Brésiliens, Boliviens ou Équatoriens qui ne restent pas longtemps dans l’armée, dont les armées ont des stages d’aguerrissement et d’antiguérilla très difficiles et reconnus.

De plus, ce sont des unités très adaptatives en fonction du combat qu’elles ont à mener, du fait de leur légèreté importante par rapport à une armée conventionnelle. 

Ce type de mercenariat existe depuis l’Antiquité, et régulièrement au cours de l’histoire il y a eu des compagnies plus ou moins connues de mercenaires, de la compagnie catalane et des Lansquenets à Wagner aujourd’hui. Cependant, il s’agit aujourd’hui d’un milieu particulièrement cloisonné et discret, quel est, de ce que l’on sait, l’état des lieux des SMP aujourd’hui concernant leur nombre, leurs origines… ?  

C’est un monde qui évolue énormément, qui génère énormément d’argent. Les ESSD française ne représentent peut-être que 1% du marché. Alors qu’une société comme G4S, société rachetée par des Américains, qui a ensuite racheté un nombre considérable de plus petites sociétés pour être aujourd’hui l’une des entreprises les plus importantes de ce milieu au monde, employant 800 000 personnes (selon leur site internet) au total, du noyau dur aux succursales et au contractuel employé pour une mission ponctuelle. Ceci n’est pas surprenant, car c’est un monde où il y a besoin en permanence d’analystes et de gens sur le terrain qui sont contractuels. Wagner quant à eux, pour vous donner un ordre d’idées, cherchent à obtenir plusieurs milliers de personnes sur le théâtre ukrainien. Executive Outcomes était une entreprise colossale également, mais ce sont des mastodontes à taille variable. Les employés principaux, que l’on pourrait grossièrement définir comme « en CDI » ne sont pas si nombreux, ce sont des entreprises qui travaillent beaucoup au contrat.

Dans cet univers-là, les Anglo-saxons, au sens large Américains, Britanniques, Britanno-américains, sont très avancés, fut un temps il y avait de nombreuses entreprises sud-africaines ce qui est légèrement moins vrai aujourd’hui. Il y en a plusieurs chez les Russes également, même si bien sûr Wagner reste la principale. Vous en trouvez également quelques-unes dans les anciens pays d’URSS, ou bien même en Chine. En Chine, se sont de petites entreprises qui sont en devenir. Il y a aussi SADAT en Turquie, qui reste discrète elle, mais globalement il s’agit d’un monde dirigé par les Anglo-saxons.

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Pour conclure, aux vues du retour de la guerre en Europe aujourd’hui, qu’imaginez-vous comme avenir pour SMP, ont-elles un avenir radieux devant elles et seront-elles davantage employées par les États, ou seront-elles toujours un phénomène plutôt marginal ?

Ce sont des entreprises qui sont là pour faire de l’argent. Est-ce que les guerres risquent de s’arrêter ? Vous avez un bout de réponse…

Je voudrais simplement rajouter une dernière chose concernant les gens qui partent en Ukraine afin qu’il n’y ait pas d’amalgame. Les Français qui partent se battre en Ukraine ne sont pas considérés par la France comme des mercenaires. Car les Français qui vont combattre n’y vont pas pour de l’argent, mais pour des idéaux que ce soit religieuses, politiques, humanitaires ou autres (Cf. l’explication plus haut : texte de loi de 2003).

 

 

 

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Photo : ** FILE ** Plainclothes contractors working for Blackwater USA take part in a firefight as Iraqi demonstrators loyal to Muqtada Al Sadr attempt to advance on a facility being defended by U.S. and Spanish soldiers in Najaf, Iraq in this April 4, 2004 file photo. The Blackwater USA contractors were actively involved in defending the position. (AP Photo/Gervasio Sanchez, File)/Blackwater_Prosecution_WX107/AN APRIL 4, 2004 FILE PHOTO/0812050452

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Pierre Camus

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