La richesse artistique de Barcelone n’a d’égal que l’importance qu’ont eue l’art et la culture tout au long de son histoire. La ville a été le berceau de nombreux artistes devenus mondialement célèbres, mais aussi la scène de grands événements artistiques et culturels. Vivante, hétéroclite et créative, elle est devenue au fil des années, l’une des métropoles européennes les plus dynamiques et surtout, l’un des principaux centres de la culture méditerranéenne.
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L’art nouveau pour le renouveau
L’art nouveau se reconnait par l’utilisation du thème de la nature, s’illustrant généralement par des courbes et des proportions souples et dénotant un certain équilibre symétrique. D’une manière générale, il s’éloigne de ce qu’on appelle le rationalisme architectural et séduit par ses formes douces et sinueuses. Développé durant la période de la révolution industrielle à Barcelone, le courant artistique s’invite sur la plupart des architectures en Catalogne. Du Paseo de Gracia en passant par le quartier de la Dreta de l’Eixample, cette touche se remarque, discrètement, mais élégamment.
Entre 1894 et 1896, la brasserie « Els Quatre Gats » dans le quartier Gotic devient le repère de la Barcelone bohème. On y côtoie de grands noms de l’architecture moderniste, mais aussi des artistes en devenir comme Pablo Picasso, alors âgé de 19 ans. Les débats sur la culture, la peinture et la littérature y sont régulièrement organisés et de la rencontre entre ces artistes et intellectuels naissaient bien souvent de nouvelles idées. Picasso a en effet vécu pendant plus de dix ans à Barcelone avant de s’installer à Paris. D’ailleurs, il y retourna régulièrement jusqu’au début de la guerre civile, en 1936.
Entre modernisme et noucentisme
Portés par la riche bourgeoisie, plusieurs chefs-d’œuvre architecturaux ont ainsi vu le jour à Barcelone entre 1900 et 1912. Devenu le symbole du pouvoir et de la richesse, le modernisme catalan a trouvé refuge sous les ailes de grands mécènes amateurs d’art. Antoni Gaudi, maitre incontesté de ce courant artistique, a ainsi signé plusieurs créations architecturales pour de grands industriels. Il a notamment créé la fameuse Sagrada Familia, mais aussi la Casa Batllo pour Josep Batllo, issu d’une des plus riches familles de Barcelone. Il a également créé le parc Güell, la Palau Güell et la Colònia Güell pour Eusebi Güell, un des plus grands entrepreneurs de l’époque.
Villa construite par Gaudi dans le centre de Barcelone
L’un des projets qui ont sensiblement marqué l’histoire de Barcelone serait assurément La Pedrera qui est le premier parking souterrain de la ville et qui, encore une fois, est signée Gaudi. D’autres artistes-architectes ont repris le flambeau, à ne citer que Lluis Domenech i Montaner, à qui on doit la Palau de la Música Catalana ou encore Josep Puig i Cadafalch qui a conçu la célèbre Casa Amatller. D’autres courants artistiques voient aussi le jour, comme le Noucentisme porté par Eugeni d’Ors, journaliste et amateur d’art qui écrivit une série d’articles saluant les œuvres de jeunes créateurs catalans du début du siècle. Pas aussi marqué que les autres, il se mêle et réussit à coexister avec le modernisme. De 1911 à 1932, on retrouve ainsi dans la ville de Barcelone, plusieurs œuvres d’artistes suivant le noucentisma. On citera notamment Josep Goday, Nicolau Maria Rubió i Tudurí connu pour avoir créé les célèbres jardins de Montjuïc Josep Francesc Ràfols ou encore Rafael Masó.
Du classicisme à l’art déco
La peinture évolue en même temps, influencée par plusieurs courants artistiques comme le classicisme ou encore le cubisme. Les peintures murales de Josep Maria Sert dénotent un style plus personnel avec une influence et Goya. De son côté, Josep Aragay avoue son amour pour le style baroque dans ses créations et cela séduit. Les gravures et les affiches gagnent aussi en style, surfant sur un caractère plus réaliste.
Entre 1908 et 1934, les artistes sculpteurs dévoilent leurs talents à travers des œuvres exceptionnels. On citera particulièrement Josep Clarà, et ses sculptures figuratives d’inspiration méditerranéenne comme la Déesse sortie en 1908. De son côté, Manolo Hugué puise dans un savant mélange de classicisme et primitivisme dans son œuvre, le Bacant, sorti en 1934. D’autres sculpteurs de renom comme Frédéric Marès, Enric Casanovas ou encore Julio Antonio ont également contribué à faire la renommée de Barcelone. En 1929, l’Exposition internationale a accueilli la Plaça de Catalunya, regroupât ainsi les meilleurs sculpteurs de Barcelone et d’ailleurs.
L’art déco commence aussi à faire son apparition à la même époque et se remarque aussi bien sur les vitraux que la céramique, les tapisseries et le mobilier.
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Esprit d’avant-garde et nouvelles formes d’art
Après la guerre civile, les artistes catalans prennent leur inspiration sur les mouvements artistiques européens. La conception de l’art passe ainsi par une période de renouvellement et les divers courants artistiques en vogue à l’époque tels que le cubisme, le dadaïsme ou encore le surréalisme commencent à gagner du terrain. La figuration évolue vers l’art abstrait et les changements se remarquent également dans l’architecture qui mêle le classicisme noucentiste à une nouvelle forme de rationalisme. En 1929 apparait ainsi le groupe d’artistes et techniciens catalans pour le progrès de l’architecture contemporaine (GATCPAC) à Barcelone et parmi les membres, on retrouve Josep Lluís Sert, auteur du célèbre pavillon de la République pour l’Exposition universelle de Paris en 1937.
L’avant-gardisme se prête par ailleurs à d’autres formes d’art, notamment la sculpture. Pau Gargallo en était un grand adepte et cela se ressentait sur la conception de ses fameuses sculptures métalliques, mêlant noucentisme et expressionnisme. Le Gran Ballarina (1929) et le The Prophet (1933) viennent d’ailleurs en témoigner. De son côté, Juli González maniait le fer pour obtenir des formes abstraites comme avec la Femme se peignant les cheveux (1932) ou encore L’homme cactus (1939).
L’ère de Dali et la découverte d’un monde onirique
Outre Picasso et Gaudi, l’une des figures les plus marquantes de Barcelone est assurément Salvador Dali. Il fut l’un des premiers à introduire le surréalisme au pays, au même titre que Joan Miró qui est reconnue pour une signature unique, mêlant le surréalisme à l’art abstrait. L’une des œuvres qui a surtout fait connaître Dali est certainement le fameux La Persistance de la mémoire (The Persistence of Memory) aussi appelée Les Montres molles en 1931. Il signe, entre autres en 1935 et en 1941, deux tableaux devenus des intemporels, à savoir The Angelus of Gala et Soft Self-Portrait. La sortie de Madonna de Port-Lligat en 1948 amorce un style plus réaliste où l’artiste puise son inspiration dans la science et la religion.
Musée National d’art de Barcelone
De son côté, Joan Miró a choisi de peindre un monde fantastique et onirique à travers ses toiles. La réalité se dissout ainsi dans La Terre labourée (Terra llaurada) finie en 1924. Le personnage qui a été perçu comme étant l’antithèse de Dali, a choisi de mettre en avant la relation entre l’espace et les objets et on retrouve aussi cette proportion dans le fameux Carnestoltes d’Arlequí (1925). Le surréalisme ne se remarque uniquement pas sur les tableaux, il s’invite aussi sur les sculptures. Divers artistes tels que Ramon Marinello ou encore Eudald Serra du collectif ADLAN (Friends of New Art), fondé par Sebastià Gasch en 1932, en sont notamment de beaux exemples. Les groupes Dau al Set, fondé en 1948, s’orientent plus, quant à eux, au surréalisme.
L’après-guerre : la période de transformation culturelle
Le XXe siècle a été marqué par des transformations culturelles et sociales. Durant la guerre civile, le régime franquiste était désireux d’imposer son propre courant artistique. De nombreux artistes s’exilent pour échapper à la dictature de Franco. Face à la répression culturelle, des artistes d’avant-garde, notamment des plasticiens tels que Antoni Tàpies et Hernàndez Pijuan s’insurgent. Si l’abstrait est mis en avant, on note ensuite un retour à la figuration comme on peut le constater sur les œuvres signées par Guinovart. À la fin des années 40, on note le retour progressif des artistes qui exposent leurs œuvres dans de petites galeries privées de Barcelone. De nouveaux mouvements culturels tels que le Cercle de Maillol qui regroupe des artistes d’avant-gardes barcelonaises voit également le jour.
On remarqua aussi l’arrivée de nouveaux artistes tels que Busquets et Sert, Coderch ou encore Bohigas et Martorell dans les années 50, faisant fi du conventionnalisme de Franco. Les artistes font évoluer l’art et petit à petit, le surréalisme bascule vers l’informalisme porté par un concept moins formel. Les formes deviennent ainsi plus abstraites et les couleurs plus vives et parmi les grands précurseurs de cette tendance, on retrouve Antoni Tàpies. Du collage de croix (1947) à l’ovale blanc (1957), ses œuvres mêlent spiritualité, avant-gardisme et ce qui sera perçu plus tard comme le minimalisme. De son côté, Joan Hernandez Pijuanit se démarque par son style expressionniste et post-cubiste à travers la toile Peinture (1959).
Du côté des autres formes d’art, les artistes de la génération d’après-guerre explorent de nouveaux matériaux et de nouveaux concepts et des formes d’expressions plus innovantes. Le collectif Saló d’Octubre qui compte plusieurs artistes en devenir comme Domènec Fita, Salvador Aulèstia, Manuel Cusachs ou encore Moisès Villèlia, œuvrait pour cette quête artistique qui donna bien plus tard naissance à l’art conceptuel.
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La nouvelle figuration comme forme d’art
Dans les années 1960 apparait un nouveau courant artistique, la nouvelle figuration. Plus informel, plus rationnel et constructif, il est vite adopté par de nombreux peintres célèbres, à ne citer que Saura, Pablo Palazuelo ou encore Francisco Sobrino. Manuel Hernández Mompó et Fernando Zóbel, artistes indépendants, surfent également sur la tendance, mais l’associent à des touches un peu plus abstraites. Le réalisme devient quant à lui plus poétique dans les œuvres d’Antonio López García dans les années 1970.
L’art conceptuel a définitivement trouvé sa place à partir des années 1980. Francesc Abad et Jordi Benito se laissent séduire par de nouveaux concepts post-modernes. Il n’y a plus de barrières de style, l’artiste laisse libre cours à sa créativité et peut puiser dans les styles précédents sans pour autant s’en inspirer. Plus concrètement, la liberté de pouvoir s’approprier n’importe quel courant artistique et le transformer à sa manière est un concept qui plait beaucoup. Miquel Barceló, un artiste majorquin qui a choisi de s’installer à Barcelone en était un grand adepte et on peut d’ailleurs le remarquer à travers ses œuvres, à ne citer que Le Grand dîner espagnol (1985). Les couleurs vives et formes abstraites mêlées au support en pâte à papier de Joan-Pere Viladecans sur La contagion du papillon (1984) viennent aussi confirmer cette envie de s’affranchir et d’essayer de nouvelles choses.
Street art et art contemporain
Outre ses nombreux musées et galeries, Barcelone compte également plusieurs lieux incontournables dédiés à l’art. Du musée Picaso en passant par la fondation Miró, le Macba, la fondation Suñol ou encore la fondation Tapiès, chacun de ces endroits retracent le parcours d’artistes qui ont marqué Barcelone et le monde de l’art en général. Entre expositions d’art ancien, moderne et contemporain, débats et conférences autour de l’art, projections de films, concerts et cycles de littératures, les programmations sont aussi diverses que variées et parleront assurément à tous les amateurs d’art.
La ville en soi aussi est une grande toile ouverte, avec ses nombreux monuments et bâtisses à l’architecture unique, mais aussi et aussi par ses murs, parsemés d’un art de la rue : le street art. Barcelone compte en effet un très grand nombre d’artistes graffeurs et malgré l’interdiction par la municipalité en 2006, le mouvement artistique a perduré, ornant ainsi les murs de la ville d’une vague de couleurs. De Banksy à M. Brainwash, même les plus célèbres graffeurs du monde ont posé leur empreinte à Barcelone. Les ruelles de la vieille ville, à savoir les quartiers de Raval, de Ribera et de Gotico affichent ainsi des murs, des tunnels, des ponts et façades colorés. On retrouve également des visuels percutants sur les hauteurs de Barcelone, notamment dans le parc Guinardo attenant à la galerie Montana. La galerie Misclena propose aussi des expositions d’art contemporain et de street art. L’art de rue a indéniablement contribué à renforcer l’image culturelle de Barcelone et s’il y a bien un endroit incontournable, c’est le quartier industriel de Poble Nov.
La richesse architecturale de Barcelone
Ce qui fait aussi la singularité de Barcelone, c’est son architecture moderniste. Des architectes de renom comme Antoni Gaudí, Josep Puig i Cadafalch ou encore Lluís Domènech i Montaner ont façonné des édifices étonnants, créant une trame urbaine unique au monde. On ne manquera pas de citer la célèbre Sagrada Familia de Gaudi qui est d’ailleurs devenue en quelque sorte l’emblème de Barcelone.
Rue du centre-ville historique de Barcelone
S’il y a bien un quartier à visiter absolument à Barcelone, c’est le quartier gothique (El barri Gotic). On y retrouve tous les plus vieux monuments de la ville, depuis les murailles en passant par les fameuses colonnes du temple d’Auguste. Parmi les incontournables, on citera également la Palau de la Generalitat de Catalunya, la Cathédrale Sainte Eulalie (Santa Eulalia) ainsi que la Plaça St Felipe de Neri qui témoigne d’un passé historique fort tumultueux. Le quartier de l’Eixample qui abrite la Sagrada Familia symbolise, quant à lui, le renouveau de Barcelone et cela se remarque d’ailleurs dans sa conception plus moderne. Rappelons que c’est l’architecte Ildefons Cerdà qui a initié l’amélioration de ce quartier ainsi que l’agrandissement de la ville vers le milieu du XIXe siècle.
L’art public : quand Barcelone s’ouvre au monde
Outre l’architecture étonnante de ses bâtisses, Barcelone met en avant l’art public à travers divers musées, galeries, parcs et jardins. Le patrimoine artistique de la ville est aussi riche que diversifié, mettant en avant monuments et statues comme le fameux Santa Eulàlia, sur la Plaça del Pedró, datant de 1673. Il convient également de mentionner la montagne de Montjuïc qui a notamment accueilli l’exposition internationale de Barcelone en 1929. Idem pour Tibidabo et la ville haute qui offre une vue spectaculaire sur la ville et ses alentours. Des artistes et architectes tels que Santiago Calatrava Valls ou encore Josep Lluís Mateo ont succédé à Gaudi et Mirò, créant ainsi une certaine continuité dans leurs œuvres.
Barcelone a tant à offrir, aussi bien du point de vue culturel qu’architectural. Autant dans ses musées que dans ses ruelles, on retrouve les témoignages séculaires qui l’ont aidée à devenir ce qu’elle est aujourd’hui. Perle de la Catalogne, Barcelone a su allier la tradition à la modernité avec une attache bien ancrée à son passé et à ses racines, mais la main tendue vers l’avenir.
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